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Vieilleries
[L'auteur]
Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A
cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi.
Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et
capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais
sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur
fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des
sujets un peu moins osés.
[Editions]
Mes pieds nus dans tes vieux sabots bretons,
collection 8pA6 de
La
Vachette Alternative
Nos
parcelles de terrain très très vague,
Éditions Asphodèle, Collection Minuscule
disponible également via
Fnac,
Chapitre,
Amazon,
Place des Libraires
London Trip Diary, At Home Editions
disponible via
Celui qui préférait respirer le parfum des fleurs,
collection 8pA6 de
La
Vachette Alternative
[Parutions en revue]
L'Angoisse -
Chos'e -
Dissonances -
Interlope -
Interruption -
Katapulpe -L'Autobus - Levure Littéraire - Mauvaise graine -
Microbe - Magnapoets - Nouveaux Délits -
Revue Squeeze - Traction Brabant - Trace écarT -
Le Zaporogue
[Participations]
CroutOthon -
FPDV -
Le Quotidien des Martyrisés -Les 807 -
Les Etats Civils - OnLit - Sistoeurs.net - Vents Contraires - Vous dites ?
[Email]
marlene.tissot@gmail.com
[Marlène ailleurs]
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Sistoeurs.net
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On Lit
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Vents Contraires
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La boîte aux lettres
C’est au bout du chemin. Y’a la boîte aux lettres. Et tu sais qu’elle est
vide. Mais tu y vas quand même. Te dégourdir les jambes. Flairer le
printemps qui bourgeonne. Caresser le paysage, le chat, la poussière qui
s’accumule sur la vieille table de jardin. Et puis ça ajoute quelques grains
au sablier de tes jours un peu trop vides.
Depuis que le Jean a foutu le camp de l’autre côté du rideau, t’as pas grand
monde avec qui causer. T’as pas grand-chose à faire non plus. Le potager,
c’est bien fini. Avec un dos comme ça, qu’est-ce qu’on peut faire ? Alors
t’as vendu un bout du terrain. Sans le dire aux enfants. Finiront bien par
le remarquer. Un jour ou l’autre. Mais ils viennent pas souvent. Pas le
temps. Ils téléphonent parfois. Envoient une carte ou deux. Joyeux
anniversaire. Bonne année.
C’est au bout du chemin. Y’a la boîte aux lettres. Et tu sais qu’elle est
vide. Mais tu y vas quand même. À petits pas précautionneux sur la caillasse
et la terre sèche. Tu vérifies trois ou quatre fois que la clef est bien là,
dans la poche de ton tablier. Et puis tu ouvres la boîte. Une grosse boite
carrée. Normalisée, ils ont dit quand ils t’ont obligée à installer ce truc
au bord de la route. Parce que, vous comprenez madame, on peut pas laisser
les facteurs continuer ainsi. Aller et venir chez tous les gens qui vivent
isolés. Au bout du compte, ça en fait des kilomètres et du temps perdu. Vous
comprenez ? Question d’efficacité. À l’heure actuelle, tout est affaire de
rendement. On doit rester compétitifs. Vous comprenez madame ? Tu avais
hoché la tête. Même si tu n’y comprenais rien.
C’est au bout du chemin. Y’a la boîte aux lettres. Mais le facteur continue
de venir jusqu’ici, de temps en temps. Quand y’a du courrier. C’est pas
souvent. Des factures, en général. Et il te demande comment tu vas, t’aide à
lire le programme télé, change l’ampoule de la cuisine. Il te dit que tu as
bonne mine, et tu rosis sous tes rides. Parfois il prend un petit café, mais
vite fait parce que sinon, au bureau, ils vont encore le faire chier avec ce
foutu rendement. Comme si la poste était devenue une start-up à
l’américaine, il dit, avec ses yeux pleins de colère. Puis il s’en va en te
souhaitant une bonne journée, et te rappelant de pas oublier ton médicament
à midi. Et tu te dis que tu devrais peut-être commander des bricoles à la
redoute ou au téléachat pour qu’il passe plus souvent. T’apporter des colis.
Mais c’est compliqué, toutes ces cases à remplir, ces codes à taper sur le
téléphone. Sans compter l’argent que ça coûte ces bidules inutiles !
C’est au bout du chemin. Y’a la boîte aux lettres. Tu savais qu’elle serait
vide. Mais tu y es allée quand même. Tu reviens avec le cœur gros mais du
vent dans les mains. Et on dirait même que t’as paumé la clef en route. Ça
te met en rogne. Tu sais bien que c’est pas grave, mais la colère, elle s’en
fout, elle monte, elle monte. Faut retrouver cette satanée clef. Demi-tour.
Tu marches un peu trop vite et y’a ton pied qui ripe sur un caillou. Te vlà
étalée par terre, la tête dans la poussière. Des tas de petites étoiles qui
dansent au fond de tes yeux, et puis le grand voile noir. Quand la vue
revient, t’essayes de te relever, mais tu peux pas bouger. C’est pas que ça
fait mail. Juste que ton corps ne répond plus. Alors tu regardes les nuages
courir là-haut. Le vol en V des oiseaux. Le chat qui passe. Le soleil qui
commence à baisser. Tu peux toujours pas bouger, même pas un doigt. Une
poule s’approche et plante un coup de bec dans ta joue. Tu fermes les yeux
de peur qu’elle ne les picore. Tu vas peut-être dormir un peu maintenant.
Pas grand-chose d’autre à faire. Et puis tu te dis que les nuits sont assez
douces. Que tu tiendras le coup. Tu espères qu’il y aura du courrier demain.
Que le facteur ne les déposera pas simplement dans la boîte. Au bout du
chemin.
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