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movies, like the clouds
on a plane to Japan


The Breaking Hands, The Gun Club


 

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Vieilleries

 


[L'auteur]

Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi. Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des sujets un peu moins osés.

 


 

[Editions]

 

Mes pieds nus dans tes vieux sabots bretons, collection 8pA6 de La Vachette Alternative

 

 

Nos parcelles de terrain très très vague, Éditions Asphodèle, Collection Minuscule

 

disponible également via Fnac, Chapitre, Amazon,

Place des Libraires
 

 

London Trip Diary, At Home Editions

 


disponible via

 

 

Celui qui préférait respirer le parfum des fleurs, collection 8pA6 de La Vachette Alternative

 

 



[Parutions en revue]

 

L'Angoisse - Chos'e - Dissonances - Interlope - Interruption - Katapulpe -L'Autobus - Levure Littéraire - Mauvaise graine - Microbe - Magnapoets - Nouveaux Délits - Revue Squeeze - Traction Brabant - Trace écarT - Le Zaporogue 


 

[Participations]

 

CroutOthon - FPDV - Le Quotidien des Martyrisés -Les 807 -  Les Etats Civils - OnLit - Sistoeurs.net - Vents Contraires - Vous dites ? 
 



[Email]

 

marlene.tissot@gmail.com
 

[Marlène ailleurs]

 

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[Liens]


Les voix

(Franck)
Enfiler les vêtements sales. Ceux que je portais déjà hier. Et le jour d’avant. Je ne sais plus depuis quand exactement. Ils ont pris la forme de mon corps maintenant. Ils sont tellement plus souples que les vêtements propres rangé dans l’armoire.

Glisser mon corps lavé dans la crasse des vêtements. La douche de ce matin, je m’en souviens. Je n’ai pas pu la rêver cette pluie drue et chaude sur ma peau. Le savonnage en revanche je ne m’en rappelle plus. Je ne suis sans doute pas si propre. Pas lavé, non. Juste rincé. Je n’aime pas toucher mon corps. Sentir que j’existe, solide, réel, palpable. Alors je rince, longtemps, trop longtemps certainement. Et puis je m’enroule dans un peignoir, j’attends juste que ma peau sèche avant d’enfiler des vêtements.

Le pantalon est ombré de crasse à hauteur des genoux. Il y a quelques tâches sur mon tee-shirt. Ça n’a pas d’importance. Personne ne le verra. La nuit me protège toujours. Le jour je sors de moins en moins souvent. Faire quelques courses de temps en temps. J’évite de croiser le regard des gens. Même la caissière, avec son beau sourire, me fait peur. Il cache sans doute des tas de choses sombres, son sourire. Je me demande si elle trouve que j’achète trop de bières, si c’est pour ça qu’elle pince un peu les lèvres ou si c’est à cause de la crasse sur mes fringues.

J’achète des tas de bouteilles de bière et des paquets de biscottes. Ça se conserve bien les biscottes. Suffisamment longtemps pour m’éviter d’avoir à revenir avant d’avoir épuisé ma réserve de bières. Il me faut trouver la force d’affronter le regard des gens. Ça devient sans cesse plus douloureux. Je n’ose plus sortir. Je parle de moins en moins. Ça ne me manque pas tout ce cirque. Les sourires, les politesses, l’hypocrisie. Les relations humaines se construisent sur une moyenne de quatre vingt pour cent de mensonges. Je crois que j’ai cessé d’aimer les gens, tout simplement.

Je ne sais même pas pourquoi j’ai décroché le téléphone. Il y avait si longtemps qu’il n’avait pas sonné. Le bruit m’a surpris, inquiété, effrayé. C’est pour le faire taire que j’ai attrapé le combiné. Dedans il y avait la voix d’une femme qui me demandait de venir la chercher. Elle m’a dit, viens vite, viens me chercher, faut qu’on se tire ! Elle m’appelait Mark. Je ne lui ai pas dit que mon nom était Frank, qu’elle avait dû faire une erreur. J’ai juste répondu, d’accord j’arrive. J’ai enfilé mes vêtements sales. Je suis sorti. La nuit me tendait les bras.

(Mary)
Les limites de la rue avaient disparu. Les lampadaires en panne. La lune aussi. Et les étoiles comme des ampoules grillées. Comme si la nuit avait tout avalé. Il ne restait que la cabine téléphonique avec sa petite lueur blafarde, timide.

J’ai regardé ma montre en me demandant où tu étais, ce que tu foutais. Frisson électrique le long du dos. La peur, le froid, le manque. Besoin de toi. Besoin de lumière. N’importe quelle lumière. Une luciole dans le caniveau, une rayure filtrant d’un volet, les phares de ta bagnole franchissant à toute vitesse le coin de la rue. Tu m’avais dit, rendez-vous demain matin tu sais où. Mais je voulais que tu viennes me chercher tout de suite. Que tu me laisses pas comme ça dans la gueule sombre des rues vides. Tu m’avais dit qu’il fallait d’abord que tu t’occupes du pognon. C’est toujours un problème le pognon. Qu’on en ait une pleine valise ou pas du tout.

Je me suis approchée de la cabine. Comme un insecte attiré par la lumière. J’avais des voix qui me poussaient dans la tête. Certaines récitaient des drôles de petites prières. Je les entendais malgré moi et je me disais, Mary, tu es folle, tu es complètement tarée. Je criais pour couvrir le bruit des voix dans moi. MARY TU ES FOLLE. Il y avait mes cris pleins la rue qui éclaboussaient la nuit. MARY TU ES FOLLE. Et pourtant ma bouche restait fermée. Mes yeux cherchaient des lumières. La cabine m’a pris dans ses bras. J’ai trouvé une pièce dans le fond de ma poche et j’ai eu dans l’idée de t’appeler. Ton numéro était inscrit quelque part dans ma mémoire. Ça a toujours été le bordel dans ma mémoire. J’ai appuyé sur des touches au hasard. Tu as décroché. Ou peut-être que ce n’était pas toi. Ça n’avait pas d’importance. Il me fallait t’entendre. Entendre n’importe quelle voix, du moment qu’elle ne venait pas de l’intérieur de ma tête.

Mark, c’est Mary, je t’ai dis. Faut pas qu’on attende demain matin, j’ai un mauvais pressentiment. Je suis rue de l’Arbre Sec. Viens vite, viens me chercher, faut qu’on se tire ! Je crois que ce n’était pas toi en définitive, mais l’homme a répondu d’accord, j’arrive. Puis il a raccroché.
[Projet en cours...]

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