Nobody loves you when you're down and out
Nobody sees you when you're on cloud nine

 

Nobody loves you (when you're down and out), John Lennon




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Vieilleries


[L'auteur]

Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi. Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des sujets un peu moins osés.

 


 

[Editions]

 

Mailles à l'envers
Editions Lunatique, collection Romans

 


 

 

Mes pieds nus dans tes vieux sabots bretons, collection 8pA6 de La Vachette Alternative


 

 

Nos parcelles de terrain très très vague, Éditions Asphodèle, Collection Minuscule

 

disponible également via Fnac, Chapitre, Amazon,

Place des Libraires
 

 

London Trip Diary, At Home Editions

 


disponible via

 

 

Celui qui préférait respirer le parfum des fleurs, collection 8pA6 de La Vachette Alternative

 

 



 

[Parutions en revue]

 

A la dérive - L'Angoisse - Charogne - Chos'e - Dissonances - Interlope - Interruption - Katapulpe - L'Autobus - Levure Littéraire - Mauvaise graine - Microbe - Magnapoets - Nouveaux Délits - Revue Squeeze - Traction Brabant - Trace écarT - Le Zaporogue 


 

[Participations]

 

CroutOthon - FPDV - Le Quotidien des Martyrisés - Les 807 -  Les Etats Civils - Les Histoires Noires - OnLit - Sistoeurs.net - Vents Contraires - Vous dites ? 
 



[Email]

 

marlene.tissot@gmail.com
 

[Marlène ailleurs]

 

Sur Flickr
Sur DIYZines
Sur Les Etats Civils
Sur Sistoeurs.net
Sur On Lit
Sur Vents Contraires
Sur Fulgures.com

 


 

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Vendredi 29 juin 2012

Mauvaise Graine

Le n°70 de la revue bilingue français-anglais MGVersion2>Datura, orchestrée par Walter Ruhlmann, est sorti. Il se commande en version papier par ici ou se lit en ligne  par . De la fiction, de la poésie, des photos et un sommaire plus qu'alléchant dans lequel on retrouve entre autre Sebastien Ayrault, Patrice Maltaverne, Cathy Garcia, Stéphane Bernard, Vincent, Christophe Siébert, et des tas d'autres que je me suis régalée à découvrir !
 

Devenir la vie

Cette nuit, je n’ai pas parlé aux macchabées sous leur pierre. Je ne les ai pas écoutés non plus. Il n'y avait que ces bruits dans moi, comme une source souterraine enflée. En rentrant ce matin, j’ai piétiné une flaque qui reflétait un coin de ciel bleu. Je suis resté là un moment, les semelles collées à l’instant, et j’ai demandé à la terre d’attendre encore un peu avant de me dévorer. J’ai demandé au ciel d’arrêter un moment de me tenter. Depuis Mary, l’ici, l’entre-deux, le nulle part s’est mis à devenir la vie. ["Les voix", roman en cours de tricotage]


Back to life


[Paris juin 2012, photo Marlene T]
 


Jeudi 28 juin 2012

Light

Tu brilles dans moi
comme une boule à facette
une multitude de petits bouts de toi
scintillent au creux de mon ventre
et allument des feux
pas toujours si sauvages
pas toujours si tranquilles
 


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 27 juin 2012

Les lames

Tout ça, c’était autrefois. Il s’est passé des tas de choses autrefois.
Des tas de choses...
Il y a eu papa qui faisait mal quand la nuit tombait. Il y a eu beaucoup de silence malgré les cris à l’intérieur de moi. Il y a eu l’hôpital, il y a eu l’été, il y a eu la pension ou maman m’a envoyée. Peut-être que c’était pour mon bien, je ne sais pas. Alors ce fut la fin de certaines choses. Celles dont je ne sais pas parler.
J’ai pris le train un matin de septembre. L’école était très loin. J’avais quatorze ans, des cahiers neufs et un uniforme bleu sombre comme toutes les autres filles. Je ne connaissais personne et là-bas, personne ne savait rien de moi. Un peu comme si j’étais propre à nouveau. Mais j’avais l’impression que l’odeur de papa s’était infusée sur ma peau. Ça m’empêchait de me faire des amies. Tôt ou tard, il aurait fallu que je me confie et j’ignorais si je serais capable de mentir.
L’année s’est écoulée. J’avais toujours autant de silence dans la bouche et souvent des voix parlaient dans ma tête. Un nouvel été arrivait. Je suis rentrée à la maison. Papa évitait de croiser mon regard. Il ne disait pas grand-chose. Parfois il soupirait, s’inquiétait du prix de la pension, suggérait à maman de me faire revenir définitivement parce que ça suffisait comme ça l’argent balancé par les fenêtres. Alors maman piquait sa crise. Elle disait qu’elle n’en pouvait plus de tout ce bordel et qu’un de ces jours elle finirait par tout raconter, qu’elle s’en irait de ce trou à rat et referait sa vie. Mais elle s’en allait jamais, maman. Soit parce qu’elle aimait papa malgré tout, soit parce qu’elle savait bien que si elle parlait de tout ça à qui que ce soit papa irait en taule mais elle aussi, maman, elle se retrouverait derrière les barreaux.
Un autre septembre est arrivé, je suis retournée à la pension avec mon uniforme un peu moins neuf, un peu trop court, et j’ai appris à devenir coiffeuse. J’avais quinze ans. Maman disait que j’étais en âge d’apprendre un métier. Que c’était la meilleure chose à faire, que le travail c’était la liberté. J’ignorais quelle saveur pouvait avoir la liberté mais je rêvais d’y goûter. Aujourd’hui je coupe les cheveux des hommes dans un salon bourgeois sur les boulevards d’une grande ville. Il m’en passe des tas entre les mains, des hommes. Et ce qui me plait le plus, je crois, c’est tenir les ciseaux, les rasoirs, si près de leur visage. Savoir qu’à chaque instant il m’est possible de leur planter des lames tranchantes dans les yeux ou dans la gorge. C’est peut-être ça la liberté. ["Les voix", roman en cours de tricotage]
 


Lundi 25 juin 2012

Far far away

Aller plus loin que loin
franchir des frontières
qui ne se dessinent pas


S'enfuir


[Paris juin 2012, photo Marlene T]
 


Samedi 23 juin 2012

My own private idéaux

Eteins toutes les lumières
et regarde-moi dans la peau
je voudrais être belle pour toi
d'une beauté que personne d'autre
ne pourrait voir
 

It's time to dive (10)


[Londres, photo Marlene T.]
 


Vendredi 22 juin 2012

Crever l'oeil

Mary a crevé l’oeil de la porte. Il lui faisait peur. Comme le cristallin vitreux d’un bovin mort sur l’étal du boucher. Elle s’approchait, tremblante, de la porte aux cinq verrous, vérifiait de l’autre côté à travers l’oeil et sans cesse l’image revenait, toujours la même. Papa qui tambourinait et demandait d’ouvrir, suppliait, chialait presque, promettait que tout était fini, qu’il avait changé, voulait juste parler, s’excuser, s’expliquer. Papa qui plaquait sa gueule rouge pleurnicharde contre l’oeil de la porte et qui geignait Mary, Mary, Mary...
Il était resté longtemps. Et il attendait quoi au juste ?
Mary ne comprenait rien. Elle avait peur, c’est tout.
Elle guettait à travers l’oeil de la porte, maladivement. Elle a fini par le crever histoire d’avoir la paix. Elle a ajouté un verrou aussi, mais ça ne suffit pas. Parfois elle colle son oreille contre le bois et écoute respirer l'immeuble. Papa est comme un loup. Il finira par revenir, sans faire de bruit, quand elle ne s’y attendra pas. Alors elle se tient prête, tout le temps, au cas où. Elle prépare chaque chose. Les ciseaux, les rasoirs, le courage et la rage. La prochaine fois, elle ouvrira la porte à papa, elle écoutera gentiment ce qu’il a à dire puis elle lui fera une belle coupe de cheveux. Elle lui taillera la carotide aussi.
Mary se demande si les souvenirs sont solubles dans le sang.
["Les voix", roman en cours de tricotage]
 


Jeudi 21 juin 2012

L’odeur de ta voix dans la pénombre bleutée d’une nuit d’hôtel

Chaque jour est un autre jour
qui trimbale ce qu’il peut de magie et de désastre
pour nourrir la grande histoire
 

It's time to dive (9)


[Vers Oberkampf 19 juin 2012, photo Marlene T.]
 


Mercredi 20 juin 2012

La fille aux chaussures roses
 

Une heure à tuer entre deux trains. Je glisse mon pas dans le pas de la foule. Le long des vitrines. J'avance au rythme tic-tac des sacs suspendus en balancier au bout de bras lianes. Des sacs partout. Des sacs pleins d'objets, des vitrines pleines d'objets. Des achats. La faim d'avoir, la soif de posséder. Compulsion. Le vide que chacun remplit comme il peut. Les maillots de bain échancrés, les cravates en soie, les bijoux, les cosmétiques, les costumes rayés, les chaussures. Les chaussures roses de la fille, juste devant moi. Mon regard kidnappé. Les chaussures roses et, plantées dedans, deux jambes longues et fines, d'un blanc nacré comme le ventre d'un coquillage au creux duquel on pourrait entendre, et voir et flairer la mer. Il suffirait de fermer les yeux. Je pourrais me noyer dans l'océan lacté des jambes de la fille. Envoyer ses chaussures roses faire des ricochets sur l'asphalte. Goûter ce qui ne s'achète pas. Faire ce qui ne s’ose pas. Rêver un peu trop fort. Je pourrais laisser l'heure mourir doucement au lieu de chercher à la tuer.


Condamnés à errer
en attendant que
la rue se termine


[Ménilmontant 19 juin 2012, photo Marlene T.]
 


Lundi 18 juin 2012

Paroles

Les gens me parlent.
Je suis silencieuse alors souvent, très souvent, les gens me parlent, ils racontent, se confient, se confessent. Bien sûr, ils ne voient pas que je suis comme une malle pleine à craquer, que je ne peux plus rien contenir, pas un mot de plus, pas une anecdote, pas un regret, pas même le plus petit souvenir, aussi délicieux soit-il. Rien. Je ne peux plus rien avaler, mais.
Les gens me parlent encore.
J’écoute et je vomis leurs mots sans que personne ne remarque rien parce que j’ai appris à faire tout doucement, respectueusement. Un petit dégueulis d’âme pas plus lourd qu’un soupir. Parfois les gens me regardent avec un léger hochement de tête, une manière de signifier que tout ce silence, ils l’ont bien compris, c’est une invitation que je leur lance, comme une manière de quémander leurs paroles, tous ces mots dont leur bouche sont pleines, dont leur ventre est plein, et leur tête et leur peau tendue, bouffie de mots, de choses à raconter, à cracher comme un mauvais pinard. Alors que mon silence est la preuve du vide qui m’habite, n’est-ce pas. N’est-ce pas ?
Les gens me parlent toujours.
Leurs mots piétinent les miens, les tassent lentement à l’intérieur, ensevelissent tout ce que je tais. Je reste silencieuse. Jusqu’au jour où peut-être les paroles des autres pèseront assez lourd pour tuer au fond de ma chair ce qui ne peut être dit. Pour que le calme revienne sous ma peau et que je puisse à mon tour parler. Simplement parler.


Crache


[Photo Marlene T.]
 


Samedi 16 juin 2012

Hurler à la lune

quand le silence
fait trop de bruit
 

Se changer en loup


[Photo Marlene T.]
 


Vendredi 15 juin 2012

Une forêt et toi

Il fait nuit
je suis seule dans le silence et
j'écoute le bruit d'une foret qui pousse
juste-là
des arbres transperçant mon matelas
des arbres tendus vers le ciel et les étoiles
et tout ce qui est trop loin pour qu'on puisse le toucher
mais ici, sur le feuillage des grands arbres
tout est possible
même me transformer en pluie tiède sur ta peau
même rêver de toi tendu comme un arbre vers le ciel
tendu vers moi
 


Jeudi 14 juin 2012

Rêve de mots

Demain vendredi 15 juin, je serai à la librairie Rêve de mots, 66 rue Duguesclin à Lyon pour une journée spéciale poésie. Merci à Isabelle pour cette belle invitation et pour l'exposition photo associée. Bravo également aux poètes de tout poil pour cette luxuriante floraison de mots !
 

Avaler le noyau du problème

Il faudrait que tu trouves la faille
l’endroit un peu moins dur que l’os
que tu pénètres mon cœur
comme le ver dans le fruit
que tu bouffes tout
la chair, le sang
que tu mettes à nu les sentiments
il faudrait démasquer le tendre
le comestible, le sucre
et la chaleur
que tu m’aides à prouver que
je ne suis pas entièrement
faite de pierre


TGV mag

Une chouette petite chronique dans le TGV mag de juin
merci Francois Perrin pour sa belle lecture

 


mercredi 13 juin 2012

Une bague et un peigne en acier

C’était quelques mois avant de mourir et alors, personne n’aurait pu croire que bientôt il allait laisser crever son corps aussi facilement. Une maladie violente et vorace comme une ultime maîtresse. Lui, il devait savoir. Sentir. Mais il était très calme. Beaucoup plus calme que d’habitude.

Ce jour-là, il nous a raconté la guerre, avec ses mots à lui, pas des mots qui font peur, pas des images atroces. Juste des souvenirs simples et implacables. Le froid, l’emprisonnement, la maladie et puis les radios à réparer pour l’ennemi. La faim qu’il avait trompée un tout petit peu, en coupant son pain très fin. Un bout de pain noir chaque matin, divisé en dix minuscules tranches qu’il avalait le plus lentement possible tout au long du jour. L'envie de vivre, la force de ne pas se laisser dissoudre dans l'instant, les rêves qu'il avait su garder au chaud quelque part dans son grand corps efflanqué, droit et digne malgré la douleur.

Il s’était fabriqué une bague et un peigne avec des restes d’acier. Il avait toujours ce peigne sur lui, encore aujourd’hui. Il nous l’a montré, lissant ses cheveux fins et blancs. Il voulait toujours être beau. Il nous a raconté comment les femmes allemandes l’avaient sauvé de la mort plus d’une fois avec toute cette douceur qu’elles donnaient. Pas du sexe, non, surtout de la tendresse et juste assez de chaleur pour oublier un peu que des hommes s’entretuaient sans bien comprendre pourquoi...
 

Traces


[Valence, photo Marlene T.]
 


Mardi 12 juin 2012

Chuuut !

Le chant du monstre
c’est cette petite musique
lancinante
qui nous résonne à l’intérieur
et qu’on voudrait pouvoir faire taire

Parce que le monstre fait peur
On se fait PEUR quand on se regarde vrai
C’est sans doute pourquoi
on se maquille
on se costume
on se déguise
on fait semblant
alors qu’il suffirait peut-être
de chanter avec la voix du monstre en nous

douce et dure
âpre et brûlante

il suffirait d’accepter les griffes
et les dents
et les gueules bancales
pour savourer le plaisir

d’EXISTER pleinement
                     [Un cri du coeur pour LE CHANT DU MONSTRE]
 

Arachnophilie (4)


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 11 juin 2012

Elles

Les autres sont toujours plus belles – elles ont la grâce des oiseaux blancs – les autres se perchent sur des talons nacrés et leurs cheveux touchent presque le ciel – elles parlent avec délicatesse – cascade de mots sucrés sur l’arrondi gourmand de leurs lèvres – les autres savent s’écrouler sans jamais provoquer le chaos – elles ont la peau fleurie et des ailes de papillon à la place des paupières – les autres sont douces – elles ont les larmes comme des diamants – les autres savent exactement comment s’y prendre pour se blottir dans les bras des hommes – comme si la forme de leur corps avait été dessiné par les anges – les autres sont des princesses – les autres sont belles – toujours plus belles que moi [Pour FPDV, avec photo d'une autre...]
 

Vomit


[Girls, album "Father, Son, Holy Ghost]

 


Samedi 9 juin 2012

C’est tout ce que tu mérites

Je foire - toujours - il faut toujours que je m’arrange pour que les choses ne marchent pas - que les gens ne m’aiment pas - et moi je n’aime pas les gens - il n’y a qu’avec l’alcool que j’ose aimer les gens - et je ne sais pas si c’est parce que l’ivresse libère des choses en moi - ou si ce n’est qu’un mirage cette sensation d’aimer - après je me réveille et le cauchemar recommence - je redeviens froide et rigide et tellement douée pour tout faire foirer - je ne sais pas pourquoi - je m’y prends à merveille pour que les gens ne m’aiment pas - et je me dis - c’est tout ce que tu mérites – c’est tout ce que tu mérites


Arachnophilie (3)


[Valence, photo Marlene T.]
 


Vendredi 8 juin 2012

Cocon

Certaines peines
ont la douceur
d’un ventre maternel
cocon au creux duquel
à l’abri
doucement
on prend forme humaine


Arachnophilie (2)


[Valence, photo Marlene T.]
 


Jeudi 7 juin 2012

Le soleil

Un nuage comme une île
secrète, déserte
où je me prélasserais nue de l’âme

Et au dessus
toujours
le soleil avec ses bras tendus
 

Please, have a sit


[La Friche RVI avant l'incendie, photo Marlene T.]
 


Mercredi 6 juin 2012

Iceberg

Le pommeau de douche pendouille au bout du tuyau et goutte lentement dans l’eau du bain, grise, froide. Franck ne bouge pas, enfoncé jusqu’au menton, lèvres bleutées. Chaque fois qu’il frissonne, la surface de l’eau se trouble, ondule quelques instants et puis reprend sa place le long de la ligne de crasse dessinée sur l’émail de la baignoire. Franck regarde le mur. Ne regarde rien du tout. Regarde à l’intérieur de lui et il n’y a que du vide. Il se dit, c’est étrange, je n’arrive même plus à penser. Pourtant il pense. Il pense qu’il faudrait sortir de l’eau avant de se transformer en iceberg. Il pense qu’il était vachement sale quand même et que, sans doute, il devrait se laver plus souvent et puis se faire un shampoing. Sa frange mouillée colle à son front. Ses cheveux sont trop longs, il le sait, mais il retarde le moment d’aller chez le coiffeur. Sentir des doigts sur lui le rend malade, nerveux, il tremble et puis se fait engueuler parce que bordel, on n’a pas idée de s'agiter comme ça sous une paire de ciseaux.
Parfois, il voudrait démissionner de sa peau. Ne plus avoir aucun contact avec lui-même ni avec qui que ce soit. Autrefois, maman lui coupait les cheveux. Et puis elle restait avec lui dans la salle de bain pendant qu'il faisait sa toilette. Il fallait toujours faire vite. Maman n’aimait pas qu’il se lave. Elle disait que dès qu’elle avait le dos tourné, il en profitait pour se toucher, que c’était dégoûtant, honteux, répugnant et qu’il irait en enfer. ["Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Lost


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 5 juin 2012

Déchet

Un peu de mort dans la vie quelque part sous la peau
comme un début de putréfaction
je porte en moi de la matière en décomposition
du déchet, du déchet, du déchet
et peut-être bien qu’il suffirait d’y semer quelque chose
un regard doux
quelques graines de tendresse
pour qu’il y germe enfin un peu de beauté
que mes pensées à rebrousse poil cessent de creuser
s’enraciner drues dans le compost
cessent d’étouffer les traces d’une époque sans doute inventée
une époque où l’été existait, jaune et bleu
une époque où le soleil infusait doucement ma peau
et je ne portais qu’un slip de bain, pas de haut
parce qu’alors ma vie ne craignait aucune caresse
aucun regard
une époque qui laissait sur ma langue un gout de bonbon
et pas des mots noirs
et pas de la peur
peut-être bien qu’il suffirait de semer en moi
un peu de douceur
ou simplement planter un couteau dans mon cœur
pour le punir de n’avoir jamais su
fonctionner correctement
 

Stick a knife inside me and twist it all around


[Jack White, Love Interruption]
 


Lundi 4 juin 2012

De l'élasticité de l'amour

Etirer les sentiments jusqu'au point de rupture.
Relâcher. Mesurer. Recommencer.
Que constatez-vous ? (Argumentez votre réponse)


I'm not a fucking game


[Photo Marlene T.]
 


Samedi 2 juin 2012

Un Monstre

Il n’a pas toujours été un monstre, pourtant.
Elle se souvient, Mary, quand elle était petite, vraiment toute petite et que papa l’emmenait jouer au parc. Il poussait le tourniquet très fort et le paysage devenait flou, des traînées de couleurs, un monde filant comme une étoile. C’était beau et ça donnait mal au ventre un peu. Quand ça s’arrêtait Mary ne savait plus marcher droit et papa riait. Il n’a pas toujours été un monstre.
Il lui tendait les bras, au pied du toboggan, après la grande glissade, le vertige délicieux et le courant d’air qui tirait les cheveux vers le ciel sans faire mal, sans jamais faire mal. Papa n’était pas encore un monstre et Mary savait s’amuser. C’était avant. Il y a longtemps.
Ensuite papa s’est mis à vouloir jouer à d’autres jeux qui ne plaisaient pas du tout à Mary. Il se transformait en loup ou en ogre et Mary n’avait pas le droit de crier. Le parc, c’était fini. Les rires avaient fondu. Il restait tout juste un peu de nacre, un reflet d’enfance friable, au fond des yeux de Mary.
Dans sa chambre, elle écoutait les bruits de la rue, de l’autre côté de la fenêtre, les enfants du quartier qui riaient et criaient. Parfois elle les regardait se transformer en indien, en cowboy, en institutrice, courir dans la poussière, habiller une poupée, sauter à la corde, lancer des ballons. Elle aurait bien voulu se rappeler comment il fallait faire et puis descendre les rejoindre, être une toute petite fille à nouveau, s’amuser, s’amuser à en perdre haleine et rentrer le soir avec les joues sales d’autre chose que des larmes.
Papa n’a pas toujours été un monstre, pourtant.
Mary se demande ce qu’elle a bien pu faire pour qu’il se transforme comme ça…
["Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Fade away


[Italie Aout 2011, photo Marlene T.]
 


Vendredi 1er juin 2012

Frontière [à C.Siébert, hommage à ses poésies portables]

De ces instants où je rêve - d'être une petite vieille - entourée de cents chats - qui pissent partout - en guise de frontière - avec le reste du monde


Sous l'oeil de la girafe [pour Boris Crack]


[Valence, Photo Marlene T.]
 


Jeudi 31 mai 2012

On s’est rencontré

Le gars était au pied de l’immeuble, devant le vieux porche. Franck l’a repéré en tournant au coin de la rue. Il était là pour lui, ça ne faisait aucun doute, Franck aurait pu le jurer. À la manière que l’autre avait de regarder sa montre et les fenêtres et le ciel qui enfilait lentement son habit de jour blanc. À la manière qu’il avait de tirer sur sa clope et disparaître un peu dans un brouillard de tabac.

Franck aurait pu faire demi-tour – le gars ne l’avait pas encore vu – mais il a continué d’avancer. Sans ralentir ni se presser. Sans transpirer, sans siffloter. L’autre a fini par tourner la tête. Les regards se sont rencontrés, interrogés peut-être, sans animosité. Sans inquiétude. À peine un voile de curiosité ordinaire. Le gars a écrasé sa clope et est allé à la rencontre de Franck. Il a salué et tendu la main avant de demander : « Franck ? »
Franck s’est contenté de hocher la tête avant de demander à son tour : « Vous êtes flic ? »
L’homme a souri. « Ça se voit tant que ça ? » puis il a ajouté « Vous avez un petit moment à m’accorder ? ». Franck a haussé les épaules. Il n’avait pas vraiment le choix, ce n’était pas tout à fait une question.

« On va chez vous ? » a demandé le flic. Franck a grimacé. Il pensait à la vaisselle sale, aux volets clos, au désordre, aux bouteilles de bière, aux miettes de biscottes sur le sofa, à sa crasse, à ses monstres enfermés là-haut. « Je n’ai pas eu le temps de faire les courses, on ne pourrait pas plutôt aller prendre à café à côté ? » il a proposé. Le flic a hoché la tête.

Le serveur est venu passer un coup de lavette douteuse avant de poser sur la table deux tasses de café. « Vous faites quoi dans la vie ? » a demandé le flic.
« Je suis gardien de nuit dans un cimetière, a répondu Franck. Il y a eu pas mal de vandalisme ces dernières années, alors ils ont décidé d’embaucher. De minuit à sept heures, je fais des rondes, j’écoute les morts soupirer sous les pierres. La plupart du temps, il ne se passe pas grand-chose… »
Le flic a hoché la tête. Il a fouillé dans la poche intérieure de sa veste pour en tirer un paquet de clopes et une photo. « Vous fumez ? » il a demandé puis, sans attendre de réponse, il a déposé la photo face à Franck. C’était Mary.
« Vous la connaissez ? »
Franck a penché un peu la tête sur la droite. « On s’est rencontrés… » il a répondu, laconique. [Franck, "Les voix", roman en cours de tricotage]



Trois baguettes molles et
des bouteilles de pinard bien alignées


[Paris, novembre 2011, Photo Marlene T.]
 


Mercredi 30 mai 2012

Blanc comme neige
 

Il y a parfois plus de pureté sous la crasse que dans les poches de costumes immaculés.


It's time to dive (8)


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 29 mai 2012

The Wall

J’avais dix ans. Ils passaient le film des Pink Floyd dans cette petite salle de ciné du trou du cul de la Drôme. Papa et maman n’avaient pas encore trente ans. Ils fumaient des joints, peignaient des arcs-en-ciel au plafond et rêvaient de changer le monde sans trop savoir comment s’y prendre. Ils écoutaient Thiéfaine et Bill Deraime et les Pink Floyd. Ce soir là, ils avaient très envie d’aller voir The Wall au ciné. Ils m’ont emmenée avec eux. Parce que j’avais peur du noir. Parce que la vieille baraque dans laquelle on vivait ne fermait pas à clé. Parce que j’avais dû chialer pour ne pas rester là toute seule avec le mistral qui giflait les arbres et leur faisait pousser des cris terribles, surtout la nuit...

J’avais dix ans. J’ai vu The Wall et je me souviens de certaines images. Un type dans une piscine pleine de sang. Des écoliers qu’on transformait en viande hachée. Des fleurs carnivores s’entredévorant. Des marteaux qui marchaient au pas. Le visage de ce type qui hurlait à travers la peau du ventre du mur. Un ciel apocalyptique, des avions de guerre, de grands oiseaux noirs. Je me souviens de la musique surtout et de cette presque sensation de voler en l’écoutant. Je fermais les yeux parfois au cours de la séance, à cause de la fatigue ou bien peut-être de la peur. Je me rappelle que mon cœur battait très fort et même en sortant du petit ciné et même dans mon lit plus tard avec les yeux ouverts jusqu’aux premières lueurs du jour.

Les étoiles filaient, le mistral bousculait tout et moi je repensais à ce film que je n’avais pas vraiment compris et cette musique envoutante. J’avais dix ans et c’est peut-être cette nuit-là que j’ai commencé de bâtir un mur autour de moi, brique après brique, mais pas à cause du film, non. Plutôt à cause du monde qui me fichait la trouille davantage que le film. Je crois que personne n’a rien remarqué de mon désarroi ni de ma réclusion lentement tressée. J’étais une enfant silencieuse. Parfois, on s’approchait de ma paroi de peau et on me demandait : Hello, is there anybody in there ?

Certains murs sont plus faciles à construire qu’à abattre. Certains murs sont des prisons qu’on dresse autour de soi sous prétexte de se protéger. Personne ne peut me faire de mal, sauf moi. Personne, sauf moi...


Comfortably numb


[Pink Floy - The Wall]

 


Lundi 28 mai 2012

Etre soi

Quelles que soient les circonstances
rester fidèle à cette petite voix
qui chante des berceuses
à nos terreurs
 

      Don't go too far
     Stay who you are

         [Elliott Smith - Independance day]
 

I'm no angel


[Londres, Photo Marlene T.]
 


Samedi 26 mai 2012

À mains nues

Quand j’étais môme, maman voulait que je sois flic. Maman planifiant ma vie. Elle décidait d’à peu près tout me concernant. Mes fringues, mes coupes de cheveux, mes jeux, mes amis, mes dessins animés préférés. J’évitais de la contrarier, j’aimais pas qu’elle me hurle dessus. Parfois, je me demande jusqu’où elle aurait pu aller si j’avais continué de la laisser faire. Ça a quand même duré jusqu’à ma première expérience sexuelle. Probable qu’ensuite elle aurait orchestré mon mariage, ma maison, mes crédits, mes vacances à la plage...

Souvent, elle disait qu’il faudrait que plus tard je n’habite pas trop loin de chez elle. Parce qu’elle pourrait avoir besoin de moi et moi d’elle, n’est-ce pas ? Et puis il faudrait que j’épouse une femme qui saurait bien s’y prendre avec le quotidien, une qui pourrait la remplacer un peu, mais pas tout à fait, parce qu’une mère c’est irremplaçable, hein ! elle disait.

Quand j’étais môme, maman voulait que je sois flic et elle m’a offert un flingue en plastique, une belle imitation, noire et lourde et qui claquait bruyamment quand on appuyait sur la détente. La première chose que j’ai visée, c’était elle, maman, en plein entre les deux yeux et elle a trouvé ça amusant. Moi, j’avais un peu peur, parce que je sentais que parfois l’envie n’était pas loin de la buter pour de bon. J’y pensais, de temps en temps. À dix neuf ans, j’ai foutu le camp définitivement, juste après notre dernière dispute. Maman me cognait dessus et hurlait et insultait, bave aux lèvres, parce que j’étais rentré au petit matin et que je refusais de lui dire d’où je venais, avec qui j’étais, ce que j’avais foutu. Les crises habituelles quoi. Mais ce soir-là j’ai senti que j’en aurais été capable. Vraiment capable. J’aurais pu la tuer. Froidement. À mains nues.
[Franck, "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Arachnophilie


[Valence mars 2012, photo Marlene T.]
 


Vendredi 25 mai 2012

Un peuple
 

Et toi, est-ce que tu sais qui tu es ? Moi, j'habite un village à l'intérieur des frontières de ma peau. Je suis une tribu. Tout un peuple incapable de cohabiter. En guerre permanente. Il y a beaucoup de cris, de combats, de blessures. Les petites victoires reviennent aux uns, aux autres, tout dépend les jours. C'est la loi du plus fort. Ce n'est pas toujours la même voix qui parle par ma bouche, tu as remarqué ? [Mary, "Les voix", roman en cours de tricotage]


Locked


[Valence juin 2011, Photo Marlene T.]
 


Jeudi 24 mai 2012

Lâcher prise

Dans ce rêve, c’était étrange. Ton corps contre mon corps à travers une épaisse couche de vêtements, et leur manière, pourtant, de se parler avec tellement de vérité, comme seuls des étrangers peuvent le faire, comme seul des peaux qui ne parlent pas le même langage osent le faire. Des mots affamés et exténués. Et je me souviens avoir songé que peut-être le vrai, la liqueur du vrai, se cachait là, dans tout ce qu’on retient et qui se murmure avec le bruit des peaux cherchant à se découvrir. Dans ces instants où enfin on se décide à lâcher prise, à abolir les frontières. Dans ce rêve, ton corps contre mon corps...
 

L'angoisse n°2



Réfléchissez cinq minutes. Regardez la gueule des étudiants. Regardez la gueule de leurs parents, regardez la gueule des jeunes adultes, la gueule des vieux, la gueule des très vieux, regardez quelle gueule tire le monde et réfléchissez cinq minutes.

On est cerné. On est cerné par le travail, l'hygiène, la sécurité, la santé et toutes ces saloperies. On est écrasé d'un côté par ce que les crétins appellent la culture et de l'autre par ce que les salauds appellent le divertissement. On est cerné par la passivité, par l'indifférence générale et par l'indignation, l'indignation ridicule, qui se présente comme un antidote à tout ça. Les cons d'un côtés, les cons de l'autre, et au milieu : une poignée de cons qui se prennent à la fois pour les derniers romantiques, les derniers des mohicans et les derniers cow-boy. Autant dire que dans cette nuit épaisse et médiocre qui nous entoure, la cohérence nous éclaire comme un phare qui aurait oublié de payer EDF.

Ecrivez, bande de cons.
Faites des dessins.
Montez des groupes.
Ouvrez des salles.
Foutez sur les murs des alexandrins bancals.
Enculez-vous.
Aimez-vous un peu.
Ne mourrez pas tout de suite, attendez, attendez encore.

Au lieu de vous pendre, de vous empoisonner, de vous jeter sous les trains, de trancher des bouts de votre corps, au lieu de mourir, photocopiez votre vie aux quatre vents. Photocopiez votre peur. Photocopiez votre haine, votre tristesse, votre ressentiment, photocopiez votre angoisse.

Les caissières débiles de Carrefour. Les flics hargneux. Les enfants cons comme des chaises. Les fous. Les tristes. La patronne de bar alcoolique. L'assistante sociale qui ne comprend rien à rien. La comptable déjà morte. Le médecin qui fait des cauchemars. Le cadre moyen qui ne dort pas la nuit. L'amateur de cachets. L'amateur de de grosses motos. Tous ceux qui pleurent sans raison en écoutant Europe 2 chaque matin à six heures. Tous ceux qui lisent le Nouveau Détective dans les trains. Tous ceux qui lisent Voici allongés seuls dans leur lit. Ceux qui font la queue un tiers de leur vie dans des supermarchés qui leur volent leur ombre. Tous ceux qui ne nous regardent pas, ne nous écoutent pas, ne nous lisent pas. Tous ceux pour qui nous faisons ce que nous faisons.

Nous le faisons pour vous sauver. Mais aussi, au bout du compte, on fait ce boulot pour avoir votre peau. C'est vous ou nous, au bout du compte. Et vous gagnez toujours. Vous gagnez toujours à la fin. Coupons une de vos têtes et il en pousse cent, il en pousse mille. Coupez-en une des nôtres, et il faut parfois attendre cinquante ans pour qu'arrive la suivante.
Lisez l'Angoisse. Participez à l'Angoisse.

[Chistophe Siébert]
et puis, abonnez-vous à L'Angoisse !
 


Mercredi 23 mai 2012

War in wonderland

Certains soirs, Mary voudrait que sa rage soit comme un poison chimique. Qu’elle se diffuse et enfle dans son corps. Qu’elle la transforme, comme le docteur de la série, en un monstre vert invincible et destructeur. Elle serait gigantesque dans sa petite chambre d’enfant. Comme une Alice ayant croqué le biscuit. Certains soirs elle voudrait que les choses soient autrement alors que papa vient et qu’elle est minuscule comme Alice après avoir bu la potion. Papa est un poison qui fait rétrécir. Et la rage, bon sang, est-ce que la rage ne pourrait pas prendre son boulot au sérieux et redonner à Mary sa taille normale ?
Mary n’est plus une toute petite fille. A l’extérieur elle se transforme en presque une femme, mais dans son cœur et sa peur et sa chambre, elle est minuscule. Elle a sept ans et des ours en peluche sur son lit et un poster de princesse au mur et des rideaux à fleurs rose pâle.
Quelque chose la retient prisonnière dans la minusculité de la vie. Une kryptonite qui lui bouffe jusqu’au dernier gramme de sa force. Elle est une fillette chamallow, Mary. Et pourtant, elle en a envie de cette guerre, tout détruire de cet univers étriqué, maison de poupée, prison, musée des tortures. Et puis papa qui ne se fatigue jamais. Et puis maman que ne dit mot-consent. Ce n’est pas neutre le silence. C’est un choix. Une arme lente et insidieuse.
Certains soirs, Mary rêve de devenir une Alice géante et verte de rage. Tout piétiner le pays des merveilles de papa et ses couilles aussi. Tout détruire. Et puis semer le passé derrière elle en courant encore plus vite que le lapin blanc. C’est pourtant pas compliqué les rêves de mary, n’est-ce pas ?
["Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Follow the white carrot


[Londres, photo Marlene T.]
 


Mardi 22 mai 2012

Costume blindé

Ce réflexe presque vital
de me couler dans une peau
de béton et acier
dès que les choses deviennent
fragiles-instables-violentes
à l'intérieur de moi
 

It's time to dive (7)


[St Malo, Photo Marlene T.]
 


Lundi 21 mai 2012

Radio Méga

Demain mardi matin à 9h, rediffusion de la dernière de l'émission les 2D dans laquelle je lis des extraits de "Mailles à l'envers" sur fond de musique (ou pas, quand la platine vinyle se met à déconner que je termine à blanc, et l'émotion à vif diluée dans le grand silence...)

Entre le crépuscule et l'aube, respirer

C'est ainsi
je préfère la nuit
et le silence
et la solitude
lorsque rien
ni personne
ne cherche à
gouverner mes pensées
 

Pas de clés, pas de portes, rien que du ciel


[Photo Marlene T.]
 


Samedi 19 mai 2012

Emprise

Je n'appartiens à aucun lieu
aucun pays, aucun ciel
aucun dieu
il m'arrive même de chercher
à échapper à ma propre emprise
 

Gipsies will have their revenge on society


[Londres, Photo Marlene T.]
 


Vendredi 18 mai 2012

Je sais...
 

...j'ai dans le regard quelque chose de soumis, quelque chose qui répète sans jamais se fatiguer "Je connais ma place. N'hésite pas à me gifler", quelque chose qui, sans doute, te donne le droit de me faire mal. ["Les voix", roman en cours de tricotage]

  

Where is my mind


[The Pixies]
 


Jeudi 17 mai 2012

Jouer à la taupe dans un jardin abandonné

Ce qui est beau
n'invite souvent
qu'à rester en surface
 

De la valeur des choses


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 16 mai 2012

Mithridatisé

Savoir songer à la mort
juste assez doucement
pour ne plus avoir peur
de la vie
 

Rien ne presse


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 15 mai 2012

Se sentir exister

Parfois il s’agit juste
de voir l’amour briller
dans le regard de l’autre
- n’importe quel autre -
pour se sentir exister
de manière presque
légitime
 

Happy


[Londres, Photo Marlene T.]
 


Lundi 14 mai 2012

Back Door

Est-ce qu’il existe
un passage à rebrousse-soi
un moyen de retrouver le chemin
jusqu’à la source de ses rêves
celle d’avant la sécheresse
et la pollution ?

 

Veilleurs de sommeil


[Londres, Photo Marlene T.]
 


Samedi 12 mai 2012

Ceux que le temps n’efface pas
 

Quand t’es parti j’ai eu envie de tuer la mort puis lui ouvrir le ventre comme si c'était un loup de conte pour mômes, te sortir de ses entrailles fumantes et réécrire l'histoire, y glisser une vie aux yeux doux qui aurait su te séduire un peu mieux. [à L.K.]

 

Falling apart


[Valence Juin 2011, Photo Marlene T.]
 


Vendredi 11 mai 2012

Paroles sur rue

Glisser nos mots dans la bouche des murs
      Laisser des traces plus vastes que nos voix
                Des silences scandés en lettres capitales
                                          [Voir le texte avec l'image sur FPDV]
 

Lettre anonyme


[Lyon avril 2012, Photo Marlene T.]
 


Jeudi 10 mai 2012

Népenthès
 

Le n°4 de la revue Népenthès vient de paraitre. 265 pages, format 15×24, 35 auteurs, 80 textes inédits !

Au sommaire :
Yannick Torlini, Guy Vieilfault, Alexandra Bouge, Vincent, Olivier Le Lohé, Jean-Marie Louton, Jean-Michel Lherbier, Olivier Vallecalle, Odile Gattini, Michel Norguin, Jean Coulombe, Patricia Suescum, Maryvonne Contesse, Rebelle Cohen, Annie Van de Vyver, Cécile Ambert, Jean-Luc Coudray, Jonathan Bougard, Henri Cachau, Kamel Rachedi, Paul Jullien, Emmanuel Pinget, Alexandre Van Buuren, Dusk, Jean Talabot, Cédric Cagnat, Christophe Esnault, Alexandre Denuy, Lionel Fondeville, Marlène Tissot, Muriel Couteau, Guillaume Siaudeau, Aléric de Gans, Aymeric Brun, Jacques Sicard, Sylvain Frezzato, Marianne Desroziers, Antoine Monat, Bernard J. Lherbier. Tristan Corbière, Jules Laforgue, Alfred Jarry, Odilon Redon.

Plus d'infos ICI


Surveiller le monstre
 

Tu cries, tu craches ta question Pourquoi, mais bordel POURQUOI ça te met dans cet état de dépenser la moindre somme d’argent ?

J’ai déjà essayé de t’expliquer
La pauvreté, quand elle a mordu dans ta viande un jour,
 tu l’oublies jamais
La peur sans cesse de te retrouver de nouveau entre ses dents
Difficile à comprendre si t’as jamais ressenti ça
la faim
le froid
la honte
Ces choses, très fort,
comme des bras serrés autour de ta vie,
empêchant le moindre mouvement,
étouffant chaque rêve.
Et même respirer devient douloureux !

Alors sans doute, c’est vrai, je t’agace avec mes angoisses et cet argent que je garde serré au fond des poches comme si ma vie en dépendait. Mais c’est parce que je surveille le monstre !

Je sais qu’il est là quelque part
planqué dans l’ombre
Je ne l’ai pas oublié
et je sais que lui non plus
ne m’a pas oublié


Portrait


[Marlene by Aglaé Vadet]
 


Mercredi 9 mai 2012

Tuer papa

Après l’hôpital, il y a eu l’été. Et papa a recommencé. Il faisait chaud et des orages souvent. Un soir où le tonnerre grondait avec rage, j’ai essayé de tuer papa pour la première fois. C’était dans le lit, il était étalé là, inerte, il allait bientôt partir. Chaque fois c’était pareil. Papa restait quelques minutes allongé, le temps de reprendre son souffle. Alors j’ai serré son cou. Mes petites mains nouées très fort autour de son gros cou moite. Au début, il n’a pas bougé, il n’a rien dit. Presque comme s’il acceptait son châtiment. Il devenait rouge, toujours immobile, ses yeux fermés. Je serrais de plus en plus. Sa respiration faisait un drôle de bruit. J’ai cru que j’allais gagner. Un instant seulement j’ai eu l’espoir que ce serait bientôt fini toute cette histoire. Et puis papa s’est redressé violemment et m’a giflée. Ensuite, il est parti en trainant ses pantoufles. Je suis restée dans ma chambre, sans pleurer parce que je ne savais plus pleurer depuis longtemps.
Après l’hôpital, après l’été plein d’orages, après que j’ai essayé de tuer papa, maman m’a envoyée en pension. Je me suis longtemps demandé qui elle cherchait à protéger. Je savais bien que c’était papa, mais je refusais de me l’avouer. [Mary/Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

It's time to dive (6)


[Cancale, Photo Marlene T.]
 


Mardi 8 mai 2012

Ordinary freedom


[Londres, Photo Marlene T.]
 

High Time


[Elliott Smith]
 

Illusion

S’éprendre d’un personnage de fiction
avec la certitude rassurante
qu’aucune réalité ne viendra troubler l’illusion
 


Lundi 7 mai 2012

Les armes

Et les armes,
est-ce que ça change quelque chose
les armes qu’on se fourre dans la bouche
sans jamais avoir tout à fait l’envie d’appuyer sur la détente ?
Le canon qu’on lèche pour sentir le gout froid du métal,
vérifier qu’il n’est ni meilleur ni pire que celui des jours
 

Pas la guerre


[Londres, Photo Marlene T.]
 

Intervention à Haute voix
 

Info et abonnement : gerard.faucheux@numericable.fr
28 € pour 4 publications

Parution du n°49 de la belle revue Intervention à Haute Voix avec au sommaire :

Danielle Allain Guesdon, Laurent Bayssière, Jean-Louis Bernard, Eliane Biedermann, Ferrucio Brugnaro, Henri Cachau, Jacques Canut, Marguerite Charbonnier, Guy Chaty, Japh' Eiios, Gérard Faucheux, Béatrice Gaudy, Cathy Garcia, Bernard Grasset, Amédée Guillemot, Jean-Michel A. Hatton, Michel Héroult, Anne Jullien, Alain Lacouchie, Jean-Luc Le Cleac'h, Gérard Lemaire, Mireille Le Hiboux, Gaétant Loubignac, Béatrice Machet, Patrice Maltaverne, Fabienne Moineaud, Lucie Negel, Teresinka Pereira, Patrice Perron, Mireille Podchlebnik, Jeanpyer Poëls, Alain Quagliarini, Basile Rouchin, Marlene Tissot, Anne Villaret, Catherine Wolff
 


Samedi 5 mai 2012

Les choses invisibles

Je me souviens de ma première communion. J’y comprenais que dalle. Il y avait Jésus sur sa croix qui semblait regarder loin à travers nous et la peinture rouge qui s’écaillait sur la blessure de son coeur. Il y avait maman qui récitait des mots pieux en playback. Il y avait tonton et puis tata qui n’avait pas encore foutu le camp à l’époque. Elle trimbalait dans son ventre gigantesque une cousine minuscule. Il y avait ma prétendue innocence étalée là comme un mensonge crasseux dont personne ne semblait s’offusquer. Il y avait un Dieu quelque part, bien planqué, dont on m’avait vanté la toute puissance. J’ai tendu les mains pour recevoir un morceau de son corps, j’ai bu son sang, mais rien n’a changé. Je me sentais toujours le même. Les choses invisibles n’avaient pas de prise sur moi. Tout ça n’était à mes yeux qu’une farce gigantesque, pas plus réaliste que les histoires dans mes comics et foutrement moins drôle. [Franck/Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Do you believe in fairy tales ?


[Photo Marlene T.]
 


Vendredi 4 mai 2012

Dissonance
 

Parfois, il me semble que je vois mieux lorsque je ferme les yeux. Mais d’autres fois j’ai des choses laides et sales et effrayantes sous les paupières et, étrangement, ça me fait du bien. Comme si j’autorisais un monstre à vivre dans moi. Comme s’il me laissait le caresser sans montrer les dents. Et ses grognements rauques seraient un peu la musique dissonante de tout ce que je ne m’autorise pas à dire. [Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]


Pas la guerre


[Lyon avril 2012, photo Marlene T.]
 


Jeudi 3 mai 2012

Des traces de joie
 

Les nuits blanches, les malentendus, les engueulades, les emmerdeurs, les pannes de voitures, les factures impayées, et puis toutes ces guerres partout, assez loin pour qu’on s’imagine à l’abri. Toutes ces histoires de pouvoir, de gloire, d’économie, de religion. Tout le monde veut encore, veut plus, veut mieux et tout le monde veut avoir raison. Cacophonie continuelle, quête du dernier mot, de l’échelon le plus haut, du sourire le plus blanc.
Parfois, je n’en peux plus, je me dis vivement.
Vivement quoi ? La fin ?
Elle viendra, tôt ou tard, cette fin. Chacun y aura droit.
Mais d’ici là, il reste du ciel et de la rosée dans l’herbe, il reste des musiques qui font chaud dans le ventre, il reste des regards à savourer, des peaux et des tignasses à caresser, des bêtes sauvages à cajoler. Il reste à tremper ses mains dans la lumière et laisser des traces de joie dans la poussière.


Devenir...


[Lyon avril 2012, Photo Marlene T.]
 


Mercredi 2 mai 2012

Paradoxe corporel

Se rendre
ne pas se donner mais
se rendre
alors qu'on n'a jamais
appartenu


Ni dieu ni maître


[Grenoble mars 2012, Photo Marlene T.]
 

Les revues de printemps
 

Quelques parutions en revues pour ce mois de mai naissant et gorgé de soleil !

Tout d'abord dans le beau levain majestueusement pétri par Rodica Draghincescu : Levure Littéraire  qui présente son n°5 plus que jamais international. (à consulter en ligne)

Et également dans la belle et toute nouvelle revue papier Cabaret dirigée par Alain Crozier. (Abonnement 10€ les 4 numéros)


Mardi 1er mai 2012

Aujourd'hui, c'est à La Bastidonne que ça se passe !


 


Lundi 30 avril 2012

You've got the power

Certains croient tirer les ficelles du monde
d’autres jouent à se faire passer pour des pantins
les mensonges des uns et des autres s’emboîtent à la perfection
le pouvoir n’est qu’une illusion
 

May the forces be saved


[Graf by Hogre, Photo Marlene T.]
 


Samedi 28 avril 2012

Une foule de personnages

Se faire passer pour ce qu’on n’est pas
sans malice
sans réellement mentir
simplement parce que parfois
on ne sait plus démêler le vrai du faux
se défaire des rôles qu’on joue
retrouver dans la foule de personnage
celui qui ressemble le plus au vrai soi
 

Ce qu'il y a à l'intérieur


[Londres, photo Marlene T.]
 


Vendredi 27 avril 2012

La foule

Parfois, le choix semble facile entre la foule et le silence
mais la solitude n’est pas si paisible qu’on l’imagine
fuir les autres, c’est devoir se faire face
se retrouver en tête à tête avec soi
quand les murs se transforment en miroir
se font l’écho de voix intérieures qu’on voudrait étouffer
il faut s’aimer – au moins un peu – pour rester seul
et c’est sans doute pourquoi souvent je rejoins la foule
j’y plonge pour dissoudre ce que je suis
semer les monstres
m’oublier
 

Lost and found


[Paris novembre 2011, Photo Marlene T.]
 


Jeudi 26 avril 2012

Grenade

Parfois, la vie, je m’y sens comme coincé. Enfermé quelque part, dans une grande pièce avec des portes partout. Des portes closes et sur chacune, un petit écriteau indiquant Interdit – Réservé au personnel – aux usagers – au responsable.
Je n’ai pas le cran de braver l’interdit, forcer le passage, voler une issue. J’ai trop peur de ce qui pourrait se trouver derrière.
Tout ça c’est la faute de... Non, ce n’est pas vrai!
C’est drôle tu ne trouves pas ?
Il s’agit toujours de chercher – c’est tellement plus facile – quelqu’un à blâmer. Quelqu’un d’autre que soi, bien entendu.

C’est irritant, je tourne en rond, je perds espoir, je lutte. Mais contre quoi exactement ? Il me suffirait sans doute d’oser. Accepter le contact de ma main sur le métal froid de la poignée de porte. Accepter de m’aventurer en terrain inconnu.
Mais je reste immobile, à m’imaginer parfois qu’il serait plus facile d’exploser les murs que de pousser poliment une porte. Je reste immobile et je me transforme en grenade. Peau d’acier, tête à dégoupiller. Tout finira par exploser. Tôt ou tard. [Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Something bigger than us


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 25 avril 2012

Amortir la chute

On colle des mots les uns après les autres
pour boucher les silences
camoufler les fissures
on colle des yeux dans des yeux
comme si c’était des fenêtres
chercher à voir à l'intérieur de l’autre
on colle des bouches sur des bouches
pour étouffer les cris
on colmate
on construit sur les sables mouvants
on s’aime en dansant
en déséquilibre
et on espère parfois que l’autre
amortira la chute
 

La collec' Emeute
 

Et voilà ! 

Tranchés dans le vif, un recueil de textes sélectionnés dans mon bazar et compilés par Dan Leutenegger avec en prime une préface signée Aglaé Vadet et quelques inédits...

Pour plus d'info, voir ICI



Mental conditions


[Filthy Boys, Mental conditions]
 


Mardi 24 avril 2012

Ce petit surplus de douceur

L’étreinte des nuages
le chant des baleines de parapluie
le dos rond des frissons sous la caresse du pull
ce petit surplus de douceur qui aide à
franchir les jours de pluie
 

Peindre des fleurs sur les ruines


[Bretagne, Photo Marlene T.]
 


Lundi 23 avril 2012

La matière

Mary dit que je ne sais pas ressentir les choses. Qu’il faudrait que je laisse vivre les sentiments en moi, que j’arrête de les exterminer. Mais je ne tue rien, je n’empêche rien. Il y a peut-être eu un défaut de fabrication. Un vice de forme. En apparence, tout est correct. Mon cœur fonctionne. C’est un outil parfait. Une mécanique huilée qui pompe et crache la vie, le sang. Mais pas les sentiments. Ce n’est pas une matière, le sentiment. Et mon cœur ne comprend que la matière. Est-ce qu’on apprend à un cœur à fonctionner autrement ? [Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

I've got something inside
and that sounds like a clock


[Fred le Chevalier, Paris nov. 2011, Photo Marlene T.]
 

La voix

Samedi 14 et 21 avril, j'étais dans les studios de Radio Méga à Valence pour lire des passages de Mailles à l'envers. Un petit extrait est en ligne sur le site des éditions Lunatique. Bientôt d'autres extraits disponibles sur Mon Nuage. Rediffusion, mardi 24 avril à 9h, de l'émission de samedi 21. Et samedi 28 avril, RDV pour la troisième émission en direct, à partir de 10h.
 


Samedi 21 avril 2012

Encre

Prends garde de ne pas trop
piétiner la pénombre
de ne pas lui laisser le temps
d’infuser son encre à ta route


It's time to dive (5)


[Cancale, photo Marlene T.]
 


Vendredi 20 avril 2012

Un peu de buée sur les vitres

Je gratte.
La peinture écaillée sur le bord de la fenêtre.
La poussière sur le dessus-de-lit de cette petite chambre d’hôtel pour gens pauvres. Pour gens qui se cachent. Pour gens qui ne valent rien.
Je regarde la crasse sous mes ongles et elle me semble bien réelle. Mais pour le reste, je ne sais plus trop. Je me souviens seulement de quelques images capturées entre deux battements de paupières. Trois coquelicots dans un cadre, un lavabo fêlé, une serviette blanche, la tapisserie vieillotte, ton visage en plan rapproché. Je me souviens du poids de ton corps sur le mien, ton odeur, ta salive, le gémissement du lit, nos respirations.
Non, je ne me souviens plus vraiment de tout ça.
Dans la rue, il pleut. Un peu de buée sur les vitres. Je gratte la peinture écaillée sur le bord de la fenêtre. La poussière sur le dessus-de-lit. Qu’est-ce que je fais là, déjà ? Seule, adossée à l’armoire bancale. Tu es sorti pisser. Les toilettes sont sur le palier. J’entends des portes qui grincent, une chasse d’eau, du bruit dans les chambres voisines. Tout me semble tellement irréel. Comme si ce n’était pas moi. Juste un corps dont j’aurais perdu le contrôle.
Je regarde la crasse sous mes ongles. Tu vas me rejoindre dans la chambre et je vais devoir te sourire, te faire croire que je suis heureuse d’être là, maintenant, avec toi alors que je ne me souviens même plus pourquoi ni comment les choses ont commencé. Ma vie s’est mise à m’échapper. Je ne chercherai pas à la rattraper. Il suffira d’attendre que tout tombe en morceaux, que les murs cessent d’exister.
 

It's time to dive (4)


[St Malo, photo Marlene T.]
 


Jeudi 19 avril 2012

Origami

L’honnêteté
blanche et lisse
qu’on plie délicatement
pour lui donner une forme nouvelle
ce n’est pas tout à fait un mensonge, n’est-ce pas ?
 

It's time to dive (3)


[Irlande, Photo Marlene T.]
 


Mercredi 18 avril 2012

Couper court

L'oubli est
une petite arme
dangereusement
affutée


It's time to dive (2)


[St Malo, photo Marlene T.]
 


Mardi 17 avril 2012

Stranger Than Fiction

Les fous
Les fadas
Les différents
Les qu’on regarde de travers
Les qui ne font pas comme tout le monde
Les qui ont des gestes étranges
Les qui empruntent des passages secrets
Les qui peuvent s’allonger dans la neige sans la faire fondre
Les qui existent sans laisser de trace
Les qui habitent à l’intérieur de moi et que je n’ose pas laisser sortir
Les qui finissent par prendre de plus en plus de place


It's time to dive


[Cancale, photo Marlene T.]
 


Lundi 16 avril 2012

Les dimanches

Il m’arrive d’aller au cimetière en journée. Pour tuer le temps et l’enterrer. Les choses sont différentes lorsqu’il fait jour. Les morts ont l’air plus mort. Sans doute à cause des vivants qui les visitent. C’est le dimanche qu’il y a le plus de monde. Ils viennent en grappes familiales, après le déjeuner, faire une petite promenade. Ils ont le pas traînant, un peu lourd. Il y a parfois un reste de tristesse accrochée à leur regard. Une certaine lassitude. Quelques regrets, peut-être. Ils bavardent un peu. À voix basse, comme s’il s’agissait de ne réveiller personne. Ils font une halte devant une pierre, hochent la tête, ramassent les fleurs sèches. Puis ils repartent en baillant, en se frottant le ventre, comme si le repas était plus dur à digérer que le passé ensevelir.
[Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]

 

La solitude des jours de pluie


[Photo Marlene T.]

 


Samedi 14 avril 2012

Le noir au fond des regards

A la moindre remontrance
à peine élève-t-on un peu la voix
quelle que soit la broutille que l’on me reproche
immédiatement, j’ai sept ans
mes fautes deviennent gigantesques
impardonnables
j’ai peur d'être punie
j’ai sept ans de nouveau
et je pleure des rivières, je m’enfuis à la nage
parce que je n’ai simplement pas la force
d’affronter le noir au fond des regards
 

Fragile inside


[Londres 2010, Photo Marlene T.]
 


Vendredi 13 avril 2012

Phare intérieur

L’espoir
c’est la lumière
qui sait briller
jusqu'en dessous
des paupières
 

Je vois la vie réelle


[Tristan des Limbes, Paris Nov. 2011, photo Marlene T.]
 


Mercredi 11 avril 2012

Docile

Tu attends là, presque docile, installé dans ta peau comme dans une petite salle d’attente. Tu t’impatientes un peu, parfois. Tu regardes ta montre, tu regardes les jours qui coulent comme des grains dans un sablier. Tu attends là. Comme si quelqu’un allait venir te chercher, t’appeler par ton prénom, te prévenir que c’est ton tour. Comme si quelqu’un allait t’annoncer avec un sourire professionnel que ton cœur et tes dents vont bien, que c’est parfait, tu peux vivre maintenant !

Mais il n’y a ni rendez-vous à prendre ni permission à demander lorsqu’il s’agit de vivre ! Ouvre les portes, les fenêtres, les bras, les yeux. Respire l’horizon, embrasse l’aube, bois le ciel et la mer. Va aussi loin que possible, même immobile. Escalade tes rêves et écoute le vent. Tu as tellement à faire avant le jour où les oiseaux noirs viendront te chercher.

[Pour FPDV, thème d'avril "salle d'attente" - à lire sur place avec une photo d'oiseaux noirs en bonus !]
 


Mardi 10 avril 2012

Tromper l’ennemi

Réussir
à la perfection
chacun de mes
actes manqués
 

Tic-Tac Sardine


[Paris Novembre 2011, Photo Marlene T.]
 


Lundi 9 avril 2012

Aquarelle

Mélanger les couleurs
diluer la ligne d’horizon
réapprendre à se perdre
 

Mordre à pleines dents


[Photo Marlene T.]
 


Dimanche 8 avril 2012

I live inside


[Valence avril 2012, Photo Marlene T.]
 


Samedi 7 avril 2012

Un ciel blanc et plat

L’immeuble est silencieux. Encore une matinée identique aux autres. Chacun a quitté les lieux pour accomplir sa tâche quotidienne. La mienne, cette nuit, s’est composée de peu de choses. Comme souvent. Marcher de long en large dans les allées du cimetière avec ma torche et son auréole de lumière. Écouter mes pas sur le gravier et le bruit des os secs sous les pierres gravées. Les morts ne parlent pas beaucoup. Ou bien je ne sais pas les entendre.

Quelques mômes sont venus fumer des joints sur une tombe. Celle d’un aïeul , d’un inconnu, d’un soldat ou d’un poète, va savoir ! Ils n’ont pas fait de bruit, n’ont pas bougé. Je les ai salués en passant. Ils sont restés silencieux. Peut-être que, coincés dans leur trip, ils m’ont confondu avec un fantôme. Ils avaient l’air tranquille. L’air de mômes à la recherche d’un coin où respirer un peu, un coin où personne ne les ferait chier. Je ne les ai pas fait chier. Ils ne gênaient personne, se contentaient d’aspirer quelques grammes de brouillard histoire de camoufler un monde difficile à piger. Je les ai observés de loin, avec la petite braise orange qui tournait dans la pénombre. Ils sont repartis bien avant les premières lueurs du jour. Ils avaient déjà compris qu’on ne peut pas planer éternellement. À un moment donné, il faut choisir son camp. Parmi les morts ou les vivants. Un avenir les attendait quelque part. Avec des parents exigeants et des profs désabusés. Un avenir qui leur fichait la trouille, mais qui n’avait pas encore perdu toutes ses couleurs. Je pouvais bien leur foutre la paix, au moins pour quelques heures.

C’est étrange, il me semble que je n’ai ni avenir ni passé. Je suis coincé dans un instantané éternel où rien n’a de prise sur ma vie. Ma vie elle-même est totalement abstraite. Lorsque je me mets à y réfléchir, les choses cascadent trop vite et je me noie. Il me faut m’accrocher à la margelle de choses tangibles comme le bruit des moteurs dans la rue. Dehors le ciel est blanc et plat. Je sors une bière du frigo. Juste pour faire savoir à mon corps qu’il aura sa dose. Tout à l’heure. Après le café et quelques biscottes tartinées de silence. [Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Brouillard


[Valence février 2012, photo Marlene T.]
 


Vendredi 6 avril 2012

Les caresses

Le cachet. Le verre d’eau. C’était devenu un rituel. Juste après avoir décapsulé la dernière bière. Juste avant de rouler en boule sur le sofa et laisser la télévision me chanter ses berceuses dramatiques. Mais depuis Mary, tout est chamboulé. Les choses ont changé. Pas toutes. Certaines. J’essaie de ne pas trop y penser. Mes mains risquent de se remettre à trembler. Tout pourrait bien s’écrouler autour et culbuter mes petites illusions fragiles. Celles que j’ai sculptées, blanches et sèches comme l’os.

Je ne prends plus de cachets. Mais il reste des bières sur le bord de la fenêtre. Pas vraiment fraîches. Elles ont la température du printemps : hésitant. Je fais sauter la capsule avec le cul de mon briquet. La mousse blanche dégorge doucement et glisse le long du cou de la bouteille. Mary est sous la douche. Depuis des heures. Elle aime terriblement se laver, semble-t-il. Lorsqu’elle sort de la salle de bain, elle est rose et paisible et il reste des perles d’eau accrochées à ses cheveux et à ses cils. Elle sent les fleurs et le vent. Moi, j’empeste. Je le sais. Parce que je retarde le moment de la toilette. Aussi longtemps que possible. Jusqu'à l’insoutenable odeur. Jusqu’à l’écœurement. Peut-être que la crasse me rassure, va savoir ! Une armure grise et protectrice.

Lorsqu’enfin je me décide à affronter l’eau, il faut qu’elle fouette, irrite et brûle. J’ai besoin que la douche cingle. Qu’elle récure, qu’elle me brutalise. Je ne savonne pas. Impossible de poser les mains sur ma peau. Ça remonte à l’époque où j’étais môme. Maman furetait toujours à la salle de bain quand je me lavais. Elle s’affairait, agacée, passait un coup d’éponge sur le lavabo, ramassait mes chaussettes sales et me demandait de me dépêcher un peu. Un jour que j’en ai eu assez, je me suis enfermé à clef et ça l’a rendue dingue. Elle a tambouriné à la porte en me hurlant de venir lui ouvrir immédiatement et puis aussi d’arrêter de me toucher. J’ai pas compris sur le moment. Il m’a fallu encore deux ou trois printemps avant de saisir ce qu’elle voulait dire. Me toucher. Me toucher . C’est de ça dont elle parlait. J’ai rougi, honteux et dur sous la douche avec mon corps nouveau qui tremblait d’envie et de peur. Alors j’ai pris un gant râpeux et j’ai frotté fort sur ma peau, partout, jusqu’à écorcher, jusqu’à effacer le désir.

Parfois, j’aimerais me rappeler le bruit du savon qui glisse sur moi. Le goût d’une caresse qui ne fait pas mal. Celle qu’on accepte quand on accepte d’exister. [Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Toucher n'est pas briser


[Photo Marlene T.]
 


Jeudi 5 avril 2012

S’arrimer

Tu es quelque part
perdu dans l’invisible
et ta chaleur traverse
la vaste épaisseur de brouillard
je pense à ces liens qu’on noue
pour s’arrimer au monde
à la vie
au réel
pour éviter de se détacher tout à fait
et pour faire taire l’envie
de s’envoler
 

Human spirit


[Londres, Photo Marlene T.]

 


Mercredi 4 avril 2012

Fracas

- Seuls les objets sont innocents. Et ce sont eux qu'on brise les premiers.
- Les objets ou les innocents ?
- Les deux... Les deux, bien entendu.
[Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Rien ne finit jamais


["Garder la flamme" de Jeanette Winterson]
 


Mardi 3 avril 2012

Calques
 

Je n’ai qu’une seule vie et pourtant, je pourrais la raconter de tellement de manières différentes sans avoir à mentir. Ce seraient mille vies. Toutes mes vies. Comme des calques à superposer pour obtenir l’image complète. L’histoire. Toute l’histoire.


D'autres horizons


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 2 avril 2012

Estompée

Ses yeux et ses cheveux
sont de plus en plus clair
d’un blanc bleuté
un peu laiteux
Bientôt on pourra voir la vie
à travers elle
Elle se sera estompée
tout doucement
mais pour toi
elle ne disparaitra
jamais complètement
 

Life grows on trees


[Photo Marlene T.]

 


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