Nobody loves you when you're down and out
Nobody sees you when you're on cloud nine

 

Nobody loves you (when you're down and out), John Lennon



 

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Vieilleries

 


[L'auteur]

Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi. Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des sujets un peu moins osés.

 


 

[Editions]

 

 

Mailles à l'envers
Editions Lunatique, collection Romans

Primé au festival Premier Roman de Laval
 


Sélectionné pour représenter la France au Festival Européen du premier roman à Kiel


 

Les choses ordinaires
Kiss My Ass Editions
 

 

 

Mes pieds nus dans tes vieux sabots bretons, collection 8pA6 de La Vachette Alternative


 

 

Nos parcelles de terrain très très vague, Éditions Asphodèle, Collection Minuscule

 

disponible également via Fnac, Chapitre, Amazon,

Place des Libraires
 

 

London Trip Diary, At Home Editions

 


disponible via

 

 

Celui qui préférait respirer le parfum des fleurs, collection 8pA6 de La Vachette Alternative

 

 



 

[Parutions en revue]

 

A la dérive - L'Angoisse - Charogne - Chos'e - Dissonances - Interlope - Interruption - Katapulpe - L'Autobus - Levure Littéraire - Mauvaise graine - Microbe - Magnapoets - Nouveaux Délits - Revue Squeeze - Traction Brabant - Trace écarT - Le Zaporogue 


 

[Participations]

 

CroutOthon - FPDV - Le Quotidien des Martyrisés - Les 807 -  Les Etats Civils - Les Histoires Noires - OnLit - Sistoeurs.net - Vents Contraires - Vous dites ? 
 



[Email]

 

marlene.tissot@gmail.com
 

[Marlène ailleurs]

 

Sur Flickr
Sur DIYZines
Sur Les Etats Civils
Sur Sistoeurs.net
Sur On Lit
Sur Vents Contraires
Sur Fulgures.com

 


 

[Liens]

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Samedi 31 mars 2012

Etre utile ?


[Londres, Photos Marlene T.]
 

Dragée ou pilule ?

Enrober la réalité de sucre la rend plus facile à avaler.
Mais pas à digérer...
 


Vendredi 30 mars 2012

Empêche-moi de me faire mal
 

Mary parle. Elle parle tout le temps, beaucoup, trop. Elle dit, je parle pour avoir du silence dans ma tête et tu n’es pas obligé d’écouter. Sauf de temps en temps. Sauf quand j’ai du vrai qui coule de mes lèvres et que les mots font comme des petites fenêtres ouvertes sur moi pour que tu puisses te glisser à l’intérieur et subtiliser tous les objets tranchants.
[Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]


Fragile frontière


[Londres, Photo Marlene T.]


 


Jeudi 29 mars 2012

Au ras du réel
 

Cette manière de regarder dans le vague, feindre d’ignorer le bonheur, juste là, au ras du réel, comme une pièce tombée de la poche d’un passant que l’on n’ose ramasser, comme un trésor dans lequel on ne se croit pas autorisé à piocher.


Broken doll


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 28 mars 2012

Ce qu’on a sur le coeur

Rompre le silence
comme on rompt le pain
lorsqu’il fait faim mordre
dans ce qu'on a sur le coeur
 

Tout ce qui brille


[Londres, photo Marlene T.]
 


Vendredi 23 mars 2012

Inventer le sable

Ne pas se laisser entraîner dans le ressac des douleurs
Nager à contre courant, de toutes ses forces
Jusqu’à la prochaine plage, la prochaine île
Et si le sable n’existe pas, l’inventer
 

"Turning mistakes into gold"
[Rise, Eddie Vedder]
 


[Bretagne 2010, photo Marlene T.]
 


Jeudi 22 mars 2012

La petite chambre blanche

Franck pense à tout ce qu’il n’a pas construit. Aux chemins qu’il a refusé de prendre. Ceux tellement empruntés qu’ils deviennent plus creux que les vallées.

Dans la petite chambre blanche, il y a Tonton qu’il n’a vu qu’une fois quand il avait huit ans. Et il y a deux cousines qu’il ne connaît pas autrement qu’en photos. Quelques polaroïds de fillettes au bord de la mer et puis leurs prénoms notés en bas des cartes de bonne année.
Maman est allongée sur un lit blanc dans la petite chambre blanche. Tonton la regarde. Elle est toute tuyautée, dans les narines, au creux des bras. Il la regarde et puis de temps en temps, il regarde Franck. Personne ne dit rien. Les cousines mouchent leur nez avec une discrétion toute féminine.

Franck pense à ce qu’il n’a pas construit, une petite vie tranquille et factice avec une tribu autour comme un rempart. Des amis, des collègues de travail, une famille. Non, Franck n’a pas fabriqué toutes ces choses joliment ordinaires et vraisemblablement nécessaires. Il n’a rien ni personne, presque comme s’il n’existait pas. Il se sent léger, impalpable, libre.

Tonton a appelé hier soir, il a dit « C’est ta mère, elle va mourir, tu devrais venir, ça lui ferait plaisir… » Franck voulait expliquer à tonton combien il avait tort. « Maman et moi on a séparé notre chair et notre sang il y a longtemps. Elle ne sait même plus qui je suis. » Mais il a juste murmuré « OK » puis il a noté le numéro de la chambre d’hôpital.

Il se demande si c’est fini ou si elle va ouvrir les yeux à nouveau, juste un peu. S’ils vont devoir se dire adieux pour la troisième fois. Tonton toussote, jette des petits coups d’œil gênés à Franck, puis il ouvre le robinet à questions « Alors, qu’est-ce que tu deviens ? Tu fais quoi de beau dans la vie ? Tu es marié ? Tu as des gosses ? Tu habites où déjà ? Et t’es venu en bagnole, c’est ça ? T’as roulé toute la nuit ? C’est pour ça que t’as l’air salement fatigué… »

Franck se met à trembler. Il s’approche de la fenêtre et l’entrouvre. Il serre les dents sur les mensonges, se concentre, s’apprête à réciter les paroles attendues. Pour avoir la paix. Comme à l’école. Mais les questions n’ont même pas été posées. Personne n’a prononcé le moindre mot. Les voix sont dans la tête de Franck. C’est comme Mary, il se dit, toutes ces voix à l'intérieur de moi. Et ça le fait sourire.

« Pourquoi que tu te marres ? » demande Tonton. Et une machine se met soudain à biper fort, un long couinement continu. Cavalcade de sabots d’infirmières dans le couloir. Il n’y aura pas de troisième au revoir. Franck sort de la petite chambre blanche. Il entend ses cousines pleurer bruyamment et les médecins qui tentent l’impossible. C’est fini.
[Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]


 

Ralentir


[Grenoble, mars 2012, Photos Marlene T.]
 


Mercredi 21 mars 2012

Les cris

Il y a le soleil qui lèche doucement sa peau et, sous son dos, l’herbe qui fait comme un matelas gorgé de sève. Il y a Franck juste à côté. Il ne dit rien mais elle devine que son silence est paisible. Presque souriant. C’est un de ses instants qu’on voudrait laisser fondre le plus lentement possible. Des perles de vie sucrée bonbon, quand tout semble savoureux.
Et puis soudain la morsure du cri.
Un cri de nouveau né.
Mary se roule en boule. Les mains sur les oreilles. Ça lui fait toujours le même effet, ces cris-là. Une déchirure dans le ventre. Les souvenirs qui enflent, débordent les pensées, distendent la peau, cherchent une issue.

Pas de bébé, c’est pas possible, avait dit maman.
Mary pleurnichait. Elle s’est pris une mandale. Maman paniquait. Papa s’était barré pour éviter l’orage. Ou bien peut-être qu’il n’était même pas au courant, qu’il était au bistrot avec ses potes à s’enfiler des demis tièdes et des coupelles de cacahuètes.
C’est pas possible, avait dit maman.
Elle paniquait depuis qu’elle avait compris que Mary ne saignait plus depuis deux mois. Elle l’avait giflé. Plusieurs fois. Et elle plantait son regard comme un couteau dans les yeux de Mary, dans son ventre et puis ses yeux et puis son ventre encore. Alors qu’il aurait suffit de tuer papa depuis le début. L’empêcher de recommencer.
Pas de bébé, c’est pas possible !
Maman avait amené Mary à l’hôpital. Elle était allée de bureau en bureau pendant que Mary attendait sur une chaise en plastique. Maman avait murmuré des choses aux médecins et ils avaient regardé Mary comme si c’était une traînée. Peut-être était-elle une traînée. Elle avait du mal à comprendre à cette époque. Elle se sentait vide. Chiffon. Taie d’oreiller. Mouchoir morveux. Elle ne savait pas trop ce qu’elle était. Peut-être une trainée. Ou peut-être rien du tout. Parfois elle se disait qu’elle n’existait pas et que tout ce qui se passait ne se passait pas en réalité.
Maman avait probablement menti aux médecins. Le bébé avait été enlevé. Les preuves avaient été détruites. Les choses pouvaient continuer. Après l’hôpital, il y a eu l’été. Et papa a recommencé. Après l’été, maman a envoyé Mary en pension parce qu’elle avait essayé de tuer papa pour la première fois. Elle lui avait planté un petit couteau de cuisine dans son gros ventre. Ça l’avait sacrément mis en rogne. Mais Mary savait qu’il n’y avait pas d’autres solutions. Il fallait tuer papa.

Franck pose sa main sur l’épaule de Mary. Qu’est-ce qu’il y a ? il demande. Elle tremble encore un peu. Les cris se sont éloignés. Mary ouvre les yeux. C’est à cause du bébé, elle dit. C’est à cause du bébé que j’ai tué papa.
[Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Enchevêtrés, enlacés, emmêlés


[Photos Marlene T.]
 


Mardi 20 mars 2012

Croc-nique

Une chronique extrêmement sympathique à propos de "Mailles à l'envers" par Jérôme Cayla, un immense merci à lui pour sa belle lecture !

" Nul n’est responsable de son enfance, mais tous plaident coupable !

D’une plume fraîche, d’une vivacité folle, presque jubilatoire tant l’auteur (dont le personnage raconte ses souvenirs à la première personne) égrène avec cynisme le film d’une enfance ébréchée. Cette même jeunesse qui se devrait heureuse pour tous adopte, parfois, des sentiers bien escarpés. Il apparaît alors des sinuosités, des abrupts, des boues d’orage telles, que survient le sentiment agaçant de cheminer à reculons, de n’avoir pas les bons sabots, jusqu’au remords d’être venu. [...]
" Lire la suite ICI
 

Les interstices


[Palais idéal du facteur Cheval, photo Marlene T.]
 

Faire l’oignon

L’envie
parfois
de s’éplucher
comme un oignon
arracher les peaux
l’une après l’autre
découvrir ce qui se cache
au coeur du fruit
sous les pelures durcies
cet autre soi-même
    plus petit
         plus fragile
              et peut-être un peu plus
                                      tendre
 


Lundi 19 mars 2012

Something’s missing

Il voudrait faire des trucs simples et lumineux. Se lever avant le soleil et aller à la pêche un dimanche matin. Frissonner en regardant la brume se lever sur le lac. Ecouter le silence qui n’est jamais tout à fait du silence. Le petit bourdonnement de la vie. La chaleur qui vient de l’intérieur. Et puis la force d’une main large et puissante à la quelle s’accrocher quand on a peur ou qu’on doute. Il voudrait faire des trucs qu’on fait avec un père. Quand on a un père. [Extrait de "Les voix", roman en cours de tricotage]
 

L'avenir n'a pas de visage
On en esquisse chaque jour un portrait flou


[Valence février 2012, photos Marlene T.]
 


Samedi 17 mars 2012

Grands ouverts

La force fragile des enfants
leurs yeux grands ouverts
et cette petite détresse
cachée sous l’insouciance
lorsqu’ils pressentent qu’un jour
ils feront partie de ce monde là
celui qui fige les rêves
si l’on n’y prend pas garde
 

Détruire ce qui nous détruit


[Grenoble mars 2012, photo Marlene T.]
 


Vendredi 16 mars 2012

L'Angoisse

Sortie demain du n°1 de L'Angoisse nouvelle version, sur papier s'il vous plait! Pour célébrer l'évènement Christophe Siébert, Boris Crack, Bololipsum et bien d'autres seront ce soir à l'Up and Down de Montpellier pour une soirée lecture et concerts.

Au sommaire de ce numéro :

   Gaspard Pitiot
   Pascal Batard
   Marlène Tissot
   Laura Vazquez
   Ectoplasm
   Nicolas Albert G
   Boris (ex Boris Crack)
   Soomiz
   Jean-Marc Renault
   Mathias Richard
   Laure Chiaradia
   Yannick Torlini
   Marc-Brunier Mestas
   Christophe Siébert
   Anne Van der Linden


L'Ampoule

Et toujours dans la catégorie Revue, aujourd'hui le n°3 de l'Ampoule est à dévorer en ligne ICI avec pour thème « Gloire & Oubli » et au sommaire de ces 105 pages, 16 textes mêlant nouvelles inédites et critiques littéraires, avec les participations d'Arthur-Louis Cingualte, Diane Frost, Alain Lasverne, Salima Rhamna, Georgie de Saint-Maur, Philippe Sarr, Constance Dzyan, François Cosmos, Cécile Delalandre, Christian Jannone, Marlène Tissot, M'barek Housni, Sébastien Ayreault, Pierre-Axel Tourmente, Alban Orsini, Chris Simon, Teddy Wadblé, Christian Attard, Étienne Brouzes, Philippe Correc, Sophie Adriansen et Jacques Cauda ― ainsi que 9 illustrations en tous genres réalisées par Guillaume Gasnot, Diane Frost, Teddy Wadblé, Sébastien Lopez, Pascale Mayeur-Sarr, Noémie Barsolle et Jacques Cauda.


Libre


[Grenoble Mars 2012, photo Marlene T.]
 


Jeudi 15 mars 2012

La peau et le manteau

C’est une ville que je ne connais pas, alors c’est facile de s’y perdre. Je n’ai même pas besoin de le faire exprès. J’évite les grands axes. Trop d’espace, de bruit, de lumière. Trop de monde aussi. Je préfère les allées sombres, les venelles, les arrières cours, les passages oubliés.
Dans une ruelle, deux types abîmés ramassent des mégots dans les rainures du trottoir et se les fourrent dans les poches. Au-dessus de nos têtes, le ciel crache son bleu orgueilleux. Ça sent la saison où les vêtements tombent comme des fruits murs. Pourtant, au loin derrière les toits, la montagne porte encore sa cape de neige.
Les deux types, courbés récoltent les bouts de clope en sifflotant. Celui qui porte une boucle d’oreille s’essuie le front et demande à l’autre « Pourquoi que tu retires pas ton manteau ? Tu vas suer comme un cochon ! ». L’autre se redresse et se masse les reins avant de répondre « Parce qu’en dessous de mon manteau j’ai juste la peau de mon ventre ! »
Il me jette un regard en coin. J’esquisse un sourire. Il cligne de l’œil puis il se remet à traquer les mégots. J’imagine sa peau sous le manteau. Sale, moite, humaine. Des odeurs et de la vie nue.
J’ai envie, mais je ne sais pas de quoi. En dessous de la peau de mon ventre je n’ai qu’un manteau. Un vieux vêtement rêche et froissé. Pas de tripes. Pas de coeur.
 

You don't know what love is (you just do as you're told)
[The White Stripes]


[Grenoble mars 2012, Photos Marlene T.]
 


Mercredi 14 mars 2012

Trouve moi

Se cacher
avec le désir inavoué
d'être retrouvé
 

Tangerine trees and marmelade skies


[Valence Février 2012, photo Marlene T.]


Lucy in the sky with diamonds


"Picture yourself in a boat on a river,
With tangerine trees and marmalade skies
"
[The Beatles]
 


Mardi 13 mars 2012

Enfouir les drames
 

Je suis un personnage tragique qui se serait gouré d’histoire. Paumée sur les sentiers fleuris d’une fable, condamnée à trimbaler ma tempête en secret. Enfouir mes drames comme une marchandise de contrebande à laquelle personne ne voudrait goûter. Chercher l’issue entre les lignes.

 

Continuer de s'étonner


[Photos Marlene T.]
 


Lundi 12 mars 2012

Les distances de sécurité
 

On cache les plaies pour éviter d’éveiller la pitié. C’est un sentiment qu’on n’aime pas trop par ici, la pitié. Qu’on l’héberge ou qu’on la suscite, ça reste une maladie honteuse dont il faut se protéger. On s’enduit d’une petite froideur apaisante. On instaure des distances de sécurité entre les vies. La mienne, la tienne. On se parle à travers les murs. On se sourit face aux miroirs. On s'emprisonne à l'intérieur de soi.


Ne laisse pas sortir la lumière


[Blois août 2011, photo MarleneT.]
 


Samedi 10 mars 2012

Extraire ce qu’il reste

Tu rêves aux bras d’un père ou d’un frère
pas ceux de n’importe quel homme
tout juste bon à déverser sa substance
dans le récipient vide de ton corps
Tu voudrais la puissance enivrante
des bras d’un père ou d’un frère
serrés fort autour de toi
pressant ta chair et tes os et ton âme
pour en extraire ce qu’il reste
quelques grammes de chaleur et
un peu de bonté
peut-être
 

Safe and sound


[Suisse, octobre 2011, Photo Marlene T.]
 


Vendredi 9 mars 2012

Mettre la tête dans la poche

Utiliser les mains
fabriquer
dessiner
nettoyer
peu importe le geste mais
utiliser les mains
sans répit
pour endormir la tête
lessiver les pensées
décolorer les idées noires
limer les aspérités
vernir les ongles
claquer les portes
et quand il ne reste plus rien à faire
enfoncer mes doigts dans la fraîcheur humide
de la terre gorgée de printemps
lui donner un avant gout de ma viande
pour la faire patienter un peu
glisser mes mains dans sa grande bouche
et apprivoiser le jour ou elle m'avalera


You'd better give me something to fill the hole
[Novocaine for the soul, EELS]


[Lyon 2001, photo Marlene T]
 


Jeudi 8 mars 2012

Terre d'asile


A force d'inventer des histoires, j'ai l'impression d'héberger des souvenirs qui ne sont pas les miens. Une colonie d'orphelins, accouchés sur papier, qui s'enracinent en moi malgré moi. J'ai sous la peau un vaste continent, une mémoire terre d'asile. Ça s'appelle peut-être l'imagination.
 

Kid origami


[Feral Children]
 


Mercredi 7 mars 2012

Huiler la mécanique

Je me recule un peu
pour avoir une vue d’ensemble
observer ce qui se passe sous le capot de ma caboche
chaque chose posée là
les petits bouts d’une mécanique compliquée
comme les pièces d’un moteur démonté
et moi, je ne suis pas mécano
j’ignore comment s’emboitent tous ces trucs
tout ce que je demande c’est que ça tourne
que ça me conduise sans accident sur les routes de la vie
sans accro
sans panne
sans bruit
inutile de préciser que c’est rarement le cas
alors je me siffle parfois quelques
burettes d’huile
d’antigel
et autres liqueurs magiques
en espérant fixer le problème
en espérant que les choses se remettent à glisser
fluides comme une nuit de sommeil dans des draps de satin


15W40


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 6 mars 2012

Les preuves

Parfois on se dit que la vie est belle
souvent on se fatigue à en chercher les preuves


Trash


[Valence & around, photos Marlene T.]
 


Lundi 5 mars 2012

Poison

Je m’en vais
je change d’endroit
souvent – comme pour fuir
ce qui risque de me figer
dans un mauvais reflet
Je cherche à voir d’autres choses
ou simplement me voir autrement
à travers le regard d’autres personnes
changer de point de vue
ou de lumière
avec l’espoir peut-être un jour
de parvenir à
m’aimer mieux – m’aimer un peu
Et je sais bien que ce qui cloche
ce n’est pas le paysage autour
mais moi – juste moi
qui dénature et empoisonne le décor
 

Empty


[Photo Marlene T.]
 


Dimanche 4 mars 2012

Prendre de la hauteur


[Photo Marlene T.]
 


Vendredi 2 mars 2012

Solide

« C’est trop tard, dit Franck. On ne pourra jamais rien construire toi et moi. On est trop abîmés. »
Mary lève les yeux au ciel.
« Tu te trompes, elle rétorque avec un petit sourire victorieux. Tu n’as pas encore compris ? Les entailles de tes angoisses s’ajustent parfaitement aux aspérités de mes blessures. Nos vies s’imbriquent à merveille. Ensemble on est solide. Indestructible. Les gens trop lisses ne s‘unissent jamais tout à fait. La colle ne tient pas. Nous sommes inséparables ! »
Franck l’interrompt brusquement.
« Je suis un solitaire ! »
Les mots claquent. Mary s’en moque. Elle continue.
« Seul tu n’existes pas. Aucun de nous n’est jamais complet. Il manque des morceaux. Ensemble nous formons un tout invincible. »
« L’amour est le plus gros mensonge de l’humanité, crisse Franck en allumant une cigarette. »
« Qui a parlé d’amour ? demande Mary. Il s’agit d’une mécanique bien plus puissante. Il n’est pas question de sentiments ! Ni même d’attirance, ni de sexualité. Nous avons la peau bien trop sensible pour ce genre de jeux toi et moi... »
Debout devant la fenêtre, Franck regarde la pluie tomber. Mary s’approche. Leurs bras s’effleurent. Franck hoche la tête. L’un contre l’autre ils ressemblent à un édifice ubuesque. Un château de sable que la plus acide des pluies, la plus salée des vagues, ne parviendrait pas à dissoudre.
Mary répète le mot encore une fois. « Solide. »
Invincible.
[Extrait du tricotage en cours "Les voix"]

 


Jeudi 1er mars 2012

Magicien

Etre une de ces personnes
qu'on fréquente toute une vie
sans jamais parvenir vraiment
à les connaître
être un peu comme un magicien
capable de conserver ses secrets
jusqu'au dernier souffle
 

De l'importance d'être fait de pierre ?


[Photo Marlene T.]
 

"People are afraid of themselves, of their own reality; their feelings most of all. People talk about how great love is, but that's bullshit. Love hurts. Feelings are disturbing. People are taught that pain is evil and dangerous. How can they deal with love if they're afraid to feel? Pain is meant to wake us up. People try to hide their pain. But they're wrong. Pain is something to carry, like a radio. You feel your strength in the experience of pain. It's all in how you carry it. That's what matters. Pain is a feeling. Your feelings are a part of you. Your own reality. If you feel ashamed of them, and hide them, you're letting society destroy your reality. You should stand up for your right to feel your pain." [Jim Morrison]
 


Mercredi 29 février 2012

Comme un ogre

La foule serrée et brûlante
comme la bouche d’un ogre vorace
tous ces corps qui touchent mon corps
j’ai peur d’être avalée
broyée
digérée
je lève les yeux et je m’échappe
sur les ailes d’un avion de papier
là-haut
très loin
je caresse les nuages
comme si c’était les cheveux du ciel
je les tresse
j’en fais un nid
un endroit doux où me cacher
en attendant que la foule
desserre les dents et
recrache mon corps

[Ecrit pour et d'après une photo de Carlos Silva à voir ICI avec une traduction en portugais]


Mental conditions


[Filthy Boy]
 


Mardi 28 février 2012

Tuer l’instant
 

On transforme le présent en passé de plus en plus rapidement. Comme si tuer l’instant permettait de mieux le regretter quand on ne sait pas le savourer.


Not here. Leave a message.


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 27 février 2012

Sans itinéraire fixe
 

Ce n’est pas la destination qui compte, ce sont les détours magnifiques et les chevilles tordues. Ce sont les chemins qu’on emprunte et les paysages devant lesquels on s’attarde. Nos manières de prendre le temps de voir, d’accepter de se perdre. Arriver n’est pas l’essentiel.


Tailler la route


[Palais idéal du facteur Cheval 2011, Photo Marlene T.]
 


Samedi 25 février 2012

Quelques instants

Je pense à toi
pas très longtemps
juste à l’endroit où
le jour et la nuit se mélangent
d’un amour impossible
et donnent naissance à des couleurs
qui ne survivront que quelques instants

 


Vendredi 24 février 2012

Cette manière

Je lis beaucoup.
Je lis des choses très différentes de celles que j’écris.
Souvent, je me dis que je n’aimerais pas lire des choses comme celles que j’écris. Et pourtant, ça ne change rien. Il y a toujours ce besoin, cette envie. Il y a toujours cette manière dont les mots sortent de moi et forment des images que je n'aime pas regarder. Comme un reflet déplaisant.
 

Ecrire en braille sur le ciel


[Londres 2010, vers Corbet Place Photo Marlene T.]
 


Jeudi 23 février 2012

Petit triomphe


Jusqu’ici, les seules fois où j’avais songé à la mort, c’était toujours pour envisager les manières de la rejoindre. Pas de la fuir. Jamais. J’ignore ce qui a changé au juste. Une peur neuve qui me ronge les sangs. J’écoute mon cœur qui bat et pourrait très bien s’arrêter subitement, sans prévenir. Je respire. Je respire très fort, avec défi, envers et contre tout. J’observe, sans relâche, comme si je voulais manger le monde avant qu’il me disparaisse.
Ce matin, en quittant le boulot, j’ai remarqué que les arbres à côté de la grille étaient en presque fleur. Des grappes de bourgeons roses et dodus enflés comme des pustules sur les branches noires, sèches, squelettiques. Petit triomphe de la vie sur la mort. Bientôt les feuilles vert tendre pointeront leur nez.
Je bosse de nuit. Dans un cimetière. Ici, souvent, les fleurs sont en plastique. Les autres finissent par crever. Il n’y a que les arbres qui restent debout. On n’enterre pas un arbre. Même mort. Je voudrais être un arbre. [Extrait du tricotage en cours "Les voix"]
 

I saw lightning


[Telekinesis]
 


Mercredi 22 février 2012

La traversée du miroir
 

Les mots souvent s’emboîtent parfaitement. Mais pas les faits. La réalité se moque de l’équilibre et des apparences. Elle est. Point.
Tenter de la transformer en mots, de l’écrire au plus près, c’est un peu s’entraîner à franchir l’infranchissable. Chercher à passer de l’autre côté du miroir.


Ligne de vie à l'arrière d'une jambe


[Valence 2005, leçon de danse, Photo Marlene T.]
 


Mardi 21 février 2012

Faire un peu moins mal

Notre manière
de regarder le monde
ne change pas ce qu’il est
mais adoucit parfois
notre manière de le blesser
 

Rien n'est tout blanc


[Blois août 2011, Photo Marlene T.]
 


Lundi 20 février 2012

Emouvoir

C’est un hiver permanent
la chair
le cœur
l’âme
une peau de glace
qui s’épaissie tout autour
insidieusement
on peine à l’admettre
et pourtant
on devient de plus en plus
difficile à émouvoir
 

Miroir miroir,
dis moi qui est la plus bleue


[Valence Les Navires, photo Marlene T.]
 


Samedi 18 février 2012

Just a passing feeling

Tu es la grande ville et
je suis ta banlieue crasseuse
maladive misérable
il ne se passe rien dans moi
que des petits crimes honteux
tandis que tu brilles la nuit
tu vibres le jour
tu ronronnes et pétilles
amuses et séduis
rien de ce qui vit en toi
ne s’aventure jamais chez moi
par peur sans doute
de tout ce qui grouille ici
et s’en vient parfois
vandaliser tes artères
briser tes vitrines
et te salir un peu
avant que l’aube
ne vienne rincer les caniveaux
effacer les traces de moi sur toi
 


Sharp's Ville


[Dublin 2009, Photo Marlene T.]
 


On tricotte chez Chouinard !


Et voilà, Mailles à l'envers est disponible sur les étals de la Librairie Chouinard  à Québec !
 

Vendredi 17 février 2012

Rester aux aguets

La liberté
est pleine
de barreaux
à scier
 


Cage à rêves


[Blois Aout 2011, photo Marlene T.]
 


Galerie Foutraque



 

"Tout est bio qui finit bio", un petit texte à l'humour rouge et noir (et vert) à lire sur l'irremplaçable revue du Théâtre du Rond Point, Vent Contraires !


Jeudi 16 février 2012


I Don't think of all the misery
but of the beauty
that still remains


[Dublin 2009, photo Marlene T.]
 

Chaque geste

Ne rien bâcler
faire chaque geste
comme si c’était le premier
comme si c’était le dernier
prétendre que le jour
ne s’éteindra jamais
ou qu’il sombrera
peut-être ce soir
dans la nuit éternelle
 


Mercredi 15 février 2012

Si loin si proche

La mémoire enregistre, mais parfois elle déforme. Elle classe, elle range, elle fourre certains souvenirs en haut de vieilles armoires cérébrales, dernière escale avant l’oubli.

J’ai retrouvé récemment ces photos prises il y a neuf ans exactement, le 15 février 2003, lors d’une manif contre la guerre en Irak. Les images fixées sur la pellicule sont venues dépoussiérer ma mémoire.

>> Pour voir les photos, c'est chez FPDV que ça se passe
 


Mardi 14 février 2012

Ce qui ne s’achète pas

Les marchands de rêves
ont plus de talent
pour l’emballage
que le contenu
 

Trouver ce que tu ne cherchais pas


[Irlande 2009, Photo Marlene T.]
 


Lundi 13 février 2012

Se placer dans le décor

On pense parfois
à des voyages
des hôtels
des étendues bleues
ciel
mer
piscine
on y pense
parfois
pas si souvent en vérité
parce que c’est effrayant
parce que songer aux choses
c’est les dessiner
leur donner une forme
une apparence tangible
et alors
tout l’équilibre lentement bâti
se casse la gueule
on bascule
on chavire
on pourrait presque perdre
le sens du réel
et c’est grisant
d’imaginer que les choses
sont possibles
soudain
puisqu’on les voit
même si on ne parvient jamais vraiment
à se placer dans le décor
 

I'll let you borrow my four leaf clover


[Badly Drawn Boy]

 


Samedi 11 février 2012

Illusions

Dans le train
elle regarde défiler le paysage
et rien ne prouve
que ce ne sont pas les immeubles
les arbres
les pylônes électriques
qui cavalent à perdre haleine
tandis qu'elle est assise là
immobile
 

De l'autre côté de la vitre, les arbres courent

 


Vendredi 10 février 2012

Wonder woman

Ils ont arraché une boucle. Mon oreille en sang. Je ne leur ai pas laissé le temps de choper la deuxième. Cogner ces morveux. J’essuyais les coups autant que j’en distribuais. C’était comme si leurs petits poings ne me blessaient pas. J’étais Wonder Woman dans son short étoilé. Je sortais mon fouet et je leur atomisais la gueule avec grâce et férocité.
[Extrait de "Mailles à l'envers"]
 


[Photo Marlene T.]
[capturée dans un mag de salle d'attente...]
 


Mots voyageurs !

Le poète Alberto Augusto Miranda me fait de nouveau la surprise d'une traduction ! Il s'agit du texte "Faire semblant", à lire ICI en portugais et en VO. En novembre dernier, il me faisait déjà cadeau d'une traduction de "Les bras du crépuscule". Et, toujours dans cette belle langue, Carlos Silva m'a également offert une belle version de "Carte postale". Merci les poètes !
 


Jeudi 9 février 2012

Un tout petit peu trop de rien

Aujourd’hui est plein
d’un tout petit peu trop de rien
j’écris des mots vides
parce qu’il n’y a rien à dire
rien à raconter
je n’arrive plus à inventer
ni à voir ce qui se passe autour
ailleurs
à des lieues de mon ordinaire
étendre le linge
faire les vitres
(seulement à l’intérieur à cause du froid)
rédiger quelques lettres de démotivation
faire au mieux pour ne pas être
totalement inutile
trainer les pieds
tourner en rond
dans un aujourd’hui plein
d’un tout petit peu trop de rien
regarder demain punaisé là-haut
à côté de la lune
n'avoir l'envie de décrocher
ni l’un ni l’autre
 

Cloud killer


[H-Burns (from Valence)]
 


Soyons réalistes


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 8 février 2012

Le poids

Ce n’est pas le dos qui se voute
c’est la mémoire qui pèse
de plus en plus lourd
 


[Spitafield, Londres mars 2010, photo Marlene T.]
 


Mardi 7 février 2012

L’odeur de J. Reyes
 

Les bureaux sont en haut d’un building. Dernier étage, léché par les nuages. Des fenêtres immenses. Le soir, la vue est terrifiante et magnifique. Un tapis de lumières et les phares des voitures comme des lucioles épileptiques.
Autrefois, Jim aurait eu honte. Il se serait dit que balayer et astiquer, c’était un boulot de femme. Aujourd’hui, ce qui lui fait honte c’est d’avoir été un connard pareil. Il est le seul homme dans son équipe et ses collègues apprécient qu’il ne joue pas au chef, qu’il garde ses couilles rangées et passe la serpillière, comme tout le monde.
Le soir, ils arrivent vers vingt et une heures. Bien après que les bureaux se soient vidés. C’est la règle. Un moyen d’éviter que deux mondes se croisent. Comme si chaque univers devait ignorer la présence de l’autre. Parfois, il y a des interférences. Des comètes. Une femme brune en pull grenat assise dans le bureau du fond.
Lorsqu’il pousse la porte, elle le regarde comme on regarde une souris déboulant dans l’allée d’un supermarché. Puis elle esquisse un sourire et s’excuse. Elle ramasse son sac, son manteau et sort en s’excusant de nouveau. Lui n’est pas foutu de prononcer le moindre mot.
C’est étrange de nettoyer une pièce encore chargée de présence. L’impression d’un équilibre instable. Comme si les objets étaient plus fragiles. Jim vide la poubelle et balaye d’une caresse les poussières invisibles sur le siège. Puis il se penche, sans bien réfléchir à son geste, et presse son visage contre le velours brun du fauteuil, aspirant un reste de tiédeur, flairant l’odeur capturée dans le tissu. Il se sent drôle. Presque ému.
En quittant le bureau, il regarde sur la porte.
Une petite plaque gravée indique J. Reyes.


Feeling blue


[Ciné Les Navires, janvier 2012, photo Marlene T.]
 


Lundi 6 février 2012

Demain est une petite utopie quotidienne

Ce matin tu fais semblant de dormir
longtemps
jusqu’à ce que tout le monde soit parti
jusqu’au retour du silence
tu restes planquée
les couvertures jusqu’aux oreilles
comme un paysage effacé par la neige
comme des meubles de jardin
entreposés sous une bâche bleue
pendant l’hiver
comme toutes ces choses
qui attendent immobiles
sans avoir conscience du lendemain
ou de son absence
 


Dreams


[Chopé sur "Two for the road" : Image next to image. Nothing more, nothing less.]

 


Dimanche 5 février 2012

Le silence me parle de choses invisibles


[Valence février 2012, photo Marlene T.]

 


Samedi 4 février 2012

Il y a des auréoles au plafond
mais pas d'anges, jamais d'anges


[Blois août 2011, photo Marlene T.]
 

Quelqu’un d’autre

Et ton père ? interroge Mary. Elle t’a parlé de ton père ?
Franck secoue la tête.
Je ne lui ai pas demandé, il dit. J’ai réalisé en la voyant là, devant moi, comme si elle n’était rien, que je me foutais d’en savoir plus sur mon père. Peu importe la paire de couilles dont je suis issu. Peu importe le ventre qui m’a porté. Je ne suis plus l’enfant qu’ils ont créé. Je suis quelqu’un d’autre maintenant. J’ai sculpté l’homme que je suis.
[Extrait du tricotage en cours "Les voix"]

 


Vendredi 3 février 2012

Zombie

Elle lui dit, Je ne comprends pas ce qu’on fait là. A quoi ça rime après tant d’années ? Pourquoi tu m’as appelée ? Elle déchire un sachet de rince doigts et elle demande, Pourquoi tu as voulu qu’on se voie ? Mais qu’est-ce qui t’est passé par la tête tout à coup ? Toi qui affirmais que c’était fini, que je n’étais plus ta mère, que je n’existais plus. Tu as retrouvé la mémoire, c’est ça ? Tu as besoin de quelque chose ? Tu as besoin d’argent, hein ?
Elle fait attention de ne pas trop élever la voix. Ne pas dépasser les décibels de la petite musique d’ambiance, des conversations alentours, du bruit des couverts et des assiettes. Elle frotte ses mains nerveusement avec le petit papier citronné. Un morceau de persil est collé au coin de sa lèvre inférieure. Elle a l’air usée. Presque fragile. Mais elle garde cet éclat métallique dans le regard. L’acier dont elle est faite. Ce besoin de puissance et de domination.
Franck prend son temps avant de répondre. Il laisse le silence se distendre comme un élastique en limite de rupture. Il flaire l’odeur aigre des moules au vin blanc, du citron synthétique, de la rancune. Il ne reste rien. Pas la moindre trace de quoi que ce soit en lui. Ni amour ni haine. Juste cette petite paix distanciée qu’est l’indifférence.
Il murmure, je voulais être certain de t’avoir tuée dans mon cœur.
Il pose un billet sur la table, pour l’addition et il s’en va, abandonnant-là le cadavre vivant de sa mère. [Extrait du tricotage en cours "Les voix"]
 


Déferlante de mailles

Voilà, ça y est, Mailles à l'envers est sortie des presses !
On peut le commander sur le site de l'éditeur ou via Amazon
Ou en m'envoyant un petit mot


 


Jeudi 2 février 2012

Les fleurs (fanées)

La dame assise à côté de moi
sent le parfum
chaque fois qu’elle bouge
ça me rappelle l’odeur des giroflées
dans le jardin de mamie
c’est étrange
ce cocktail de joie et de nostalgie
cette impression fugitive
d’être à la fois
vieille
et môme

 

Wild thing


[Valence janvier 2012, Photo Marlene T.]
 


Mercredi 1er février 2012

Voie C

En gare de Grenoble
le ciel a déposé des congères sur le ballast
la ville est enveloppée de coton-brouillard
tout est blanc et flou
sur le quai les gens dansent
d’un pied sur l’autre
ils virevoltent
pour conjurer le froid
parfois les nuages s’écartent
et on aperçoit la montagne blanche
au loin
pas si loin
dans le micro une voix annonce
quelques minutes de retard pour le train à destination de Valence
quelques minutes supplémentaires
pour danser sur le quai
avec nos nez rouges et
nos allures de clowns amoureux de l’hiver
 

Avant - Après


[Valence janvier 2012, Photos Marlene T.]
 


Mardi 31 janvier 2011

Sous l’ongle

Il gratte la fine pellicule argentée
qui cache le secret
la réponse
le trésor
gravé sous les copeaux
les miettes se coincent sous l’ongle
il a mis un temps fou
à choisir ce ticket de jeu au milieu de tous les autres
et il n’est même pas sûr que ce soit le meilleur
comme un grain de sable pioché sur la plage
est-ce que ça peut changer une vie, un grain de sable ?
peut-être
après tout
des choses plus petites qu’une poussière
peuvent bouleverser le monde
il souffle et les copeaux argentés s’envolent
il n’ose pas regarder
pas encore
il ferme les yeux et rêve quelques secondes de plus
il se dit que s’il gagne assez d’argent
il remplacera toutes ses dents pourries
par des dents en or
il trimballera sa richesse dans sa bouche
et sans doute qu’il aura alors
un sourire lumineux et doré
comme celui des gens
heureux
 

It's in my nature


[Valence Janvier 2012, Photo Marlene T.]
 


Lundi 30 janvier 2012

Faire semblant

Avant
je croyais que les adultes
ne pleuraient pas
n’avaient pas peur
connaissaient toutes les réponses
je me disais que grandir nous transformait
qu’une étrange alchimie
rendait les choses plus simples
qu’on n’avait plus à s’inquiéter de rien
sauf gagner de l’argent
et puis penser à certaines choses comme
égoutter les nouilles
ou sortir le linge de la machine à laver
mais visiblement il n’en est rien
les adultes sont juste des enfants
qui ont appris à faire semblant
et qui se cachent
pour pleurer
 

Peindre des robinets
regarder les fleurs magiques envahir la ville


[Valence Janvier 2011, Photo Marlene T.]
 


Dimanche 29 janvier 2012

Ni pipi, ni caca


[Valence janvier 2012, photo Marlene T.]
 


Samedi 28 janvier 2012

Pas de revanche à prendre

M’allonger et me dire
qu’il n’y a pas
surtout pas
de revanche à prendre
laisser ce genre de jeu
à ceux qui pensent
devoir prouver
justifier
rentabiliser
montrer qu’ils existent
M’allonger et me dire
que je suis vivante
et que c’est bien assez
pour remplir
l’aujourd’hui
 

Mon nom est personne



[Chopé ICI - y faire un tour aussi pour voir la chouette horloge...]
 


Vendredi 27 janvier 2012

Tell me where did you sleep last night


[Blois Août 2011, Photo Marlene T.]
 

Petite tricherie

Ma mémoire est un palimpseste
quand le passé démange
je gratte puis
je réécris
 


Jeudi 26 janvier 2012

Fly away

S'échapper
à bord
d'un avion
de papier
 

Emergency


[Paris novembre 2011, photo Marlene T.]
 


Mercredi 25 janvier 2012

Portraits flous

Lorsqu’il regarde
les gens qui marchent dans la rue
qu’il pose ses yeux sur des yeux qui se détournent
qui fuient
il le fait tout en légèreté
effleure à peine
ne prend surtout pas le temps de goûter les détails
vite, il baisse les paupières
cligne
fondu au noir
passe au visage suivant
baisse les paupières, encore
au suivant
il façonne mine de rien une galerie de portraits
flous et anonymes
peu importe
c’est mieux que rien
mieux que regarder au loin en prenant l’air
distant affairé méfiant agressif
mieux que regarder
les traces de pas qu’on ne laisse pas sur l’asphalte
et les chewing-gums collés
qu’une bouche inconnue a mâchés
puis crachés
 

Everything is under control


[Italie août 2011, Photo Marlene T.]
 


Mardi 24 janvier 2012

Living in a dream

Un jour
je me suis endormie
et je ne me suis plus jamais
réveillée
 

voyage à dos de lit


[Hôtel Août 2011, photo Marlene T.]
 


Lundi 23 janvier 2012

Farewell
 

Soudain, je me suis rendue compte du chemin qui avait été parcouru. Je me suis retournée et vous n’étiez plus que de minuscules points noirs à l’horizon. Vos armes, vos munitions, vos amères petites méchancetés ne pouvaient plus m’atteindre. Quelque chose en moi vous a dit adieux ce jour-là. Vous n’avez pas entendu. Vous n’avez jamais rien voulu entendre de ce que mes silences tentaient de vous dire.
 

J'ai toujours été dans la lune
C'est peut-être ce qui m'a protégée

 

I lived on the moon


 


Samedi 21 janvier 2012

Cachette


[Photo Marlene T.]

 


Vendredi 20 janvier 2012

Nulle part chez moi

Quels que soient les murs
le ciel ou les sourires autour
j’ai l’impression de n’être
nulle part chez moi
et même dans ma propre peau
je me sens souvent
comme un intrus
 

Honey I'm home
early as expected again


[Filthy Boy, Waiting On The Doorstep]
 


Jeudi 19 janvier 2012

Prière de ramasser vos effets personnels


[Italie aout 2011, photo Marlene T.]
 

Feel like shit


Tu as fait une connerie. Ils disent que tu sais rien faire d'autre que des conneries. Ils se mettent en rogne et te chopent par le col et te foutent le nez dedans, et puis... Et puis ils se calment, ils essayent une autre technique, ils se mettent à parler avec douceur et ça te fait penser au parfum qu’on asperge dans les toilettes pour camoufler l’odeur de merde. Personne n’est dupe.
 


Mercredi 18 janvier 2012

"There is no answer. It's OK. But even if it wasn't OK, what am I supposed to do ?" [Raymond Carver, Cathedral]


[Londres 2010, photo Marlene T.]
 

Ciel et terre

Là-haut
les nuages cavalent
comme des moutons sans pattes
ici
les gens courent
comme des poulets décapités
 


Mots voyageurs

Encore une belle surprise ce matin, dans ma boîte virtuelle, un mot de Carlos Silva qui me fait l'honneur d'une traduction de "Carte postale" en portugais, à lire ICI. En novembre dernier, c'était Alberto Augusto Miranda qui me faisait cadeau d'une traduction de "Les bras du crépuscule". J'aime quand les mots voyagent en d'autres musiques !
 


Mardi 17 janvier 2012

Représentation

Je
n'existe pas
je
est un mirage
ceci est un
rôle de composition
j'écoute les souffleurs
je vis
en gestes mécaniques
 

Quand l'hiver fait croustiller le matin sous nos pieds


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 16 janvier 2012

Oser

Oser c’est
laisser les choses
sortir de soi
moi je ne peux pas
je suis une boîte
de Pandore
 

A la dérive
 

La troisième édition de la revue A La Dérive est sortie et elle nous arrive avec un sommaire bien garni !
A lire ICI


Samedi 14 janvier 2012

Magic spell & nutella


[Paris novembre 2011, photo Marlene T.]
 


Vendredi 13 janvier 2012

La chaleur qui lentement s’échappe

Tu ne sais pas trop quoi en faire
de ce surplus d’amour
que t’as dans le ventre
tu voudrais bien le donner
mais à qui ?
et comment ?
plus rien ne se donne
si facilement
de nos jours
les gestes généreux
deviennent vite suspects
alors tu fourres tout ça
dans des sacs poubelle
que tu descends le soir
en écoutant le givre
figer le paysage
en regardant la fumée blanche
qui sort de ta bouche
la chaleur qui lentement
s’échappe
de l’intérieur de toi
 

Encore.


[Paris novembre 2011, photo Marlene T.]
 


Jeudi 12 janvier 2012

Immortelle

Je ne sais pas pourquoi je me suis mise à gerber si souvent. J’avais dans les huit, neuf ans. C’était après cette longue maladie qu’avait pas réussi à me terrasser. Je me disais que j’étais invincible, immortelle. Que je serais capable de survivre à tout. Je ricanais intérieurement. Et puis l’instant d’après, je ne rigolais plus du tout. Je mettais les mains devant ma bouche pour retenir le flot, mais c’était trop tard. J’avais du dégueulis plein les doigts et le pyjama. Mes cheveux trempaient dans les flaques grumeleuses sur la table. Ça ruisselait le long du pli de la toile cirée en ploc ploc sur le carrelage. [Extrait de Mailles à l'envers, bientôt en librairies]
 

I need a hero


[But & Hogre, Italie, Photo Marlene T.]
 


Mercredi 11 janvier 2011

J’emmerde la vertu

On surestime souvent
les bienfaits de
la vérité
 

Beautiful lies


[Italie Août 2011, photo Marlene T.]
 


Mardi 10 janvier 2012

Rafistoler et faire avec

Seuls ceux qui se croient immortels
s'offrent le luxe d'attendre
des jours meilleurs
 

Papa & maman

Une petite participation en texte et image à voir sur FPDV
Thème du mois : Père et Mère
 

Cordon ombili-cul
[en clin d'oeil au texte en ligne sur FPDV]


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 9 janvier

La marge d'erreur

Rêver l'avenir
c'est un peu
le prédire
 

Marcher sur les mains, regarder le monde à l'envers


[Avignon décembre 2011, Photo Marlene T.]
 


Dimanche 8 janvier 2012

Right here, right now


[Valence 8 janvier 2012 20:43, photo Marlene T.]
 


Samedi 7 janvier 2012

Pardon

Aux paroles étouffées
à tous les rêves
que j’ai laissés s’éteindre
à cet univers
en big-bang perpétuel
que j’emprisonne
dans ma sale caboche
 

Locked


[Photo Marlene T.]
 


Vendredi 6 janvier 2012

J’emmerde le petit chimiste

Il paraît que l’amour
est soluble dans le quotidien
 


Tu fais quoi dans la vie?


[Bretagne 2010, Photo Marlene T.]
 

Chez Aglaé
 

Il s'y passe toujours des choses, du côté de chez Aglaé Vadet ! En novembre, elle proposait, avec ses comparses, un jeux d'écriture dont j'avais parlé ici et voilà qu'aujourd'hui les nouvelles concoctées sont réunies en un bien beau recueil que l'on peut se procurer en cliquant !


Jeudi 5 janvier 2012

Ombres chinoises

Il faut avouer
que les idées noires
sont du plus bel effet
sur fond de nuit blanche


Wake Up


[Arcade Fire]


Someone told me not to cry


[Londres 2010, photo Marlene T.]
 


Mercredi 4 janvier 2012

Le silence, je ne trouve pas ça rassurant

Franck est parti. J’ai entendu la porte.
Je sais que Franck n’existe pas. Encore un personnage dans ma tête. Et toutes ces voix qui refusent de se taire. Je n’en peux plus. Il faudrait sans doute que je retourne voir le médecin. Que je prenne à nouveau des cachets. Un jaune le matin, un rose le soir.
Je n’arrive plus à démêler le vrai du faux. Parfois j’ai peur, quand je me rappelle. Les armes, l’argent, le sang, mes cris, sa colère, notre fuite. Il va finir par me retrouver. Lui, je sais qu’il existe parce qu’il m’a fait mal. Le corps n’oublie jamais.
C’est trop dangereux de rester chez moi. Il sait où me chercher. Je n’ai nulle part où aller. Les verrous ne servent à rien. Il va revenir et me faire mal et me faire taire. Il trouvait que je parlais trop. Prétendait que si je me faisais choper je finirais par le balancer parce que j’étais incapable de tenir ma langue. Il a essayé de me dresser. Il a fait du bon boulot. Je n’ai pas parlé de lui. Quasiment pas. Sauf à Franck. Un tout petit peu.
Il faut que je me planque. Je ne suis pas chez moi. Ici, il ne me trouvera pas. Je suis chez Franck. C’est pour ça que je ne reconnais pas les meubles. Franck n’existe pas. Et peut-être que moi non plus. Est-ce que ce cri sort de ma bouche ou résonne juste à l’intérieur de moi ? Il faut du bruit, toujours plus de bruit pour couvrir le vacarme dans ma tête.[Extrait du tricotage en cours "Les voix"]


Je me souviens que je ne t'ai jamais rencontré


[Londres 2010,Photo Marlene T.]
 


Mardi 3 janvier 2012

Les questions

Je n’ai rien à dire. Ç’a toujours été ainsi. J’étais une enfant silencieuse. Tellement discrète qu’on finissait par m’oublier. On m’oubliait chez mémé et en forêt. On m’oubliait au supermarché et à l’école. J’ai fini par me dire qu’il n’y avait pas de place ici pour les gens silencieux. Depuis, je parle. Tout le temps. Je n’ai rien à dire. Rien à avouer, confesser ou raconter. Alors j’invente. Des tas d’histoires. Peu importe qu’on me croie, ce qui compte c’est qu’on m’écoute. Lorsque je parle, on me voit. J’existe. Je prends forme, je me dessine, je me rature, je me recommence. Je suis mon propre personnage de fiction. Ma marionnette. La seule chose qui ne change pas, c’est mon prénom.
Et mon besoin d’amour.
Quoi que je dise, tu ne dois pas me croire. Jamais !

Ça tombe bien, murmure Franck, je ne crois jamais personne.

Je n’ai pas grandi dans un orphelinat. Mes parents ne sont pas morts. Je les ai tués dans mon cœur. Je les ai oubliés. Enfin, pas tout à fait. J’envoie une carte au nouvel an. Parfois je me trompe de date ou même d’adresse. Ça aussi ce sont des histoires, tu vois ?
Tu comprends ?

Franck hoche la tête. Il reste silencieux. Depuis longtemps, il sait que plus on pose de questions, moins les gens se dévoilent. Et ce n’est pas qu’il ait envie d’en savoir plus sur Mary ni sur qui que ce soit, non. C’est juste qu’il déteste les questions. Celles qui lui sont adressées autant que celles qu’il pourrait poser.  [Extrait du tricotage en cours "Les voix"]
 


Think, think, think...


[Avignon décembre 2011, photo Marlene T.]
 


Lundi 2 janvier 2012

Trop vite
 

Tu vas trop vite, dit Franck. Chaque chose en son temps...
Mary s’agite, parle, s’essouffle, bouscule, accélère, parle encore. C’est vrai, elle veut toujours précipiter les évènements. Elle veut cueillir maintenant les fruits de vie qui passent à portée de sa main. Ne pas attendre qu’ils soient mûrs, tombent et pourrissent. Trop de gaspillage !
Elle hausse les épaules.
Chaque chose en son temps ?
Ça signifierait que tout n’est que puzzle alors que tout n’est que chaos. Et si parfois les pièces semblent s’emboîter à la perfection, ce n’est que le fait du hasard ou de nos vues qui déforment le paysage.
 

The time it took a cigarette to burn


[Photo Marlene T.]
 


Dimanche 1er janvier 2012

"Si vous ne faites pas aujourd'hui ce que vous avez dans la tête,
demain, vous l'aurez dans le cul
" [Coluche]
 

Wish you a peachy year


[Photo Marlene T.]
 


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