Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A
cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi.
Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et
capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais
sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur
fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des
sujets un peu moins osés.
Au bout d’un moment, je me noie. On dirait que je me noie, maman. Regard
paniqué, gorge tendue, joues creusées. Suffocation. Et le cœur qui
s’affole. Au bout d’un moment le temps ne coule plus comme il en a
l’habitude. Il se met à suinter, épais et poisseux. Un jus de plaie
géante piétinée par des insectes voraces. Au bout d’un moment je ne suis
plus qu’un morceau de viande offerte de ta morsure. Je sais que le coup
va tomber et c’est comme si l’attente me faisait souffrir davantage que
ta main. Les instants s’égrainent dans le vent orageux. Mon esprit
aiguisé décompose chacun de tes gestes, la raideur de ta nuque, tes
sourcils froncés, ce rictus tellement particulier. C’est étrange comme
dans ta rage on dirait parfois que tu souris. Malgré la haine qui brille
à l’arrière de tes yeux. Et je ne peux pas t’en vouloir, je comprends
comme ma présence a bouleversé le cours de ta vie. On ne réalise ni
l’une ni l’autre ce qui arrive. Je ne saisis pas plus que toi pourquoi
je suis là, pourquoi j’ai continué de pousser en toi envers et contre
tout. Et je me déteste aussi parfois, mais je ne sais pas comment
réparer tout ça, je ne sais pas où me glisser pour disparaître, me
cacher de toi. J’ai un peu peur aussi, j’avoue. Encore plus peur des
jours qui germent que de tes mains qui tombent. Parfois dans le vaste
océan de larmes que j’emprisonne, je cherche une île où tout serait
paisible, où il n’y aurait que toi et moi et l’éternité pour se figurer
un moyen de s’apprivoiser.
Tu te souviens de ce plaisir, dans les herbes
hautes et les ronces et les insectes partout, sous un plumetis
de soleil filtré par les grands arbres, toi contre moi, à
écouter chanter le vent, à savourer le goût de nos peaux l’une
contre l’autre comme si le monde autour et toutes les choses
laides avaient subitement fondu dans le lait de l'instant...
On se dit que c’est la fatigue
le poids des jours et la chaleur
les épaules qui s'affaissent
le dos qui se courbe
le front de plus en plus proche
des genoux
on s’enroule mine de rien
autour de son nombril
Avant, j’avais peur que tu cesses de m’aimer.
Aujourd’hui c’est différent. Les choses tiennent comme elles
sont, vaguement bancales. La colle séchée des sentiments. Nos
morceaux de vie attachés les uns aux autres à coup d’agrafes
plantées dans la chair. Chaque pas de travers provoquant ces
petites douleurs aigues auxquelles on finit par s’habituer. Il
faut avancer sans trop danser. Sans trop dévier. Au risque
d’entraîner l’autre dans sa chute ou ses regrets. Les gens
disent qu’on ne fait qu’un, mais c’est un leurre.
On fait semblant
on déplace deux ou trois cheveux
coupés en quatre
mais on ne se soucie plus
de grand chose
on regarde les draps
au pied du lit
imprégné de nos deux corps
avec un vague étonnement
Avant, j’avais peur que tu cesses de m’aimer.
Aujourd’hui je me demande ce que tu penses, ce que tu ressens,
je me demande ce qu’il reste de toutes ces graines qu’on a semé
l’un dans le cœur de l’autre. C’est étrange parfois, quand je me
glisse dans ton regard et que je m’y sens comme dans le cockpit
d’un avion. Incapable de lire ce qu’affichent les cadrans.
J’enclenche le pilote automatique. C’est un moyen comme un autre
d’éviter l’accident.
Il y a parfois cette
impression
(fausse évidement)
qu’après être si souvent
tombé sans s’ébrécher
le vase ne cassera jamais
aujourd'hui je n’ai presque plus peur
nous sommes arrivés au jour où
on réapprend à être je
sans craindre de briser le nous
Parfois c’est douloureux
comme si j’avais une rage de cœur
comme s’il fallait tout arracher
la grosse carie entre mes côtes
Orange
(je ne sais pas pourquoi, une envie de mordre,
peut-être...)
[Valence juin 2011, Photos Marlene T.]
La
couleur orange se rapproche chromatiquement de la couleur des flammes et
c’est à cause de la nature mouvante de ces flammes que, par association,
la couleur orange est assimilée par l’oeil comme une lumière en
mouvement. De là découle une bonne part de sa symbolique. [Lire la suite
sur
Institut de la couleur]
Tu cherches quelque chose de lumineux, scintillant. Quelque chose qui
n’existe pas. Comme s'il pouvait pleuvoir des diamants à chaque fois que
tu bats des cils. Tu tentes de décalquer un rêve à demi effacé sur la
page froissée du réel. Tu y crois. Tu ne sais pas en quoi tu crois mais
c’est là, au fond de toi. Tu te dis que tout peut arriver, que la
réalité n’a pas de forme fixe. Que c’est une pâte malléable offerte aux mains agiles de notre imagination.
Elle est entrée par la fenêtre de la salle de bains
Le ciel avait la
lueur mauve des fins de nuit qui traînent en longueur. J’étais en train
de pisser dans le lavabo quand j’ai vu sa jambe passer par la minuscule
fenêtre. Puis son autre jambe s’est pointée, suivie de son cul et ses
épaules. Elle s’est laissée tomber en silence, pieds nus sur le
carrelage de la salle de bain. Foutrement agile ! Elle s’est immobilisée
en remarquant ma présence. J’ai vu sa main plonger vers le flingue
glissé dans la ceinture de sa jupe. En sursautant, j’ai envoyé trois
gouttes de pisse sur la savonnette.
Elle m’a fait signe de la boucler. J’ai hoché la tête puis j’ai secoué
ma bite avant de la rentrer dans mon caleçon. Malgré la pénombre, j’ai
vu briller le sourire moqueur de la fille. On a entendu les sirènes de
police s’approcher puis s’éloigner. J’ai rincé le lavabo en faisant
couler un peu d’eau. Elle ne bougeait pas, l'oreille tendue vers la rue.
J’ai toussoté, parce que je n’étais officiellement toujours pas autorisé
à ouvrir ma gueule. Je me sentais un peu con, pas réellement terrorisé,
plutôt coincé, intimidé.
Elle a jeté un œil par la fenêtre. Dehors, tout était déserte. Elle m’a
salué d’un petit geste de la main puis elle est repartie par où elle
était entrée. Tout ça n’avait duré qu’une poignée de minutes. Je me suis
recouché en me demandant si je n’avais pas rêvé. Au réveil, j'avais tout
oublié. C’est plus tard, en allant me raser que la mémoire est revenue.
En voyant les trois gouttes de pisse sur la savonnette.
Est-ce que ce sont des souvenirs, vraiment ? Je ne connais pas
la nostalgie, comme si le paysage en derrière moi s’effaçait à
chacun de mes pas. Parfois quelques fantômes surgissent du
brouillard. Des odeurs, des sensations. Le bruit de tes mains
dans mes cheveux lorsque j’étais enfant. Est-ce que ce sont des
souvenirs, vraiment ? Ou justes des images dérobées aux
passants, une scène capturée au coin de la rue. Une petite
douceur volée que je ferais mienne pour combler les béances
sombres comme l’étaient tes regards.
On cherche à se faire du mal, d’une manière
ou d’une autre, parce que les douleurs tiennent la chair en
éveil, parce que notre viande palpitante, écorchée, reste
l'ultime moyen de se prouver qu’on existe, ici et maintenant.
et il y a pleins d'artistes à découvrir dans de chouettes lieux de
Valence, notamment Rue Perollerie dans la maison Dupré-Latour mais
également dans les locaux étranges et merveilleux de l'ancienne
papeterie avenue de Romans (voir les quelques photos de ces derniers
jours).
Ils ont dit que j’avais tort. Ils ont dit, non, non, l’amour n’est pas
une drogue. Ils ont dit que je confondais tout un tas de choses et que
l’amour, pas du tout, vous entendez monsieur, non, l’amour n’est pas du
tout nocif, n’a rien à voir avec une substance toxique, ça ne s’avale
pas, ça ne s’injecte pas l’amour, ça ne trouble pas la couleur du sang.
L’amour c’est doux et chaud et rassurant, ils ont prétendu. Et apaisant,
ils ont ajouté. Tu parles ! comme s’il s’agissait d’une tisane à calmer
mes éruptions de terreur. Je veux pas qu’elle me quitte ! Je leur ai répliqué qu’ils ne savaient pas de quoi ils
parlaient, qu’ils n’avaient probablement jamais aimé réellement qui que
ce soit. Que les sentiments rendent dépendant. DE-PEN-DANT, j’ai
articulé. Et ils ont ricané alors j’ai insisté. Les sentiments rendent
dépendant de la personne qu’on a là-dedans, j’ai dit en cognant sur mon
cœur enflé et sanguinolent. Putain ! Si elle me quitte, je crève…
Si elle me quitte, je mets le feu à la ville, j’éventre le soleil, je
réveille tous les volcans. Faut qu’elle reste là, tout près de moi, faut
surtout pas qu’elle s’en aille ! J’ai tout fermé à clef, des barres de
fer sur les volets…
Ils ont dit que je devais contrôler mes sentiments, qu’on n’emprisonne
pas les gens, personne n’appartient à personne. Ils ont dit séquestrer
n’est pas une bonne manière d’aimer. Une bonne manière ? Il y a
plusieurs manières d’aimer ? Comment on contrôle les sentiments, j’ai
gueulé, EXPLIQUEZ-MOI COMMENT ON CONTRÔLE LES SENTIMENTS BORDEL ! Ils
ont serré fort, ils ont dit que je devais me calmer. Ils ont serré
vraiment très fort parce qu’il y avait tout mon corps qui tremblait à
cause des sentiments que je n’arrivais pas à contrôler. Je voulais
qu’ils m’apprennent et je continuais de gueuler EXPLIQUEZ-MOI COMMENT ON
CONTRÔLE LES SENTIMENTS. J’ai continué comme ça jusqu’à ce qu’ils me
fassent la piqûre, ensuite tout s’est éteint dans mes yeux et dans ma
tête et dans ma voix. Mon corps était parfaitement sage. Mais dans mon
cœur brûlait toujours ce feu sauvage et destructeur…
[Pour FPDV
n°16 "Addiction"]
Le roulis
les odeurs
la chaleur
nos corps projetés à grande vitesse
dans les boyaux de la ville
et ces deux types contre mon ventre
contre ma hanche
qui parlent de géopolitique
de géo
de politique
avec leur visage blême
leur haleine mentholée
qui parlent
de crise économique et
de révolte
qui parlent
dans un langage opaque
de comptes qui devraient être
transparents
ils soupirent puis
le plus âgé croise mon regard
il me sourit
séducteur
mais j’ai peu d’appétit
pour la viande emballée
dans un costard rayé
[Extrait du triptyque paru dans L'Autobus
de Fabrice Marzuolo]
La lumière est une bête sauvage qui ne se caresse pas
[La papeterie avant
EXPO, Valence Juin
2011, Photos Marlène T.]
Tout n'est
qu'affaire de lumière en fin de compte, la laisser entrer et sortir à sa
guise, ne surtout pas chercher à l'emprisonner, ne jamais s'imaginer
l'avoir apprivoisée...
On se croise
juste là
sur le seuil du bistrot du coin de la rue
porte vitrée pleine de traces de doigts
d’un côté les néons blafards
de l’autre le bleu délavé d’un ciel hésitant
tu sors griller une clope
j’entre noyer ma nuit blanche
dans une minuscule tasse de café noir
on se sourit
on se frôle
on hésite un instant à se dire bonjour
ou n’importe quoi d’autre
parce que c’est un dimanche matin
infusé de solitude
parce que ces quelques mots
pourraient être le début d’une histoire
mais le silence persiste
et peut-être bien que les sourires
ne sont qu’un voile de politesse
masquant l’indifférence qui se dépose
comme une poussière
lentement
sur nos sentiments
peut-être bien que nos cœurs deviennent
imperceptiblement gris et poudrés
et hermétiques
à la musique
des autres coeurs
Ca bouge chez DIYZines ! Des tas de nouveautés dont
quelques miennes, notamment le tout frais, qui sent pas mauvais
des pieds, "Read
my lips FEET"
avec pas moins de 75 photos ! Mais également le "Petits
poèmes pour petites faims", les "Petites histoires à
usage unique" et le "London Trip Diary"
Je suis rentrée au petit matin. Tu étais
accoudé au-dessus d’un bol de café. Trop tôt pour ça. Le ciel
n’avait pas encore remballé toutes ses étoiles. Tu n’as rien dit
quand j’ai retiré ma veste dans la pénombre et le silence. J’ai
juste senti ton regard, comme une balle dans mon front.
Enfiler tous les peut-être
sur le fil du doute
s’en faire des colliers
de perles rondes
d’indécisions
d’hésitations
avancer en écoutant
tinter les bijoux
quand d’autres marchent
au pas cadencé
d’une armée de certitudes
Je suis un mur contre lequel tu te cognes, à
pilonner la pierre pour dénicher la faille. Ma peau rêche comme
un crépi à déchirer tes lèvres. Je suis un mur sans porte ni
verrou. Tes coups de griffes, de poings, de tête n’y changeront
rien. Je suis un mur, sans passage secret, sans aucune brèche
assez large pour libérer les monstres.
J’ai ravalé tellement de rage
qu’un volcan à poussé dans mon ventre
et parfois je me fais croire
que tout est mort
sagement éteint à l’intérieur
mais quand la gorge me brûle
quand les mots crépitent
sous la paroi des lèvres closes
je sens que l’éruption fera
un de ces jours
d’irréparables dégâts
Samedi. À l’ouest de l’évier, un rayon de soleil sèche doucement le cul
d’un bol blanc, ébréché depuis des années. Il est onze heures. Elle sait
deviner l’heure sans regarder les aiguilles sur l’horloge. Juste en
observant l’inclinaison du soleil. Quand il pleut, c’est plus compliqué.
Quand il pleut, elle perd un temps fou à chercher son grand parapluie.
Parce qu’elle ne le range jamais deux fois au même endroit. Pourtant,
c’est plutôt étriqué chez elle. Elle a parfois l’impression que les murs
se resserrent autour de sa vie. Une sensation d’étouffement. Alors elle
sort.
Elle sort et avance au hasard des rues, croise des boutiques et des
sourires et des chiens qui pissent sur les lampadaires pendant que leur
maître attend au bout d’une laisse. Elle croise des petits vieux et des
enfants et un facteur sur un vélo. Elle flaire l’odeur des croissants et
du poisson et des gaz d’échappement. Elle sent des grains de riz rouler
sous ses pieds en passant devant l’église. Vestiges d’un mariage. Elle
n’a jamais voulu se marier. Ne supporte pas les menottes, même
lorsqu’elles ont l’allure d’une bague au doigt.
Les grains de riz, c’est tout ce qu’il reste d’un mariage quelques
années après que l’homme et la femme aient paradé en beaux habits devant
le maire, le curé, la famille, les amis. Après qu’ils aient fait des
promesses impossibles à tenir. Après que les défauts de l’autre aient
perdu leur charme. Il ne reste plus que des grains de riz minuscules et
des défauts gigantesques. Voilà ce qu’elle se dit.
Non merci, le mariage c’est pas pour elle ! Au diable les compromis
grinçants, les quotidiens routiniers, les petits matins blasés, les
week-ends fatigués. Elle préfère l’amour pur et violent et lumineux,
même s’il crame comme une allumette. Et elle en a brûlé des allumettes.
Des tas de petits feux qui réchauffent pas vraiment. À peine le bout des
doigts et puis le froid revient et le vide et l’absence. Les yaourts
dans le frigo, la demi-baguette, le bol ébréché, le creux dans le
canapé, la brosse à dents sur le bord du lavabo. Des petites preuves
mesquines.
Les murs se resserrent autour de sa vie. Elle est seule. De plus en plus
souvent. Alors elle sort écraser des grains de riz en se disant qu’elle
en a de la chance. Et ça ricane dans le dos de ses pensées.
Le jour a du mal à se lever. A peine une lueur tout au fond, tout en
bas, sur les reins de la ville. Le soleil se planque, les toits font le
dos gris. La vitre est salle. Des chiures de mouches, des traces de
pluie et de la poussière collé.
Y a t’il vraiment de bons jours et de mauvais jours
ou bien les jours sont-ils une matière molle
à malaxer avec les poings de nos humeurs ?
J’hésite entre rester là, à contempler la ville au travers de la fenêtre
crasseuse, ou sortir affronter le ciel, le vent, les gens. Je pourrais
aller boire un café quelque part, rentrer dans un ciné, m’acheter un
chemisier. J’ai des collègues au boulot qui prétendent soigner leurs
déprimes en faisant du shopping. Le shopping me fait chier. Les
collègues aussi. Je vais aller m’acheter un chemisier. Comme ceux que
portait maman. Un truc de vieille. Je suis vieille, bientôt.
Je me souviens hier soir
quand ta main s’est mise à tirer
mes cheveux
doucement
fermement
juste au dessus de la nuque
j’avais les yeux dans les étoiles
pendant que tu mordais mon cou
La vendeuse me colle au train. J’ai du mal à savoir si c’est parce
qu’elle espère me refourguer un maximum de camelote made in Taiwan ou
parce qu’elle se méfie, me trouve un air louche, une allure de
chapardeuse. Je voudrais bien avoir les couilles de lui suggérer de
prendre le large. Mais je suis une lâche, une faible, une trouillarde.
Tout le monde le dit. Tout le monde le flaire. Quelque chose a été
oublié dans la recette à me fabriquer. Une pincée de puissance. Un zeste
de pouvoir.
Le pouvoir de séduction
le pouvoir d’achat
le pouvoir de suggestion
le pouvoir exécutif
le pouvoir de négociation
le pouvoir...
Putain, comme s’il n’y avait que ça dans la vie !
Dans la cabine d’essayage, sous l’éclairage au néon, avec le rideau gris
beige en toile de fond, je trouve mon reflet particulièrement
disgracieux. Étrangement, ça ne me contrarie pas plus que ça. Il me
suffit de penser à toi, à ta manière de me regarder, de boire mes
lèvres, d’explorer mon corps.
Vieillir
sans chercher à cacher
la décrépitude
les seins
le ventre
les plis du cou
Vieillir ouvertement
comme un acte subversif
une entaille dans la peau tendue
de notre étrange époque
Quand on se retrouvera ce soir, je porterai mon nouveau chemisier. Tu
glisseras tes mains en dessous et, une fois de plus, naîtra en moi cette
envie trouble de t’avouer que ce n’est pas toi que j’aime mais la
manière dont tu me désires. La manière dont tu réunifies en un regard,
en une caresse, tous les morceaux de moi éparpillés.
Par précaution sans doute
ou bien pour conserver
une certaine tranquillité
je pratique régulièrement
la taxidermie des sentiments
partant du principe
qu’un bon sentiment
est un sentiment mort
surtout les grands
les forts
ceux qu’il faut étrangler
avec vigueur
les mains serrées
autour du cœur
avant qu’ils prennent leurs aises
Alors je serre
je serre
je serre
jusqu'à ce que plus rien ne vibre
jusqu’au silence froid
du tic-tac ordinaire
puis j’éviscère le sentiment
le vide complètement
de sa chair
de son sens
de ses émotions
Je ne conserve que sa peau
enveloppe tannée
à empailler de souvenirs séchés
pour redonner une apparence
presque naturelle
à mon trophée
aux yeux de verre
[Paru chez
Vents Contraires]
Les petites choses qui se glissent sous la
peau des jours, celles qui démangent la pensée puis qu’on
oublie, celles qui bourdonnent des histoires dans notre sommeil
et qu’on chasse au matin d’un revers de main, qu’on noie dans le
café, le boulot, la liste de courses, la mousse à raser, le
rimmel, les idées noires, les tartines de pâté.
Les petites choses qui battent des ailes à l’intérieur de nous,
qui cherchent la lumière, qui cherchent une issue, qui
s’affolent dans notre corps-prison. On les sent là, qui rampent
et volent et tissent leur toile dans les recoins.
On s’inquiète pas plus que ça. On se dit qu’elles finiront bien
par crever. On suppose qu’on leur survivra, qu’il suffira d’un
coup de talon pour les écraser ces petites choses de rien du
tout. On les enfume, on les balaye, on les jette avec l’eau des
larmes. Parfois, on croit s’en être débarrassé pour de bon. Et
puis un jour ou l’autre, ça se remet à démanger...
Nuages virtuels (à emporter)
[Galerie Le
Shunt, Londres 2010, Photo Marlene T.]
Célia n'arrête pas de m'écrire. Dans son dernier message, elle me
prévient : Ceci n'est pas une plaisanterie ! J'ai des choses très
importantes à vous révéler. Elle m’en conjure, je dois absolument
l'appeler. Elle me laisse son numéro de téléphone. Celui
qu’habituellement elle ne donne à personne. Appelez-moi, et je vous
révélerai tout. TOUT !
Je sens bien qu’elle s’échauffe Célia. Qu’elle n’en peut plus. L'autre
jour, elle disait qu'elle avait rêvé de moi. Qu'elle avait vu des
choses, que notre connexion astrale était incroyablement intense. Que
cela ne pouvait pas m’avoir échappé. N’est-ce pas ?
Et puis, elle a tiré trois cartes de tarot. Elle ne pouvait plus
résister ! Et dans son nouveau message, elle glisse un morceau de mon
avenir. Un avenir superbe, propre sur lui, avec une chemise blanche et
bien repassée, un avenir souriant et avenant comme un représentant de
France Loisirs. Mais elle précise tout de même qu’une ombre noire plane
sur ma vie. Que je dois faire attention ! Qu’il faudrait que nous
puissions en parler toute les deux, que dans les vibrations de ma voix,
elle saurait en lire davantage.
Célia m'écrit de plus en plus souvent. Je sens son impatience fiévreuse.
Ses ongles griffant les touches du clavier. Ce matin j’ai pensé à vous.
Je sais exactement ce qui gâche votre vie. Quelque chose perturbe votre
quotidien, n’est-ce pas ? lance-t-elle comme un ultime hameçon.
Appelez-moi. Je peux vous aider. Appelez vite, avant qu’il ne soit trop
tard !
Il y a quelque chose de presque menaçant sous l'urgence des mots. Un
soupçon d’agacement parfois, tandis que ses courriers s’amoncellent sous
mon tapis de souris, débordent ma corbeille. Et je me demande si elle
finira jamais par se fatiguer de mon silence. Si elle saura lire dans le
marc de son café matinal à quel point l'avenir m'indiffère...
On ne se connaît pas vraiment
une vague idée des contours seulement
et pourtant tu me déchiffres
presque mieux que si
on s’était raconté les détails
Comme si les silences
et la distance
dessinaient mon portrait en braille
sous la mine de ton crayon
Les billets de train
les pleins d'essence
l’aéroport
le carbone
et les trous dans la couche d'ozone
tout ça, c'est pas pour eux
eux, ils vont partout
sans bouger
et ils croient parfois
avoir enfin trouvé le Pérou
après des kilomètres
à tourner en rond
autour de leur nombril
Dire oui à la dame
Dire oui au monsieur
Régler son pas sur le pas de
Ne pas contrarier papa ni maman
Tendre l’autre joue
Éradiquer les mauvaises herbes
Aimer dans le droit chemin
Baisser le son
Respecter la tranquillité des voisins
Glisser le bulletin dans l’urne
Ne pas espérer trop fort
Fermer les yeux
Bouffer les rêves par la racine
[Affiché sur les panneaux "Vous
dites" de JF le Scour]
"It's
not what you look at that matters,
it's what you see."
[H.D.
Thoreau]
Il se demande à quoi rêvent les chiens qui dorment devant les
portes. Il se demande à quoi pensent les chiens qui reniflent le cul des
autres chiens. Il se demande si en faisant un effort de concentration
intense il pourrait devenir un chien, docile et con, ne plus réfléchir à
demain, ni au lendemain de demain. Ne plus rien voir des choses obscènes
et gigantesques écartelant le ventre fragile du monde. Il voudrait que
plus rien ne coule, ni sang ni larmes, à peine quelques giclées de pisse
pour délimiter le territoire. Et une petite pluie de vie, quelques
flaques à lapper quand il fait soif.
Peindre
la nuit
en blanc
écrire les cauchemars
à l'encre sympathique
"Il
restait quelques minutes avant l'aube. Les oiseaux s'énervaient. Ils
souffraient du trac qui précède le lever de rideau."
[Eureka Street,
Robert McLiam Wilson]
Il fait nuit sur la terrasse, quelques étoiles, les lampadaires, le
bruit de la ville au loin. La pierre chaude sous mes pieds. Je ne bouge
pas. J’essaye juste de rester debout, aussi immobile que possible,
histoire de voir si je résiste. Parfois je cherche à me prouver que je
peux tenir bien droite sur mes deux jambes malgré la tempête qui me
bouscule à l’intérieur.
Parfois j’y arrive.
Je n’ai pas ouvert la bouteille.
Ce soir je n’ai bu que de l’eau. Beaucoup d’eau. Et quand je me balance
d’un pied sur l’autre, en regardant la lune, mon ventre fait le bruit de
la mer. Un léger clapotis. Mes pensées culbutées par les vagues. Le
sable qui picote au bord des yeux.
Je récupère un de tes mégots dans le cendrier et je l’allume. Il reste
un bon centimètre de tabac et un peu de toi accroché au bout du filtre.
J’ai envie de cette petite douleur. Celle de la fumée pénétrant ma gorge
presque vierge. Je fais des trucs comme ça, parfois. Et je ne sais pas
si ça veut dire des choses ou si c’est juste une manière de passer le
bras à travers les barreaux d’une prison que je me dessine…
Pianoter
Tes doigts qui pianotent leur musique sur ma
peau et les étoiles qui nous balancent leur petite poudre
aux yeux
On trempe nos doigts dans le jus des jours mal essorés, des jours
morveux, des jours qui chialent pour un rien. On les torche et on passe
au suivant en traînant vaguement les pieds. On cherche un passage secret
entre les pages du calendrier, un raccourci, une oasis, un peu de répit.
On construit des chemins, grain de sable après grain de sable. Parfois
on se décourage. Parfois on aperçoit le paysage qui se dessine au loin,
parfois il ressemble à la lumière douce qui s’échappe de nos rêves.
Alors on continue. On se dit que c’est ce qu’il y a de mieux à faire,
tant qu’il reste des jours à moucher et des grains de sable à semer.
Dans le cadre des Vases
Communicants, Mon Nuage
accueille aujourd'hui des textes de Morgan Riet qui héberge en retour mon
poème dédié à P.J.
Méthode Coué
*
Au melon,
à ta pastèque
limite
montgolfière,
stop !
lâche du lest
d’humilité,
tu sentiras mieux la
cime
de l’herbe sous
ton pied ;
troque
ta scie égotique
contre un peu de soie,
tu te couperas moins
des signes
chaleureux ça
et là :
sottes,
ta soupe au lait
soupçonneuse
et tes sautes d’humeur
par-dessus tant
d’écueils
imaginaires,
stop !
- et puis non.
*
Seconde tentative
Ne plus se curer le
nez plongé dans « l’ombilic des limbes », ne plus boire comme un trou
normand à l’enterrement d’une année qui commence, ne plus chaud lapiner
dans le clapier des boîtes, ne plus éjaculer des propos obscènes à la
face des filles aux robes et caractères courts, ne plus être infidèle à
son ombre, ne plus cracher dans la soupe tout en ayant le toupet de
réclamer du rabiot, ne plus dérailler sur la ligne littéraire avec des
quatrains Jouef, ne plus morver langue envieuse sur de jeunes loups
plumitifs aux hurlements de chiures de mouches sur la page, ne plus
froisser personne, ne plus enrager un chien de sa chienne, ne plus
pigner, ne plus pleurer sa mère à chaque marée dérisoire d’infortune, ne
plus être piètre, pleutre, huître sans perle, ne plus…
- et puis non.
De temps en temps
[Valence, Photo Marlene T.]
Le 65e numéro du Microbe arrive
Au sommaire :
Collages de Martine Zimmer
Textes de
Ed Anon
Ludovic Arfi
Michel Bourçon
Nicolas Brulebois
Éric Dejaeger
Jean
Murièle Modély
Roger Lahu
Denis Martin
Jany Pineau
Guillaume Siaudeau
Marlene Tissot
Yvette Vasseur
Philippe Vidal
Lila Widmer
Les abonnés le recevront dans quelques jours.
Les abonnés « + » recevront également le MANIFESTE POUR LE DROIT
À LA NUDITÉ ET À LA SEXUALITÉ DANS L’ESPACE PUBLIC, mi(ni)crobe
29 signé Théophile de Giraud. Les autres ne recevront rien.
C’est pour avoir la mer à l’intérieur
c’est pour sentir la caresse des vagues
et la danse des tempêtes
chavirer ses peurs
faire tanguer ses remords
c’est pour que les embruns irisés
réhydratent ses rêves et ses espoirs
c’est pour avoir la mer à l’intérieur de lui
qu’il boit terriblement
elle persiste, la toute puissance d’une mère. Longtemps après qu’on ait
grandi. Longtemps après qu’on pense avoir tourné la page. Comme si l’on
conservait éternellement, tatouée sur la peau et sur l’âme, l'odeur
de ses entrailles.
Elle voudrait être plus docile
plus souple
savoir se glisser dans le moule
rentrer dans le gabarit de la vie
que ses rêves ne débordent plus
comme l’eau moussue
des baignoires oubliées
que son cul soit plus petit
que ses mots soient plus petits
eux aussi
laver sa langue au savon
parler lisse, sourire blanc
devenir gracieuse
rentrer ses griffes
aimer les gens
sans condition
ou bien apprendre
à faire semblant
Vous dites ?
Petite participation au chouette projet de JF Le Scour
[c'est le site internet de "vous dites",sortie
hebdomadaire des 10 panneaux et de ma caméra à la recherche des gens et
de ce qu'ils ont à dire sur l'époque entre les cantonales et les
présidentielles... jf le scour,
le 12 avril 2011]
Chaque jour elle guette par sa fenêtre
l’homme de midi sept. Il sort du building et regarde sa montre
puis le ciel. Ensuite il remonte l’avenue. Elle l’observe aussi
longtemps que possible, jusqu’à ce qu’il disparaisse de son
champ de vision. Et elle se demande s’il s’en va s’asseoir
toujours au même endroit pour commander toujours le même plat ou
s’il s’accorde parfois, entre midi sept et midi quarante-sept,
une petite parenthèse de fantaisie.
On apprend à se passer de certaines choses.
La chaleur de ton regard. Ton regard qui se posait là, partout
sur moi. Certes, il reste ta présence, le son de ta voix. Et
pourtant, même si tu n’es pas parti, même si tu ne partiras
probablement pas,
ton corps étendu à côté du mien dans le lit a des allures de
coquille vide. Comme si ta chair et ton souffle et ton coeur
avaient déserté pour de bon ce nous lentement détricoté.
« Comme je regrette d’avoir tant pleuré !
s’exclama-t-elle, tout en nageant pour essayer de se tirer de
là. Je suppose que, en punition, je vais me noyer dans mes
propres larmes ! C’est ça qui sera bizarre, pour ça oui ! Il est
vrai que tout est bizarre aujourd’hui »
Alice que pays des merveilles – Lewis Carroll
Tu vois c’est un peu comme l’histoire d’Alice. Me mettre à rêver, comme ça, en plein jour. Un doigt du soleil posé sur ma joue à
travers la fenêtre. Et puis glisser dans le tunnel. Gigantesque.
Tomber, se relever, recommencer. Mange-moi. Bois-moi. Perdre
pied. Foncer tête baisser. Courir après des putains de chimères
en forme de lapin blanc. Dépêche-toi. Plus vite. Non, tout va
trop vite, je le sais bien. Le temps siffle sa rage à mes
oreilles. J’ai le cœur qui s’affole. Mais je ne sais plus freiner,
ne peux pas m’arrêter, pas maintenant. Trop tard, trop loin. Il
y a la jouissance promise, là, au bout de tes doigts. Un
tour de magie. Quelque chose d’ensorcelant. Les mots que tu
murmures. Comme si j’étais soudain devenue quelqu’un.
Et bordel, il aurait suffi de remettre en place les idées dans
leur boîte crânienne pour comprendre que tout ça ne tenait pas
la route. Qu’un truc clochait. Tremper la langue du chapelier
fou dans ma tasse de thé. Non mais quelle idée ! Quelle
extravagance !
Aller, reviens, quoi ! Nous jouerons à chat. Je serai la souris.
Tu planteras tes griffes dans ma chair, juste un peu. Au début,
ça t’amusera. Jusqu’à ce que je cesse de gigoter. Jusqu’à ce que
je te laisse me croquer, soumise, à tes pieds. Mais tu ne me
croqueras pas, non, ce ne serait pas drôle. Tu t’en retourneras
chasser ailleurs. Les caves sont pleines de souris. Mange-moi. Bois moi. Le goût de
toi est toujours infusé dans mon thé. Avec un peu de cyanure,
s'il vous plaît.
Silhouette
[Photo Marlène T.]
Il y a des jours ou la vie ressemble
à une silhouette en
train de s'enfuir
Il a encore les yeux ouverts et pourtant
ce doit être le milieu de la nuit
Aux environs de...
Il ne sait pas trop
Se dit que la nuit n’a probablement pas de milieu
Un début, une fin, peut-être, et encore
Les choses ne sont pas si simples
Ce n’est pas qu’une question de ciel noir
et de paupières closes, non
Il voudrait bien dormir
mais le sommeil le repousse
comme une maîtresse boudeuse
Il inspire, expire, tente de rester calme
ne pas rouler rageusement entre les draps
ralentir le rythme de ses pensées
Il lutte contre l’envie de se lever
se lève quand même
carrelage froid sous ses pieds
frissons
soif
Une gorgé de lait cueillie au bec de la brique
Il allume une clope
Ouvre la fenêtre
Se penche pour cracher la fumée dehors
La rue est orangée et silencieuse
Pas un chat
Juste une vieille dame en chemise de nuit à fleurs
qui avance doucement en regardant à droite, à gauche
cherche un animal fugueur
ou un peu de sommeil, qui sait ?
Il tire sur sa clope tranquillement
Il regarde le ciel, la rue, la vieille dame
en écoutant le bruit de ses pantoufles sur le bitume
en se demandant si seuls ceux qui ne cherchent plus rien
trouvent un peu de paix quelque part
au milieu de la nuit
Tu lui dis de pas te faire chier avec ça.
L’amour, bordel, c’est rien qu’une petite routine
supplémentaire. Des tâches à la chaîne, comme à l’usine. Et t’as
déjà ta dose avec les 3 x 8 pour gagner de quoi payer les
factures. Alors putain, tu lui répètes une dernière fois de pas
te faire chier avec les sentiments !
Ses jambes
interminables
(ton regard)
ses mains
ses seins
(ton regard)
ses jambes
interminables
les miennes
que je croise
serrées
fort je ne me demande même pas
pourquoi c’est elle que tu regardes
et pas moi
ça me semble
tellement
évident ses jambes
interminables
les miennes
croisées
à me replier
tout autour de moi
froisser la peau
la chair
plier encore
devenir de plus en plus
petite
insignifiante
jusqu’à disparaître
complètement
Two for the road
Petite participation de mon pamplemousse à un beau projet
!
On peut pas dire qu’il se passe quoi que ce soit de particulier, non.
C’est peut-être juste la lumière qui prend une de ces couleurs
impossibles à décrire, quand tout devient ambré et séduisant. Quand la
musique résonne dans ta tête, dans ton ventre, dans le ciel. Peu importe
d’où elle jaillit, tu la bois, tu la laisses envelopper l’instant,
infuser son rythme à tes pas. Et même la rue se met à onduler comme une
rivière rieuse. Les gens sont magnifiques. Ils te sourient. Tu arrives
presque à lire des choses dans l’irisé de leur regard. Des fragments de
leur âme peut-être. La vie prend une saveur intense dans ces moments-là.
Tu sais que ça va pas durer. Ça dure rarement longtemps. Alors tu
continues d’avancer, en essayant de pas trébucher, en écoutant le soleil
dessiner sur ta peau un costume de héros.
Elle aime les regards tristes et les sourires fragiles. Les épaules qui
s’enroulent autour du cœur. Les mains qui tremblent quand la timidité
tatoue ses fleurs sur la peau. Elle aime les gens comme ça, en se
demandant si aimer les gens qui nous ressemblent ce ne serait pas une
manière de s’aimer un peu soi-même sans oser se l’avouer...
Charogne #2 est disponible, pleine d'insectes,
de chair et de poils. Au sommaire de ce second opus :
Jacques Ancet
Bénédicte Balza
Julien Blaine
Antoine Brea
Christophe Esnault
Lauranne
Patrice Maltaverne
Charles Pennequin
Pascal Pratz
Guillaume Siaudeau
Marlène Tissot
Gaston Vieujeux
Thomas Vinau
Vincent
Illustrations : Magali Planès
Going nowhere
Viens, rejoins-moi dans le nulle part, glisse-toi avec moi sous les
plumes tièdes de l'ordinaire, tu verras, on sera bien, ici c'est un
endroit où il ne se passe rien, où absolument aucune surprise ne fera
imploser ta petite paix grise...
On a toujours eu assez d’imagination, tu
sais. On a toujours été assez malins pour se figurer des raisons
de se plaindre. Parfois il suffit juste de couler les couleurs
du monde dans le goudron de nos humeurs. C’est pas nouveau, tu
sais. On a toujours eu assez de pluie dans le ventre pour
éteindre les sourires, pour noyer les flammes qui tiennent chaud
aux rêves...
C’est le girl power, elle dit, en
essuyant sa morve d’un revers de main. C’est le girl power,
bordel ! Et elle remonte ses chaussettes, elle se gratte le bas
du ventre comme s’il venait d’y pousser une paire de couilles.
Lui, il la regarde, il ne dit rien mais il devine, sous la
pénombre des sourcils froncés, tout la douceur qu’elle tente de
planquer...
C'est le
premier vendredi d'avril et les poissons nacrés fleurissent dans les
vases communicants ! Ce mois-ci, Murièle
Modély dépose sa poésie sur Mon Nuage et accueille mes
poussières à la frange de son
Oeil. Pour en savoir plus, suffit
de cliquer sur les liens en gras. Et les mots de Murièle sont juste là :
Vacillement
mon lent vacillement
sur des talons hauts
me trouble le visage
la moiteur d'été coule
roule entre mes deux seins
je suis fébrile et sage
sous la gorge la rage
gronde avale le monde
je baise à pleine bouche
flamboyant
fluide rouge désir
en pluie fine ma peau