Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A
cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi.
Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et
capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais
sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur
fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des
sujets un peu moins osés.
Il me dit de cesser
de mentir
comme ça
sans arrêt
mais je ne mens pas
j'invente juste des histoires
parce que les choses vraies
sont difficiles à raconter
à cause des émotions
qu’on ne peut détacher
de la peau du cœur
sans tout arracher
Dimanche 29 septembre 2013
L'humeur du dimanche : Mon nom est personne
Samedi 28 septembre 2013
Le
privilège de la camisole
Il me dit que je dois considérer la vie
comme un privilège
et non comme un droit
il a ses yeux dans mes yeux
quelque chose de lumineux
et sa bouche a l’air d’avoir déjà gouté
tellement souvent
la saveur de la vérité
il sait
il sait
il sait tout
et moi je n’y comprends rien
je suis trop conne
j’avale une gorgée
épicée de quelques degrés
m’étrangle
tousse
les mots en travers du gosier
la vie pour moi
c’est une putain de camisole de peau
le privilège de la camisole
il peut comprendre ça, ce type ?
Il me dit que considérer la vie
comme un privilège
et non comme un droit
est le meilleur moyen de trouver
le chemin du bonheur
il suppose évidemment
que la course au bonheur est
un sport universellement pratiqué
une activité nécessaire à la santé
mais moi, j’ai la forme
et je ne cherche rien
si ce n’est peut-être comprendre
ce que je fous là
mais d’une certaine manière, je le sais
je suis le résultat malencontreux
de la rencontre d’un spermatozoïde
avec un ovule
un soir d’été
par accident
il parait que le ciel était orageux
mais maman n’en est pas sûre
à cent pour cent
c’est loin tout ça
à l’époque elle n’avait que 17 ans
Jeudi 26 septembre 2013
Et
puis je ne vois même pas les nuages
J’aime pas quand il pleut la nuit
c’est grossier comme une chaude
pisse d’étoiles filantes
nettoyée du ciel
d’un coup de chasse d’eau
Par la fenêtre de chez Julie
[Tout m'a semblé beau à Lille, Photo Marlene T.]
Mercredi 25 septembre 2013
Forget me not
Elle a
fait tatouer
le nom de son amoureux
sur le haut de son bras
Elle murmure, voilà
maintenant c'est officiel
je t'ai dans la peau
Mais peut-être bien
que tout ça c'est juste
comme faire un noeud
au mouchoir de son coeur
Fred Le Chevalier
[Paris 2012, Photo Marlene T.]
Mardi 24 septembre 2013
Carrefour (de regard) dangereux
Parfois
croiser le regard des gens
fait dans ma tête comme
un bruit d'accident
et je me sens coincée là
blessée, incarcérée
dans un tas de tôle froissée
Lundi 23 septembre 2013
Fais-le
toi-même
Eh oui, ce week-end
à Lille, il y avait l'excellent salon FLTM
où j'ai emmené mes petits fanzines en voyage ! Il y avait de nouveaux
titres spécialement (ou presque) préparés pour l'occasion. Je les
présenterai bientôt plus en détail sur la page d'At
Home Editions et sur la plateforme
DIYZines.
Pour faire court, ce fût un week-end beau et plein comme la lune (clin
d'oeil au monumental travail d'Albert
Foolmoon, créateur et organisateur du salon, mais aussi artiste
talentueux), et riche en belles rencontres (sans parler du concert au
CCL, de la friterie Sensass ou de la bière, vachement bonne quand même).
Jeudi 19 septembre 2013
Doll
L’impression que les
objets ne m’appartiennent pas, je ne les possède pas, ce sont eux qui me
possèdent, qui me retiennent là dans leurs bras invisibles, qui me
soudent au décor. Je suis inanimée. Rien de plus qu'une poupée
articulée.
[Extrait de La femme invisible, en cours]
Mercredi 18 septembre 2013
Arachnophilie
[Valence septembre 2013, photo Marlene T.]
Lundi 16 septembre 2013
Revue L'ampoule n°9
Le dernier numéro la revue est disponible,
avec au sommaire 14 textes et 15 illustrations sur le thème "Voyage
& Exotisme".
Au sommaire de ces 81 pages, on trouvera des nouvelles
hétéroclites se déroulant sur tous les continents, le chapitre 5
du feuilleton illustré Les Collines de Hurlefou, un cadavre
exquis explosif et des illustrations variées (peinture, gravure,
dessin, photographie).
A télécharger au format pdf ou à lire via
Calméo
Extrait de la nouvelle "Le bus jaune"
Ce soir-là, un bus jaune a débarqué dans le couchant
rouge et pourpre. Toutes ces couleurs d’un seul coup après des années de
gris et de noir dans ma vie, ça ne pouvait signifier qu’une chose : Mon
jour de chance était enfin arrivé!
Je souriais intérieurement pendant que le type à la queue-de-cheval
remplissait son réservoir. Sûr qu’ils n’avaient pas des gueules de
touristes les passagers de ce drôle d’engin ! Mais j’ai décidé que ce
n’était pas par hasard qu’ils croisaient mon destin.
Je suis retournée dans la boutique. Quand il a eu fini son plein, le
chauffeur m’y a rejoint, escorté d’un beau gosse en veste beige et d’un
grand type aux yeux clairs. Derrière eux, une petite boulotte trottinait
pour les rattraper.
J’attendais docilement près de la caisse. Commerçante, souriante, tout
en sobriété.
— On va vous prendre aussi quelques sandwichs, la miss !
J’ai hoché la tête. Le beau gosse m’a lancé un regard-sourire. Ça
faisait des siècles que je n’en avais pas vu de pareil. L’autre, le
grand type, j’ai tout de suite deviné que c’était pas sa bite ni son
couteau qu’il cachait dans sa poche ! Alors je me suis surprise à rêver
de braquage, de danger, d’aventure, d’un canon collé sur ma tempe, et
d’un baiser brûlant. Bref, d’un truc bouleverse ma vie. Qui me tire
enfin de ce trou à rats. [La
suite, dans L'Ampoule]
Dimanche 15 septembre 2013
L'humeur du dimanche : Life
Life is not a problem to be solved,
but a reality to be experienced.
[Søren Kierkegaard]
Samedi 14 septembre 2013
Feel
— Il se passe quelque chose.
— Je ne vois rien.
— Alors écoute.
— Je n’entends rien.
— Alors sens !
— Je ne me rappelle plus comment il faut faire...
Une
pluie de couleurs
[Londres 2011, Photo Marlene T.]
Vendredi 13 septembre 2013
Avancer comme le jour
La journée avançait
et moi aussi. Puis je me suis assise un moment sur un banc pour regarder
passer les gens en grappes. Les gosses suçaient des glaces. J’ai pensé à
mes fils avec ce drôle de pincement au coeur. Est-ce que je leur
manquais ? Probablement pas. J’avais laissé un repas cellophané au
frigo. Pour le reste, une télécommande et un écran suffisait à leur
bonheur. J’ai regardé mon téléphone. Rien. M’étais-je réellement
imaginée indispensable, sinon par ma présence, du moins par tous ces
gestes censés assurer le confort de chacun ? Jeremy ne tarderait pas de
rentrer. Il appellerait certainement. J’ai ramassé un caillou. Encore
une sale manie. Partout où je m’arrête, je ramasse un caillou. Je ne les
sème pas, je les cueille. Comme un chemin déconstruit, des traces qu’on
efface. Jeremy ne supporte pas quand je fais ça. Je me penche, je
ramasse et je fourre la pierre dans ma poche. Ça l’agace. Il soupire.
J’en ai une pleine boite à la maison. Ça n’a aucun sens. Mais je ne peux
pas m’en empêcher.
Mon téléphone continuait de se taire et je passais beaucoup trop de
temps à l’interroger du regard. Il s’est contenté de m’annoncer,
placide, que sa batterie était faible. Je me suis remise à avancer. Le
jour aussi.
[Extrait de La femme invisible, en cours]
Mercredi 11 septembre 2013
Un
grand vide
Une
fois par mois, il y a la collecte des encombrants. Tout le monde sort
sur le trottoir les vieilleries volumineuses dont il ne sait que faire.
J’ai toujours rêvé de me débarrasser de ce vide qui prend toute la
place, me dévore de l’intérieur. Mais si je le déposais là, personne ne
le verrait, ne le ramasserait, ne le foutrait à la décharge. Et le vide
reviendrait au galop réintégrer son sac de peau. [Extrait
de La femme invisible, en cours]
Mardi 10 septembre 2013
J'aimais le vin
Je me suis assise à
la terrasse d’un café, au milieu d’autres gens, comme si tout était
absolument normal. Jouant à être une personne comme les autres. Le
serveur est venu me demander ce que je voulais boire et je n’en savais
rien. Je l’ai regardé en silence. Il a souri patiemment, comme on sourit
à quelqu’un d’un peu stupide. Quelqu’un qui ne serait pas capable de
deviner le mépris et l'agacement cachés derrière la palissade d'un
sourire. J’ai rougi. Qu’avais-je envie de boire ? Je veux dire,
réellement ? Quand nous sortons avec Jeremy, c’est toujours lui qui
commande pour moi. En été il me prend une limonade, en hiver, c’est un
thé.
J’ai décidé d'oser un verre de vin. Dans les soirées avec nos amis,
Jeremy dit toujours que je ne bois pas d’alcool, que j’ai horreur de ça.
J’ai fini par y croire. Pas m’y conformer, non, c’est plus insidieux.
Ses idées devenaient miennes. J’étais persuadée de ne pas apprécier
l’alcool parce qu’il l’affirmait avec un tel aplomb que ce ne pouvait
être que la vérité. Ce jour-là, j’ai découvert que j’aimais le vin.
[Extrait de La femme invisible, en cours]
Lundi 9 septembre 2013
Vieillir, c'est ce qui arrive aux vivants
Elle dit que vieillir c’est moche
Que les vieux sont moches
Qu’elle voudrait mourir jeune
Elle parle d’accident
sans y penser vraiment
J'aimerais lui expliquer
Que les plis autour des yeux
Sont la cartographie de nos sourires
mais est-ce qu'elle comprendrait ?
Time
[Londres 2011, photo Marlene T.]
Time [Pink Floyd]
Dimanche 8 septembre 2013
L'humeur du dimanche : Keep calm and listen to music
[The Dude, of course ...]
Samedi 7 septembre 2013
Théorie de la relativité
Parfois
j'ai des idées
qui me semblent grandes
mais c'est seulement les jours
où je me sens toute petite
et finalement ça arrive
assez souvent, sauf que
rien de grand
ne peut sortir
d'une si petite boîte
crânienne
Laisse sortir ce que tu as dans le ventre
[Photo Marlene T.]
Jeudi 5 septembre 2013
M11
Poésie
contemporaine dans les étoiles:
Projet M11
Sortie ce jour, en numérique, aux
éditions La Matière Noire
Et en plus, c'est gratuit, alors pas d'excuse !
C’est l’heure de la pause
On se
dirige mécaniquement
vers la machine
glisser un jeton dans la fente
pour un café mousseux mais dégueulasse
on s’installe dans la petite cour
vert-de-gris
beaucoup plus de gris que de vert
ici tout est goudronné
parce que le bitume n’a pas besoin d’être tondu
et même la peinture des bancs
ne se souvient plus vraiment
de sa couleur d’origine
Fred grille une clope
des petits nuages pâles s’envolent de sa bouche
le ciel a encore la paupière lourde
mais il ne pleut plus
le soleil tente de dessiner un sourire
sur le visage humide du printemps
sans conviction
on tire sur nos manches
on tire sur nos cigarettes
on aimerait se tirer d’ici
mais
pour aller où ?
et
pour faire quoi ?
alors on s’envoie
un café mousseux mais dégueulasse
on laisse surtout pas s’emballer
la machine à penser
on guette les minutes qui s’échappent
la pause qui fond à vue d’oeil
touche à sa fin
déjà
retourner au turbin
mais on va pas se plaindre hein !
puisqu’on en a un
on balance
nos gobelets en plastique
notre fierté
nos pensées
nos rêves flétris
dans la corbeille
on traîne nos semelles
sur la moquette usée du couloir
avec lassitude
un œil rivé à la montre
on s’autorise vite fait un détour vespasien
les hommes à droite
les femmes à gauche
la faïence propre et blanche
une cloison d’agglo nous sépare
j’entends carole qui pisse
les chasses se tirent
on aimerait en faire autant
mais on se contente de retourner
vers l’open-space
notre bureau en L
entre deux paravents
sous les néons
poser nos corps las sur
les chaises usées qui connaissent
la géographie de nos culs
mieux que personne
[Extrait de "Les choses
ordinaires",
toujours disponible aux
éditions KMA]
Mercredi 4 septembre 2013
Partir en fumée
[Photo Marlene T.]
Mardi 3 septembre 2013
Pisser debout
Les mecs, ils
pissent en parlant, bla bla bla, ils pissent en visant vaguement, font
juste gaffe de pas s’éclabousser les godasses, ils jettent un œil à la
bite du voisin, mine de rien, pas pour comparer hein, juste pour
vérifier que tout va bien, les mecs ils pissent comme on arrose le
jardin et puis y secouent la dernière goutte, je les regardais faire
quand j’étais môme, persuadée que moi aussi, un jour, j’arriverai à
pisser debout.
[Ecrit d'un jet (!) dans le cadre du texte contest
de le Revue Métèque]
Pour plus d'info, suivre le
lien.
Dimanche 1er septembre 2013
L'humeur du dimanche : Occupée (très)
On naît. On meurt. C'est mieux si entre les deux on a
fait quelque chose. [Francis Bacon]
Jeudi 29 aout 2013
M11
- Recueil collectif
Onze proses pour unifier l’univers, aux éditions
La matière noire
Sortie le 5 septembre (gratuit)
Connaissez-vous la théorie M ?
C’est une théorie proposée par Edward Witten qui a pour but
d’unifier les cinq théories des cordes (Tous les détails par
ici), et créer une théorie globale capable de réunir
l’infiniment petit et l’infiniment grand.
La théorie M propose un univers en 11 dimensions. Le M est sujet
à controverse et les interprétations possibles sont nombreuses,
retenons : magique, mystérieuse, mystique, merveilleuse, mère,
matrice, et tout ce qui pourra bien vous passer par la tête…
Le concept de notre petit projet est donc tout trouvé : 11
proses pour unifier l’univers et dont le titre commencera par la
lettre M.
M11, cqfd.
Oeuvre collective rendue possible grâce aux
contributions de : Vincent VIRGINE, Marlène TISSOT, Julien
MARTINS, Yann RICORDEL, Carine FOULON, LILITH, Frederic LUCAS,
Christophe SIEBERT et Véronique BELENGER
Mercredi 28 aout 2013
Les
pensées
Les
pensées viennent parfois
sans que je ne sois là
pour les accueillir
elles s’endorment en m’attendant
et j’ai souvent un peu de mal
à les réveiller
à me retrouver alors
on partage un café pour
diluer la mauvaise haleine
et tenter de faire enfin
connaissance
It's time to dive
[Aout 2013, photo Marlene T.]
Mardi 27 aout 2013
Pas
grand chose à l'extérieur
tout se passe à l'intérieur
[Valence aout 2013, Photo Marlene T.]
Lundi 26 aout 2013
S'il
n'y avait
Et
encore
s’il n’y avait que
les cheveux
à démêler
ce serait presque facile
mais il y a tout le reste
récalcitrant au peigne
et impossible aussi
à tondre
It's time to dive
[Série bientôt disponible dans la collec' At Home
editions]
[Aout 2013, Photo Marlene T.]
Dimanche 25 aout 2013
L'humeur du dimanche : Faire avec
When men dream, each has his own
world.
When they are awake, they have a common world.
[HERACLITUS]
Vendredi 23 aout 2013
Banquise, etc...
Etrangement
la fonte des sentiments
ne provoque aucune
inondation
Tirer la couverture du ciel à soi
[Valence aout 2013, photo Marlene T.]
Jeudi 22 aout 2013
Squeeze n°7
Chaque jour qui passe, les briquets
terroristes de la simili-littérature numérique se rapprochent un
peu plus des façades en papier du livre. Tout en haut des
Lettres, dans les salons de commandement jusqu’aux arrière-cours
apeurées, on ne parle que de nos maladies dégénératives.
La poésie des stèles, l’art culinaire appliqué à l’amour, la
complicité animale, l’éducation souterraine, le flou du monde,
le gris des villes et les nuances tout aussi sombres des
relations humaines contaminent ce Squeeze n°7 de caractères
espaces compris, soit 17 textes contagieux à consommer du bout
de la rétine, on ne sait jamais, c’est un conseil d’ami.
Squeeze n°7 Fin de série : dès la
rentrée prochaine le microbe mute pour une nouvelle épidémie.
AUTEURS AU SOMMAIRE : Boris Crack, Gérald Gruhn, Philippe
Sarr, Hervé Grillot, Mat Lest, J.R.P. Cuisin, Olivier G. Milo,
Jean Azarel, Frédérique Nierlé, Serge Cassini, Nicolas Tcheng,
Lemon A - BUZZ : Marlène Tissot
Comment différencier
le réel de ce qui
n’existe pas ?
La pensée donne-t-elle
naissance à tout
ce qui n’est pas
tangible ?
Tout dépend sans doute
de la perspective et
de l’ouverture
du regard sur le monde
intérieur
Mardi 20 aout 2013
Microbe, la petite revue qui démange
Le 79e numéro du Microbe est à l’impression !
Ce numéro a été préparé par Jean-Jacques Nuel.
Au sommaire :
Stéphane Beau
Christian Chavassieux
Christian Cottet-Emard
Roland Counard
Grégoire Damon
Bernard Deglet
Christian Degoutte
Fabrice Farre
Jean-Marc Flahaut
Alain Helissen
Frédérick Houdaer
Hervé Merlot
Paola Pigani
Stéphane Prat
Pascal Pratz
Marlène Tissot
Les illustrations sont de Nicole Vidal-Chich
Les abonnés le recevront dans quelques jours. Les abonnés « + »
recevront également le mi(no)crobe 41 Modèles réduits signé
Jean-Jacques Nuel. Comme d’habitude, les autres ne recevront
rien !
Pour tous renseignements, contactez Eric Dejaeger
Lundi 19 aout 2013
Recette
Et s'il
suffisait
d'assaisonner le quotidien
chacun à son goût
pour mieux l'apprécier ?
Dimanche 18 aout 2013
L'humeur du dimanche : Generation sex
Vendredi 16 aout 2013
Quelque part
L’ici ou l’ailleurs importe peu
je dessine des paysages au pinceau
trempé dans l’encre de l’imaginaire
Jeudi 15 aout 2013
Terrain miné
Un million de petites apocalypses
explosent chaque jour au fond de nos gorges
les non-dits continuent de dévaster en silence
le sous-sol de nos vies
mais ce n’est rien
tout ça n’est rien face aux vraies tragédies
on le sait bien
et c’est pour cette raison
qu’on continue de fermer nos gueules
qu’on ravale des litres de mots
qu’on enterre les paroles piégées
en espérant qu’elles ne se retrouveront pas
sous nos prochains pas
comme une mine antipersonnel
Mercredi 14 aout 2013
Pleuvoir
Sous le
soleil
rien de nouveau
quelques nuages
et nos regards
qui ne savent
plus voir
Absence
[Photo Marlene T.]
Mardi 13 aout 2013
Tribute to Virginia
Peut-être bien qu'on devrait
jouer à
Lappin & Lapinova
et prétendre que nous sommes
un couple de lièvres fous
pour retrouver le chemin
qui donnait un goût de
lune au miel
à nos pas
Peut-être bien que
ça ne t'amuserait pas très
longtemps de me suivre
dans ces dédales
imaginaires
Tu lisserais tes cheveux
et reprendrais ta marche
dans le sens des aiguilles
d'une montre
tu trouverais que mes oreilles
sont ridiculement longues
alors je murmurerais
c'est pour mieux nous entendre
mon amour
mais mes mots mourraient
étranglés avant d'avoir pu
atteindre ton coeur
Une ruche dans la bouche
[Valence, Photo Marlene T.]
Lundi 12 aout 2013
Ma
dose de solitude
Rester calme et bienveillant
inventer des romances caniculaires
pour faire rêver tata
traverser l’été comme un miroir
aux alouettes
et la tête
et cette putain de tête
qui refuse de tourner rond
je pourrais je devrais l’envoyer filer comme une étoile
un satellite
à des années lumières de mon corps
quand la météo des peaux annonce
trente sept degrés dans l’air
et pas moins sous le maillot
comment ne pas devenir cinglé
quand la promiscuité s’emmêle ?
bavardages sirupeux aux senteurs estivales
dans lesquels on patauge
comme une mouche piégée rendez-moi mes ailes ! inspirer, expirer, picoler
rester calme et bienveillant
en attendant qu’on m’accorde à nouveau
ma dose de solitude
Dimanche 11 aout 2013
L'humeur du dimanche : Créer et détruire
Vendredi 9 aout 2013
Petit traité de jardinage
Inutile
d'arroser
ton passé
de larmes
rien ne le
fera jamais
repousser
Il faut
apprendre
à changer
d'herbes
Here & now
[Photo Marlene T.]
Mercredi 7 aout 2013
Pensée de l'instant
Je me
rappelle un rouge à lèvres de maman
qui s'appelait Tamaris Transparent
j'en mettais en cachette de temps en temps
quand j'avais treize ou quatorze ans
je voulais avoir l'air élégant
sans jamais y parvenir vraiment
Mardi 6 aout 2013
The
day you were born
[Elliott Smith]
Smile
Espérer me fatigue la plupart du temps
j’attends que rien ne se produise comme prévu jamais les choses
ne prennent la couleur des rêves pas même les délavés pourtant
j’ai des saveurs dans le cœur qui sucrent ma langue et mes
pensées même quand la vie ressemble à un amoncellement de
déchets en équilibre précaire sur lequel je me perche pour
écouter le soleil descendre et éteindre lentement mes paupières
Arachnophilie
[Source : Mroczna Kraina]
Lundi 5 aout 2013
Compost sentimental
Après
l’après
après la douleur qui suit le plaisir
de très près
après, l’amour avec toi
il y a tout ce rien
pas le moindre bruit
pas la moindre sensation
juste cette vaste étendue lisse
qui avale lentement ton souvenir
Alors
il ne reste que les restes
de toi
qui se décomposent
dans moi
Dimanche 4 aout 2013
L'humeur du
dimanche : A la mer avec les potes
Vendredi 2 aout 2013
Histoires vraies (suite)
A la
boulangerie du quartier, un type dit
Un fonctionnaire débordé, c'est une énurésie
Vous voulez dire "une hérésie?" demande la boulangère
C'est la même chose, répond le type
N'est-ce pas ?
Et il repart le regard fier
avec sa baguette porté droit devant
comme un fusil mitrailleur
Jeudi 1 aout 2013
Le
ciel sous la peau
J’ai des nuages de pluie dans le cœur
mais l’orage n’éclate jamais
j’ai le ciel qui enfle sous la peau
je suis bleue
et pas un flash de lumière pour éclairer
mes pensées
Mercredi 31 juillet 2013
Je
suis là mais pas tout à fait
Q :
Composer de la musique ou écrire... est-ce un procédé de création
similaire ? Certaines choses ne peuvent-elles se dire qu'en musique et
inversement ? R : La sensibilité est la même, mais ce n'est pas le même outil.
Ecrire un livre demande une endurance de marathonien, on doit être
suffisamment amoureux de ses idées pour savoir les défendre et les
porter au long court, tout en ayant l'humilité d'accepter de revenir
dessus. Pour une chanson, c'est la même chose, mais on a la chance de
pouvoir ré-écouter 3 ou 4 minutes de musique et pointer ce qui nous
plait et ce qui nous plait moins. Pour le livre, dès qu'on a passé les
30 premières pages, on doit développer une intuition, une sensation de
ce qu'on vient d'écrire sans revenir dessus pour continuer. Il faut
"quitter le bord de mer", s'engager en plein océan, quitte à se perdre
par moments.
[Extrait d'un interview de Mathias Malzieu à lire
en entier
ICI]
Tout ça pour dire que, je ne suis pas trop présente en ce moment sur le
Nuage, je suis au large, pas en bord de mer, pas sur la flaque bleue qui
étouffe sous l'affluence d'un gras déversement de touristes, juste une
vaste mare creusée dans ma caboche, une plage de mots et d'images. Je ne
bronze pas mais je grandis et je rapetisse, un peu comme Alice, sauf que
dans cette histoire là, je m'appelle Wonder Woman...
Lundi 29 juillet 2013
Brindilles
Quand
on regarde longtemps
- suffisamment longtemps -
un objet, n'importe lequel
ou même un mur
ou même le ciel
ou même la face de veau
de cette emmerdeuse de voisine
des choses finissent par s'y dessiner
en forme d'oiseau
de piano
de sourire
de feu de joie, parfois
et ce n'est rien d'autre
que la combustion spontanée
de nos brindilles d'imagination
Dimanche 28 juillet 2013
L'humeur du dimanche : Inertie
—
Joseph, pourquoi vivez-vous ?
Il m'a répondu sans hésiter :
— Parce que j'ai commencé, et qu'il y a un phénomène d'inertie.
[Louis
Pauwels in Blumroch l'admirable]
L'humeur du jour (bis) : Broken
[Valence, Photo Marlene T.]
Vendredi 26 juillet 2013
Les
cailloux
La journée avançait
et moi aussi. Puis je me suis assise un moment sur un banc pour regarder
passer les gens en grappes. Les gosses suçaient des glaces. J’ai pensé à
mes fils avec ce drôle de pincement au coeur. Est-ce que je leur
manquais ? Probablement pas. J’avais laissé un repas cellophané au
frigo. Pour le reste, une télécommande et un écran suffisait à leur
bonheur. J’ai regardé mon téléphone. Rien. M’étais-je réellement
imaginée indispensable, sinon par ma présence, du moins par tous ces
gestes censés assurer le confort de chacun ? Jacques ne tarderait pas de
rentrer. Il appellerait certainement. J’ai ramassé un caillou. Encore
une sale manie. Partout où je m’arrête, je ramasse un caillou. Je ne les
sème pas, je les cueille. Comme un chemin déconstruit, des traces qu’on
efface. Jacques ne supporte pas quand je fais ça. Je me penche, je
ramasse et je fourre la pierre dans ma poche. Ça l’agace. Il soupire.
J’en ai une pleine boite à la maison. Ça n’a aucun sens. Mais je ne peux
pas m’en empêcher.
Mon téléphone continuait de se taire et je passais beaucoup trop de
temps à l’interroger du regard. Il s’est contenté de m’annoncer, placide
que sa batterie était faible. Je me suis remise à avancer. Le jour
aussi.
[Extrait, La femme invisible]
Mercredi 24 juillet 2013
Imagination
Envie
d’une bouche ouverte sur la mienne
n’importe quelle bouche
non, pas n’importe la quelle
une qui n'existe pas ici mais
j’ai assez d’imagination pour l'inventer
Quand je renifle des fleurs en plastique
il m'arrive de sentir l’odeur
qu’elles auraient eu si elles étaient vivantes
Il n’y a que dans la manière de me faire mal
que je manque d’imagination
toujours les mêmes petits gestes à la con
Mardi 23 juillet 2013
The
bright side of the moon
[Valence ce soir, photo Marlene T.]
Lundi 22 juillet 2013
Passe muraille
La femme invisible,
c’est ainsi que me surnomme mon mari quand il invite ses collègues à
dîner. Il dit que je peux être partout à la fois sans que personne ne me
voie. Les gens rient. Puis ils m’oublient. Je suis transparente. Non.
Juste assez insignifiante pour me fondre dans le décor. Disparaître.
Douter de ma propre existence. Fade parmi la fadeur des fleurs de la
tapisserie. Sans contour. Cette sensation d’être tellement inconsistante
que je pourrais passer à travers les murs. A défaut de savoir m’arracher
du décor. [Extrait, La femme invisible]
Dimanche 21 juillet 2013
L'humeur du dimanche : The lunatic is on the grass
You raise the blade. You make the change. You rearrange
me till I'm sane. You lock the door and throw away the key. There's
someone in my head, but it's not me.
[Brain Damage, Pink Floyd]
Samedi 20 juillet 2013
Petit cousin
J’ai des montagnes de souvenirs de toi
petit cousin
de tes premiers pas
tes grimaces de citrons
la chasse aux vipères dans les rocailles
C’était tellement bon
ta minuscule main dans la mienne
quand tu découvrais la vie
alors que le mienne avait été ébréchée
prématurément
comme une vaisselle bon marché
dont on ne se soucie guère
Tu étais mes yeux d’enfance perdue
C’était tellement doux
ta frimousse rose face au faux père-noël
ta peur de l’orage
nos courses de petites voitures
ta joue tiède endormie sur mes genoux
les tours de magie
encore un dernier avant d’aller au lit
Et aujourd’hui te voilà devenu un homme
il y a nos drôles de timidités
après toutes ces années
à se retrouver si loin
changés en adultes
sans trop savoir comment
sans trop comprendre pourquoi
avancer en aveugle
remplir les blancs
combler les brèches
Mais c’est toujours aussi précieux
petit cousin
de voir briller tes yeux
de deviner qu’il reste toutes ces choses
qu’aucun mot ne saura expliquer
mais qu’on parvient
– sans doute –
à se dire
dans la bouche des silences
Jeudi 18 juillet 2013
En
attendant Goldorak
En attendant
Goldorak, je décapsule une bière.
J’ai dix ans et j’en ai quarante. Je suis morte et je suis vivante.
À la télé, les publicités. De vieilles publicités. Je voyage dans le
temps. L’alcool n’y est pour rien, au contraire. Elle m’aide plutôt à ne
pas oublier l’ici, le maintenant, la migraine qui enfle et cette foutue
nausée.
Dehors, les mômes crient. Ceux de mon âge. Ceux avec lesquels je ne joue
pas, sauf parfois dans les caves de l’HLM, à graffiter des messages à la
con sur les murs en béton. J’ai dix ans, bordel, je n’en sortirai
jamais. J’ai peur. À cet âge-là, on a souvent peur sans trop savoir de
quoi. Ensuite, il y a un moment où les choses basculent. On passe une
frontière, on change de monde, on devient grand. Je n’ai jamais franchi
la douane. Trop de bagages sans doute. [Lire la suite sur le site de la
revue Métèque]
Arachnophilie
[Lyon juillet 2013, photo Marlene T.]
Mardi 16 juillet 2013
Histoires vraies
Autrefois, ma poupée avait de terribles migraines
parce que je plantais des aiguilles dans sa tête
pour savoir si elle y cachait autant de choses
que j’en planquais dans la mienne
J’ai épousé un homme aux cheveux longs
puis quelques années plus tard
un soir de st valentin
il m’a annoncé qu’il voulait les couper
Parfois quelque chose me manque
mais je n’arrive pas à trouver quoi
je ne sais plus donner de nom
à mes envies
Mr Schmidt a brulé les 548 bobines 35 mm
de Pink Floyd live at Pompeï
pour faire de la place sur les étagères
des archives du film
Quand j’avais les cheveux longs
je marchais tête baissée
pour cacher mon visage
j’aurais aimé les avoir jusqu’aux pieds
Il m’arrive d’être nostalgique
d’une époque je ne n’ai pas connu
de me rappeler de gens
que je n’ai jamais rencontrés
Quand j’avais 8 ans, un jour
papa m’a demandé « Qu’est-ce tu fais ? »
j’ai répondu « Un bonhomme de neige »
c’était sur la plage, en juillet
Dimanche 14 juillet 2013
L'humeur du dimanche Tellement de choses
[Credit : Street Art Germany]
Samedi 13 juillet 2013
Papa et Irène
[]J’ai commencé de
disparaître quand papa est parti. J’avais six ou sept ans et le monde
s’est disloqué. Je ne comprenais pas. Personne n’expliquait rien,
surtout pas aux enfants. Papa a foutu le camp parce qu’il n’avait plus
sa place à la maison. Je l’ai découvert plus tard, en lisant en secret
une lettre qu’il avait laissée à maman. Le truc, c’est qu’en devenant
mère, elle avait cessé d’être sa femme. Ne prêtait plus à son mari
qu’une vague attention fonctionnelle. J’étais trop jeune à l’époque pour
comprendre tout ça. Maman m’aimait tellement. C’était assez pour me
rendre la vie belle. Puis papa est parti et tout a changé. Maman a
pleuré pendant des semaines. Ses larmes étaient partout. Notre maison
entière inondée. Tout se noyait, même les gestes du quotidien. Maman ne
préparait plus à manger, ne se coiffait plus, ne se maquillait plus, ne
souriait plus, ne lisait plus d’histoires le soir, n’embrassait plus, ne
préparait plus le bain. Elle restait juste assise devant la télé pour
oublier le chagrin, oubliant tout le reste d’un même mouvement. Oubliant
sa fille. J’ai patienté. J’étais docile. Et puis maman est revenue à la
vie un jour de printemps. Le jour où elle a rencontré un autre homme. Un
homme inconnu qui posait sa bouche sur la bouche de ma mère et posait
ses pantoufles à la place des pantoufles de mon père. C’était bien de
voir maman heureuse à nouveau. Mais cette fois, en redevenant femme,
elle avait cessé d’être mère. A ses yeux, je n’existais plus. Je n’avais
même plus le droit de l’appeler maman. Je devais dire Irène. Irène,
je me suis écorchée le genou. Elle m’envoyait promener d’un geste de
la main. Je devais me débrouiller. Elle ne comptait pas refaire la même
erreur deux fois, elle ne perdrait pas un autre mari en s’occupant trop
de son enfant. Principe de précaution. Je devenais quantité négligeable.
A peine plus qu’un objet. J’étais là sans y être vraiment. C’est à ce
moment là que j’ai compris. Je devenais invisible. Même pas la lueur
d’un mégot écrasé sous le talon. [Extrait, Femme invisible]
Vendredi 12 Juillet 2013
Suburbs
C’était un samedi de
juin. Un de ces jours indécis, qui semble ne plus très bien se rappeler
de la saison. Le soleil prenait son temps pour se lever comme s’il
tentait de ne réveiller personne. Les nuages s’étiraient. Les volets
baillaient. Un petit vieux à la démarche fatiguée se faisait promener
par son chien. La lenteur d’un matin gras, à se couler dans la résine
ordinaire du week-end. Mais je n’avais envie que d’avancer droit devant,
jusque nulle part. J’ai traversé la beauté sinistre du quartier
résidentiel. L’enfilade d’habitations soigneusement alignées. Ce genre
d’endroit où tout se ressemble. Où tout le monde connait tout le monde
mais tient à préserver sa petite dose d’anonymat. Où certains déguisent
leur curiosité sous une croute d’amicale politesse. Sourires lisses,
vêtements bien mis. Des murs, des murs, des murs. Pas un brin d’herbe
qui ne dépasse des pelouses. Une jolie petite paix lugubre. [Extrait, Femme invisible]
[Arcade Fire]
Mercredi
10 juillet 2013
Sometimes You're Nothing but Meat
Le n°73 de la revue MGV2 dirigée par
le poète Walter Ruhlmann est sorti et on peut se le procurer en
version papier
Ici ou lire la version numérique
Là
Bon appétit !
Mardi 9 juillet 2013
Le
verre de vin
Je me suis assise à
la terrasse d’un café, au milieu d’autres gens, comme si tout était
absolument normal. Jouant à être une personne comme les autres. Le
serveur est venu me demander ce que je voulais boire et je n’en savais
rien. Je l’ai regardé en silence. Il a souri comme on sourit à quelqu’un
d’un peu stupide. Quelqu’un qui ne serait pas capable de deviner le
mépris caché derrière un sourire. J’ai rougi. Qu’avais-je envie de boire
? Je veux dire, réellement ? Quand nous sortons avec Jacques, c’est
toujours lui qui commande pour moi. En été il me prend une limonade, en
hiver, c’est un thé. J’ai demandé un verre de vin. Dans les soirées avec
nos amis, Jacques disait toujours que je ne buvais pas d’alcool, que
j’avais horreur de ça. J’ai fini par y croire. Pas m’y conformer, non,
c’est plus insidieux. Ses idées devenaient miennes. J’étais persuadée de
ne pas apprécier l’alcool parce qu’il l’affirmait avec un tel aplomb que
ce ne pouvait être que la vérité. Ce jour-là, j’ai découvert que
j’aimais le vin. [Extrait, Femme invisible]
Hey you! out there on your own
Sitting naked by the phone would you touch me
[Hey you, Pink Floy, The Wall]
Lundi 8 juillet 2013
M'allonger pour toujours
[]Et ce jour-là, au
lieu de partir, j’aurais très bien pu décider de rester au lit pour
toujours, ne plus jamais bouger. Parfois, je faisais ça, quand je me
sentais encore pire que vide, avec ce bruit d’eau dans le ventre comme
une marée haute de mélancolie dont je reconnaissais l’odeur croupie.
Quand rien d’autre n’était plus possible, je me couchais, au milieu de
la journée, je disais que je faisais la sieste. Je ne le disais pas.
Personne n’était là pour remarquer. Sauf si l’heure du dîner approchait.
Mais à cette heure, j’avais souvent su faire refluer toute cette flotte
envahissante et retrouver un calme plat, blanc, insipide. Je préparais
le dîner. Parfois même en souriant. [] [Extrait, Femme
invisible]
Dimanche
7 juillet 2013
L'humeur du dimanche : Keep calm and have a beer !
La timidité, ça se soigne
Ce ne sont pas les médecins qui l’affirment
Les on-dits, je m’en méfie un peu, en général
Quand les gens me parlent, je rougis
Ce n’est pas une maladie
Mais on me regarde comme si j’étais malade
Alors je finis par souffrir un peu
J’ai mal au ventre
Souvent, c’est le ventre, je ne sais pas pourquoi
J’ai peut-être juste le cœur qui déborde
Quand les gens me parlent
je ne les regarde pas dans les yeux
C’est surtout la peur qu’ils pénètrent dans les miens
qui m’effraie
Que pourraient-ils découvrir
dans les profondeurs de moi ?
Toutes ces choses que je planque sous le silence
Alors je baisse les yeux
Je regarde les bouches qui parlent
et il y en a de très belles mais
pas aussi belles que la bouche de David G.
Parfois, à trop regarder les bouches
j’en oublie les mots
et je ne sais pas quoi répondre
J’ignore même si je suis censée répondre
Quand les bouches bougent
le sens des mots n’a plus vraiment d’importance
Je m’amuse de la forme des sons
Un peu comme pour la musique
parfois les notes disparaissent
dans le corps de l’instrument
Il ne reste que la main qui les en a tirées
Et si la main est belle
elle guide sur un chemin différent
elle effleure d’autres sens
Quand j’étais môme
les parents m’ont emmenée voir The Wall au ciné
parce qu’ils n’avaient personne
pour me garder
J’avais 10 ans
Dans la salle, à un moment papa a dit
Regarde, le juge, c’est juste une paire de couilles !
Parfois l’éducation prend des chemins détournés
Des couilles, j’ai fini par en voir des vraies
elles n’étaient ni pires ni mieux
qu’en images animées
Il y a des choses qui nous traversent
sans laisser de traces
et d’autres qui se gravent
J’ai des musiques tatouées sur l’envers de la peau
c’est invisible
mais gigantesque
comfortably numb
A quinze ans, j’avais dévoré tout Pink Floyd
et je rêvais parfois
que je goûtais la bouche de David G.
Je ne sais pas pourquoi j’ai arrêté de jouer du piano
Le prix des leçons peut-être
Et puis surtout cette représentation en fin d’année
qui me paralysait
La timidité, ça se soigne
Ce ne sont pas les médecins qui l’affirment
Les on-dit, je m’en méfie un peu, en général
Robe de princesse. Robe de petite fille. Robe qui tourne. Du
vent dans les guiboles.
C’est l’été. Le début de l’été plus précisément.
Le cerisier de mes grands-parents. Pieds nus dedans. Je me gave
de cerises jusqu’à l’écoeurement.
Redescends de l’arbre. Tombe par terre. Ma robe blanche toute
tâchée. Mélange d’herbe et de fruits rouges écrasés. Je frotte
mes mains l’une contre pour les nettoyer. Je fais quelques pas
en titubant, ivre d’été.
Je m’étends dans le champ. Sur le dos. Les brins d’herbe me
chatouillent. Bientôt les fourmis aussi.
La chaleur et le vent sur ma peau. Je donne un nom aux nuages.
Je tutoie le soleil. [Un texte de Marianne
Desroziers]
Jeudi 4 juillet 2013
Trop
loin
Maddy avance et
s'absorbe dans les détails. Les chaussures des gens qui piétinent le
matin d’un pas pressé. Les bas plissés d’une mamie, un pigeon boiteux,
un mégot mal éteint, un ticket de parking froissé. Madeleine a le regard
au ras du sol. Des yeux balai qu’elle ose à peine lever à hauteur de
vitrine. Pâtisseries, magazines, terrines, bouquets de fleurs,
appartements à louer, interphones, sacoche d’un facteur à vélo. Elle
fixe les détails pour ne surtout pas se noyer dans la vastitude du
paysage. La peur, dans doute, de prendre pleinement la mesure du décor.
La rue, la ville, la région, le pays, le monde, l’univers. Jusqu'où ?
Quand elle y pense, tout cet espace l'angoisse terriblement. Toute cette
immensité impossible à embrasser.
Elle avance en ne regardant pas au delà du pas suivant, par peur d’aller
trop loin. Et peut-être que trop loin n’est finalement jamais assez
loin. Penser au bout du monde sans avoir la moindre idée de la manière
dont dérouler le chemin pour l'atteindre. Existe-t-elle seulement, cette
extrémité magique du monde ? [Extrait d'un truc en cours]
Mardi 2 juillet 2013
Cohue
Le n°11 de la revue Cohue est sortie et
consultable en ligne. Un numéro sombre et truffé de foutus bon
textes, d'illustrations parfaitement choisies et des découvertes
délicieuses !
Extrait de Roulette écossaise, à lire en p25:
[...] Elle se penche lentement vers lui.
Leurs visages s’effleurent presque. Un rideau de cheveux lourds
tamise l’éclat des regards. Elle esquisse un sourire et demande,
Tu connais la roulette Ecossaise ? Quand elle parle, ses mots
font le bruit d’une rivière qui cavale et bouscule les cailloux.
L’homme secoue la tête. Le chiffon fourré
profond dans la bouche l’empêche de parler. La langue est
coincée, il peine à déglutir, respire par saccades. Il
transpire. Il frissonne. Ses bras sont solidement arrimés aux
montants du lit. Ses pieds aussi.
Je vais t’expliquer, elle dit. C’est un peu
comme la roulette Russe, sauf que c’est le contraire. Dans le
barillet, il n’y a pas une seule bullet, mais une seule chambre
vide. [...]
Lundi 1er juillet 2013
Picore
Je
voudrais être
un oiseau
ouvrir le bec
et que tu viennes
picorer dans ma gorge
les mots qui coincent
que tu te nourrisses
de mes silences