Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A
cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi.
Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et
capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais
sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur
fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des
sujets un peu moins osés.
Elle est partie
depuis sept heures douze minutes et trente quatre secondes. En cet
instant précis, elle sait, elle comprend, qu'elle ne rentrera pas. Comme
si cette trente-quatrième seconde avait fixé la limite au-delà de la
quelle il n'y avait plus de possibilité de retour. Le mouvement de
liberté perpétuelle est enclenché. [Extrait d'un truc
en cours]
Vendredi 28 juin 2013
Tout
finit par finir
On dit
que toutes
les bonnes choses
ont une fin mais
on ne dit jamais
que toutes les
mauvaises choses
ont également une fin
Il doit y avoir une bonne
ou une mauvaise raison à cela
Jeudi 27 juin 2013
Départ pour nulle
part
Elle est partie sans savoir qu’elle s’en allait. Ce matin-là, elle a
simplement pris son sac sur le meuble de l’entrée, et ses clés et son
téléphone. Elle a aussi emporté un gilet, parce qu’elle emporte toujours
un gilet, même en été, au cas où. Puis elle est sortie, en refermant
doucement la porte, sans faire de bruit. C’était un samedi de fin de
printemps et le soleil prenait son temps pour se lever. Les nuages
s’étiraient. Les volets baillaient. Les petits vieux dans la rue
marchaient comme des somnambules. C’était un jour très lent, un jour à
taire les réveils.
On dit qu’il y a toujours une raison à tout. Que rien n’arrive comme ça,
juste comme ça. Qu’il suffit d’y réfléchir un moment, soigneusement,
pour trouver la raison. Mais ce n’est pas vrai. Parfois les choses
arrivent réellement comme ça. Tout simplement. On sort de chez soi et on
ne sait pas tout de suite qu’on s’en va. Comme s’il n’y avait rien
d’autre à faire que chercher un ailleurs qui n’existe peut-être nulle
part. C’est ce qu’il s’est passé pour Mady. Elle est sortie et n’est
jamais revenue. On est parfois trop épuisé pour envisager le chemin de
retour. [Extrait d'un truc en cours]
Mardi 25 juin 2013
L'odeur de J. Reyes
Des bureaux perchés
au sommet d’un building léché par les nuages. Fenêtres immenses. Au
soir, une vue terrifiante et magnifique. La ville en tapis de lumières,
les phares des voitures comme des lucioles épileptiques. Et de l’autre
côté du miroir, une enfilade de bureaux. Vides, comme toujours à cette
heure. [Lire la suite de cette petite nouvelle sur le
site de la revue
Métèque]
Arachnophilie
[Photo Marlene T.]
Lundi 24 juin 2013
End
of the story
Certains livres ne racontent pas
comment l'histoire se termine
parce qu'il y a des secrets
qui ne peuvent s'écrire
que dans la tête de
celui qui lit
Arachnophilie
[Photo Marlene T.]
Dimanche 23 juin 2013
L'humeur du dimanche : As usual
L'habitude,
cette putain sans imagination qu'est l'habitude.
[Fin de fiesta à Santa Barbara, Newton
Thornburg]
Cutter's way
Vendredi 21 juin 2013
Sans
les mots
Au grand café, en
face de la fontaine
Nathan me fait remarquer que je ne parle pas beaucoup
ni aujourd’hui ni le reste du temps
je lui réponds que je n’ai pas grand-chose à raconter
que ce que j’aurais éventuellement à dire
ne se dit pas ou alors
serait probablement compris de travers
parce que je ne sais pas très bien m'y prendre
et j’ai horreur de devoir expliquer
je lui dis aussi qu’il est trop tard maintenant
parce que quand tu donnes l’habitude de parler peu
les gens ensuite s’étonnent
s’il te prend un beau jour une chiasse de mots
ils se posent des questions
s’imaginent que tu as un problème
te demandent si tout va bien
vraiment
tu es sûre ?
alors je reste comme ça
silencieuse
à la manière sont j’ai habitué mon entourage
Nathan me dit qu’il comprend
je le crois
Jeudi 20 juin 2013
Punition
Choisir
la solitude
c'est un peu s'imposer
sa propre présence
Ce soir
[Valence, photos Marlene T.]
Mercredi 19 juin 2013
Fail
Courir
après la réussite est une perte de temps
quand on peut tranquillement échouer en rêvant
Zone de non-profit
[Berlin aout 2012, photo Marlene T.]
Mardi 18 juin 2013
Crash
Virage – trop vite – pluie – ciel entre chien et loup – cette petite
invulnérabilité dont on se croit gratifié alors que – trottoir épais –
la voiture qui décolle de l’asphalte – pas très haut – juste assez pour
empêcher l’adhérence des pneus – freinage inutile – pylône – béton en
approche – apesanteur – la scène au ralenti – mes mains agrippées au
volant qui n’imprime plus sa direction au véhicule – dos crispé –
mâchoires serrées – fracas de tôle – le corps secoué comme un pantin de
crash test – tension de la ceinture de sécurité – douleur au torse – pof
poudreux de l’airbag cueillant mes lèvres, mon nez, mon front –
pare-brise étoilé – fumée blanche – fumée noire – essayer de comprendre
– réaliser sans parvenir tout à fait à y croire – je viens de me planter
! – couper le contact – sortir de l’habitacle – portière coincée –
enjamber le levier de vitesse – bourrer les airbags – s’extraire par le
côté passager – dehors – rue – sirène de pompiers en approche – mes
jambes tremblent – froid sous la peau – impression d’être vidée de mon
sang – chercher les blessures – le rouge – le bleu – rien – douleur au
torse à chaque inspiration – m’assoir – non, impossible de plier les
genoux – enflés sous le pantalon – risquer un œil à la carcasse –
défoncée – comment ai-je pu en sortir ? – en suis-je réellement sortie ?
– chercher à l’intérieur le cadavre de moi – rien – je suis là –
trottoir – flics – pompiers – tout va bien madame ? – je hoche la tête –
les mots coincés – qu’est-ce qu’il s’est passé ? – je secoue la tête –
incapable de parler – nuit totale – gyrophares – uniformes – impression
d’être dans une salle de ciné – projetée contre l’écran au milieu d’une
scène d’action – je ne connais pas les répliques – j’attends le
générique – happy end à l’américaine – baiser hollywoodien – je déraille
un peu – gestes d’automate – tendre mon permis – sourire – oui/non –
noter le numéro du garage qui va remorquer l’épave – décliner
l’invitation à se faire accompagner à l’hosto – On va quand même prendre
votre tension, vous avez l’air en état de choc – sourire encore pour
rassurer – onze/sept – une petite lumière pour m’examiner l’œil – tiens
toi sage Ô ma pupille – ok tout va bien – puisque je vous le disais ! –
mensonge – partir – marcher – sans plier les genoux – douleur au torse –
avancer au radar – suivre l’enfilade de lampadaires oranges – regarder
devant, vers nulle part – je suis vivante, putain, je suis vivante –
pourquoi je n’arrive pas à m’en réjouir ?
Lundi 17 juin 2013
Sleeping Beauty
[Emma, photo Marlene T.]
Chantier
Il y a des vies en construction
la mienne est en démolition
remise à nu avant travaux
j’ai essayé trop souvent de rafistoler
colmater
cacher la misère
j’habitais un corps garde-meuble
garde malade
foutraque et casse-gueule
poussiéreux
étouffant
j’ai eu besoin d’air
d’ébouler les vieux murs
encrassés du gris des souvenirs
tout abattre pour mieux
reconstruire
ou peut-être me contenter du vide
du silence
et de l’horizon enfin libéré
Dimanche 16 juin 2013
L'humeur du dimanche : Question sans réponse
Les
paroles sont-elles plus importantes
pour celui qui les prononce
ou celui qui les écoute ?
Nuage rouge
[Londres, Photo Marlene T.]
Vendredi 14 juin 2013
K2R
Qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête lorsque tu t’assois là, rigide,
encore plus chaise que la chaise ? Sec de gestes et de mots. Est-ce que
tu sais le temps que j’ai perdu à tenter de déchiffrer tes silences ? à
lire l’absence de sentiments sur le dur de ton visage encore plus pierre
que la pierre ? Qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête, dans ta peau,
dans cet habit prison que tu t’es fabriqué, me mettant à la porte de toi
? Est-ce que tu me le diras un jour, est-ce que tu me parleras, une
fois, rien qu’une fois, avant que ta bouche s’effrite, encore plus
poussière que la poussière ? Est-ce que tu me regarderas comme tu
regardes ta bière, est-ce que tu me crieras ta joie comme à ce joueur de
foot dans la télévision ? Est-ce que tu m’engueuleras comme le chien du
voisin ? Ou bien, est-ce que je ne serai jamais rien d’autre pour toi,
papa, que la tâche tenace d’une giclée de sperme lâchée par erreur ?
Mercredi 12 juin 2013
En
un clin d’œil
J’ai conservé ce réflexe de môme
fermer les yeux pour faire disparaître le désastre
même si je sais maintenant que rien ne disparaît d’un geste de paupière
fermer les yeux est devenu ma manière de m’extraire du désastre
le temps de rassembler assez de forces
pour l’affronter
Arachnophilie
[Valence juin 2013, photo Marlene T.]
Mardi 11 juin 2013
Encore plus de
vacarme
Tu t’écoutes être malheureux et ça fait tellement de bruit que la
musique disparaît et la fille, cette conne trop belle, a l’air de danser
comme un pantin sur du silence. Qui tire les ficelles ? Cette fille trop
belle n’est pas pour toi, tu le sais. Non, tu le décides plus que tu ne
le sais, mais qu’est-ce que ça change au final ? Tu la regardes avec ton
bruit de malheur plein la caboche et tu chiales en dedans que la vie est
mal faite, que tu mériterais mieux, que ton job est pourri, que tes
parents sont des cons, que cette nana tu pourrais la rendre heureuse si
seulement elle t’y autorisait. C’est tellement plus facile de lire la
vie comme ça plutôt que de comprendre que c’est toi qui ne t’autorise
pas la moindre chance. Tu as peut-être la trouille que le bonheur, ça
fasse encore plus de vacarme que le malheur.
La boite à mouchoirs est vide et ça tombe bien, je n’ai plus la moindre
larme à torcher. Panne sèche de sentiments. Les yeux taris. C’est dans
le ventre que ça se complique. Plein de flotte. De l’eau-de-vie. Ça vous
brouille la vue bien mieux que les pleurnicheries, cette délicieuse
saloperie. Ça vous crame en flammèches invisibles, du dedans au dehors,
la peau qui rétréci, plastique fondu, imperméable, rigide. J’ai une
armure distillée à 45 degrés qui n’est pas prête de tomber, sauf
peut-être demain, avec ma tête, dans la cuvette des toilettes.
Il pleut janvier, février,
mars, il pleut avril et il pleut mai. Les jours se rallongent à
la pluie. Ils ont le teint grisâtre et dilué des noyés. On se
passe le mot que c’est assez, assez de la ville recouverte, de
la ville liquéfiée, assez de ce printemps de chien mouillé, du
poids des semelles détrempées, assez des doubles précipitations
sur les chaussées suintantes, les trottoirs accablés. On se
passe le mot, on se résigne aussi en tenant le pari des jours de
giboulées. La pluie est source intarissable de commentaires où
même les plus taiseux s’abreuvent, tous sur la même longueur
d’ondes, rassemblés comme jamais.
Le pays entier est en larmes, à peine s’essuie t-il que
surviennent de nouveaux hoquets, la crise, entend-on dire, est
généralisée. Dépressions atmosphériques, zones de turbulences,
grands airs tourmentés. Mai ne se découvre pas d’avril, avril a
fait le grand écart avec janvier, février mars en ont pleuré.
Les parapluies charrient des fleuves où la population se jette
en masse, bien obligée de traverser à la nage ses journées. Les
terrasses se tiennent coites, ramassées sur elles-mêmes, et les
restaurateurs s’indignent de la quantité de tasses bues qui ne
soient pas celles de leur café. L’habitude est prise de maudire
le ciel bien que soit perdue celle de le prier.
Pour un peu on croirait à une machination de ces géants du gaz
et de l’électricité qui se frottent les mains à l’idée de toutes
celles qu’ils ont à réchauffer. Météo, I love you so moche,
plaisantent-ils devant leurs courbes de croissance où tout
indique l’obésité. On se console au moins avec les nappes
souterraines qui elles se rengorgent d’être si bien arrosées. On
s’imagine ailleurs, on s’offre l’exotisme le temps d’une
averse-mousson : c’est loin qu’on va chercher pour se
réconforter. Ainsi on s’accroche aux bouées que l’on trouve dans
un monde à vau-l’eau et on se laisse un peu aller. Au gré des
courants froids on s’en remet aux ampoules, celles qu’on allume
pour s’éclaircir les idées, et les autres qu’on brise pour leur
vitamine D, juste de quoi tenir jusqu’aux rivages de l’été.
Comme le soleil, les vacances se font désirer et on se félicite
d’avoir loué une maison dans le sud cette année. [Barbara
Albeck]
Mercredi 5 juin 2013
L’homme et la
femme (2)
La femme se réveille. Avant l’homme. Elle se lève sans bousculer les
draps et descend préparer le café. La petite mécanique des gestes huilés
par l’habitude. Elle pourrait faire tout cela sans même être éveillée.
Sortir deux tasses, la boite de sucre. Elle s’appuie sur le bord de
l’évier, regarde par la fenêtre, regarde la cafetière, la pendule, la
vaisselle de la veille, regarde ses mains posées à plat, les doigts un
peu enflés par un reste de nuit, l’alliance qui creuse, prisonnière de
la chair. Elle se rappelle le mariage. La joie presque nerveuse dans
l’agitation des préparatifs. Tu es heureuse ? on lui demandait sans
cesse et elle répondait oui. Quoi d’autre ? Comment expliquer que
parfois, elle se sentait étrangère à tout ce qui se tramait. Oui, elle
était heureuse. C’est un devoir de l’être dans ces moments là. Ce sont
des choses qu’on ne remet pas en question. Les questions sont
fatigantes. Les souvenirs aussi.
Pour le mariage, l’homme avait voulu qu’elle porte une jarretière.
Qu’elle découvre sa cuisse dans ce jeu stupide. Elle avait accepté,
docile. S’était retrouvée debout sur une table, face aux invités
rapidement avinés qui jetaient leur monnaie dans une corbeille pour que
les jupons montent et montent encore. La femme tremblait. L’homme riait.
Un oncle a remporté le trophée, est venu l’enlever, égarant ses doigts
grossiers presque jusqu’à la culotte. Le lendemain matin, l’homme a
compté l’argent dans la corbeille. Il a dit qu’il n’y avait pas assez
pour s’offrir le voyage espéré. Petite amertume dans la voix. La femme
s’est sentie fautive. Cuisses pas assez jolies. L’homme a dit, on
s’achètera une télé, c’est bien aussi une télé. Elle a acquiescé. Elle
regardait souvent ses cuisses dans le miroir.
La télé a été remplacée. Les cuisses sont toujours là. Un peu plus
lourdes, un peu moins lisses, avec ce reste de culpabilité qui granule
la peau.
La femme ferme les yeux. La cafetière se tait. Il est temps d’aller
réveiller l’homme.
Mardi 4 juin 2013
VPC
Feuilleter
les pages glacées couleurs
d’un gros catalogue
de vente par correspondance
dresser une liste de tout
ce dont je n’ai ni envie
ni besoin
bien qu’on tente éperdument
de me faire croire
le contraire
Dimanche 2 juin 2013
L'humeur du dimanche : Have fun !
Vendredi 31 mai 2013
Be
right back, I need to change
Etre la nuit et tomber
sans faire de bruit
sans se blesser
Jeudi 30 mai 2013
Sécateur
Chaque jour, on taille les rêves comme des plantes
certains sont plus habiles que d’autres à l’exercice
parfois aussi, on refuse l’idée du sécateur
et c’est une anarchie bourgeonnante de buissons
sur lesquels on s’écorche
à chaque pas
Mercredi 29 mai 2013
Hotel room
Il faut bien ce lit d’une taille indécente pour supporter l’étendue de
mes rêves.
Il faut bien cette vaste chambre – vingt pas avant d’atteindre la baie
vitrée – pour que puissent cavaler mes émotions sans risque de
collision.
Et même la moquette épaisse éponge doucement mes coulures de sourires
comme on suce un bâton de réglisse.
C’est douloureux parfois, ce trop plein de bonheur, ça te déborde la
peau, ça te frissonne.
Je me glisse sous l’édredon joufflu.
Il pèse lourd et pourtant je sens mon corps s’envoler vers le blanc du
plafond comme une baudruche évadée.
Il est 3h au milieu de la nuit, les yeux pleins d’étoiles.
Je regarde le ciel sans fatiguer.
Un peu après 4h, il commence à blanchir.
Ma bouche dessine un sourire, du genre de ceux qui disent qu’on croit à
l’impossible.
[Photo Marlene T.]
Mardi 28 mai 2013
J'emmerde...
...le
petit chimiste, mais aussi la perfection, la vertu, les petites
annonces... à lire chez
Vents Contraires
Smile
[Photo Marlene T.]
Lundi 27 mai 2013
Les
choses ordinaires
Un poème de 24 heures en 72 pages, qui parle de choses
ordinaires? Vraiment?
[Extrait - Après la pause]
Fred écrase son mégot et s’éloigne je vais faire pleurer Paulo
on balance
nos gobelets en plastique
notre fierté
nos pensées
nos rêves flétris
dans la corbeille
on traîne nos semelles
sur la moquette usée du couloir
avec lassitude
un œil rivé à la montre
on s’autorise vite fait un détour vespasien
les hommes à droite
les femmes à gauche
la faïence propre et blanche
une cloison d’agglo en guise de frontière
Dimanche 26 mai 2013
Une
étoile dans la gorge
Émission de radio musicale et poétique diffusée sur "Radio
Soleil 35"
Playlist & Textes: Queen of the stone age - My god is the sun ->(Texte) Yannick Torlini - Nous avons marché avec en musique de fond:
Gyorgy Ligeti - Francis Travis Conducting The Bavarian Radio Orchestra -
Requiem For Soprano, Mezzo Soprano, Two Mixed Choirs And Orchestra (The
Monolith)
Marylin Manson - Great Big White World
STNNNG - Brain-dump ->(Texte) Marlene Tissot - Salle d'attente DJ Shadow - Devil's Advocate (Heaven vs. Hell - Bonus Beat)
The Experimental Tropic Blues Band - Sex Games ->(Texte) Marlene Tissot - Promesses Lapalux - Without You (ft. Kerry Leatham)
Massive Attack - Girl i love You ->(Texte) MulM - La première fois dans le café Anna calvi - first wet kiss ->(Texte) Stéphane Bernard - une île Songs Ohia - Lioness ->(Texte) Anton Karmazoe - ne plus dormir Jeff Buckley - Grace
Cliquer
sur le
lien pour écouter en podcast, ça vaut le coup d'oreille !
Mercredi 22 mai 2013
Eté 80. Camping.
David m’attend à l’extérieur de la tente. Il pleure. Un de ses
Playmobils est mort. Sa tête est tombée. Je lui dis qu’il a été décapité
à cause de la peine de mort parce qu’il avait fait une bêtise très
grave. Ça se passe comme ça, quand tu fais des choses interdites par la
loi, on t’amène devant un juge et il te fait décapiter. David prétend
que je raconte n’importe quoi alors je lui explique l’histoire de cet
homme dans le livre que maman a lu. C’est un homme qui est accusé d’être
un assassin, il y a des preuves qui disent qu’il est coupable et
d’autres preuves qui disent qu’il est innocent mais le juge décide qu’il
est surtout coupable et qu’il mérite qu’on lui coupe la tête. Alors un
matin on installe l’homme devant une guillotine. Le soleil se lève, la
lame tombe, la tête roule par terre et après il est trop tard pour
vérifier s’il était coupable ou innocent. David me demande de quoi était
coupable son Playmobil. Je lui réponds qu’il a volé toute la nourriture
et que c’est à cause de lui qu’on meurt de faim. David reste silencieux
un moment puis il demande si son jouet a droit quand même à un
enterrement. Je lui dis que oui et qu’on va s’en occuper mais qu’il faut
déjà trouver un endroit. On choisit le pied d’un grand arbre à l’écorce
lisse sur le bord de la forêt. On fait un trou, on fabrique un cercueil
dans une boite d’allumettes et on l’enterre là, avec une petite croix en
bois et une pierre plate. Puis quand on a terminé la cérémonie, David
fait caca sur la tombe en riant. Il dit que les coupables, ils ne
méritent rien de mieux. Je hausse les épaules. On ne sait jamais avec
certitude que les coupables sont coupables, je lui rétorque et David
pleurniche. Il voudrait déterrer son Playmobil pour essayer de le
réparer plus tard, quand on rentrera à la maison. Mais il ne peut pas, à
cause du caca sur la tombe. Je lui prends la main et lui dit d’arrêter
ses bêtises. Les morts, on ne les répare pas, on les oublie. [Extrait
d'un truc en cours]
Mardi 21 mai 2013
Vice
sans versa
Au
commencement, il y a forcément quelque chose
Mais les choses n’ont pas forcément de commencement
Face au vide
[Ferry to Dover, Photo Marlene T.]
Lundi 20 mai 2013
Se
hâter
D’où sont tombées toutes ces années
qui m’encombrent la vie
alors que j’ai l’impression d’être encore
si terriblement près du début
tandis qu'on me serine qu’il serait temps
de se hâter
Oui mais pour aller où ?
Et pour faire quoi ?
Dimanche 19 mai 2013
L'humeur du dimanche : Accoucher du jour, sans forceps
Samedi 18 mai 2013
Les
poubelles obèses
A l’arrière du supermarché, il y a des poubelles
des containers pleins jusqu’à la gueule
de marchandises périmées
qui ont pourtant encore belle allure
qui pourraient rassasier sans empoisonner
tout un tas d’affamés
mais deux types viennent
armés de cutter et de bouteilles de Javel
et comme des mômes qui jouent à la guerre
ils éventrent et lacèrent
ils arrosent au toxique
comme le chien pisse pour marquer sa propriété
ici, personne ne touche
personne ne prend
ici, il y a à manger mais on peut crever la gueule ouverte
à côté des poubelles obèses
et les gars disent, c’est pas notre faute, c’est le boss qui décide
et le boss dit, c’est pas moi, c’est la loi qui le veut ainsi
et la loi dit – non, elle ne dit pas !
elle s’agenouille et lèche les couilles des grands manitous de
l’agro-alimentaire
ceux qui multiplient les pains, mais pas pour tous
seulement pour ceux qui payent
[pour
FPDV, n°39 "Supermarket",
avec une illus' à voir sur place]
Vendredi 17 mai 2013
De
lui
Par sa bouche les mots coulent
comme un serpent de flotte dru
robinet ouvert au maximum
et je n’entends rien d’autre
qu’un bruit d’eau
pas le sens
pas les mots
il y en a trop
trop vite
sans ponctuation
sans bulle de silence
pour reprendre son souffle
des litres de mots
un flot de paroles
sa bouche qui fuit comme si défectueuse
ou alors peut-être est-ce le trop plein de
son lavabo de pensées qui déborde
il est comme une éponge enflée
qui dégorge son jus sans même qu’on la presse
il gicle du verbe comme on pisse sa bière
il parle et sans doute
si je n’étais pas là
ça n’y changerait rien
parce que ce n’est pas à moi
mais de lui
qu’il parle
Get a life
[Londres, photo Marlene T.]
Jeudi 16 mai 2013
Pater, mater, et cetera
L’atavisme me fait peur
comme un cancer incurable
une bête planquée sous ma peau
qui guette
compte chacun
de mes faux pas
et rit de ma lutte
contre un moi destiné
– décidé ? –
à devenir eux
malgré moi