Nobody loves you when you're down and out
Nobody sees you when you're on cloud nine

 

Nobody loves you (when you're down and out), John Lennon



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Vieilleries

 


[L'auteur]

Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi. Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des sujets un peu moins osés.

 


 

[Editions]

 

 

Mailles à l'envers
Editions Lunatique, collection Romans

Primé au festival Premier Roman de Laval
 


Sélectionné pour représenter la France au Festival Européen du premier roman à Kiel


 

Les choses ordinaires
Kiss My Ass Editions
 


 

Mes pieds nus dans tes vieux sabots bretons, collection 8pA6 de La Vachette Alternative


 

 

Nos parcelles de terrain très très vague, Éditions Asphodèle, Collection Minuscule

 

disponible également via Fnac, Chapitre, Amazon,

Place des Libraires
 

 

London Trip Diary, At Home Editions

 


disponible via

 

 

Celui qui préférait respirer le parfum des fleurs, collection 8pA6 de La Vachette Alternative

 

 



 

[Parutions en revue]

 

A la dérive - L'Angoisse - Charogne - Chos'e - Dissonances - Interlope - Interruption - Katapulpe - L'Autobus - Levure Littéraire - Mauvaise graine - Microbe - Magnapoets - Nouveaux Délits - Revue Squeeze - Traction Brabant - Trace écarT - Le Zaporogue 


 

[Participations]

 

CroutOthon - FPDV - Le Quotidien des Martyrisés - Les 807 -  Les Etats Civils - Les Histoires Noires - OnLit - Sistoeurs.net - Vents Contraires - Vous dites ? 
 



[Email]

 

marlene.tissot@gmail.com
 

[Marlène ailleurs]

 

Sur Flickr
Sur DIYZines
Sur Les Etats Civils
Sur Sistoeurs.net
Sur On Lit
Sur Vents Contraires
Sur Fulgures.com

 


 

[Liens]

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Samedi 29 septembre 2012

Avant le soleil

Extérieur. Nuit - ou presque. Le ciel prend timidement une couleur laiteuse. Je suis accoudée au bout de la digue. La mer est haute. Sur un bateau ancré à petite distance, un vieil homme brique le pont de son embarcation. Je le regarde faire. Lui ne me regarde pas, mais je sens, à sa manière de s’arranger pour me tourner le dos, qu’il devine ma présence.

Sans doute a-t-il passé la nuit là, étendu sur la couchette étriquée d’une petite cabine. Peut-être pour fuir quelqu’un ou quelque chose. Peut-être simplement pour laisser la mer bercer son sommeil. Un marin reste un marin jusqu’au dernier instant. Sous ses pieds, la terre est toujours trop immobile, trop rigide. Trop bruyante aussi, de ces sons mécaniques et bavards qu’on oublie au large. Là-bas, il y a le chant du vent et les moqueries des mouettes et les gifles de l’eau sur la coque du bateau. Une musique vaste et bleue.

Le vieil homme se redresse et fixe l’horizon en massant ses reins. Le soleil est sur le point d’émerger. L’homme se retourne et son regard se plante dans le mien comme un hameçon dans la gueule du poisson. Sa manière de me faire savoir que ma présence agace sa solitude. Alors je m’éloigne discrètement, poursuivant ma promenade vers le chemin des douaniers. L’eau recule mine de rien et le ciel s’éclaircit avec cet air presque étonné de l’enfant qui s’éveille. Le vent enfle, les mouettes s’agitent, la vie s’ébroue. Encore un matin à me lever avant le soleil. [Extrait d'un autre truc en cours...]


Green line


[Photo Marlene T.]
 


Vendredi 28 septembre 2012

Les souvenirs dans le désordre

Je revois la scène avec une acuité troublante. Dans la petite cuisine de votre habitation près de l’école. Par la fenêtre, le ciel bleu et les marronniers qui dansent dans le silence d’un mercredi après-midi. Sur le buffet, deux poissons orange nacré dans leur bocal. Ils s’agitent en espérant les pétales nourriciers que je leur distribue parfois en fin de journée. À travers le verre de l’aquarium, ils me regardent sans me voir. Je les regarde sans rien comprendre à leur chorégraphie. Puis j’étale, sur la toile cirée de la petite table, un train de gaufrettes à la vanille. Sur chacune d’elles, un court texte que je lis. Je change l’ordre des biscuits. Je fabrique des histoires sans queue ni tête que je finis par croquer en faisant plein de miettes. Ensuite, l’odeur de poudre de lessive dans laquelle on fourrage pour en extraire le cadeau surprise. Une petite figurine qui m’émerveille au moins quelques secondes. Plus tard, la promenade. Le reflet des façades sur les trottoirs humides. Le jour qui baisse. Les feuilles rousses. Les marrons lisses et brillants que je fourre dans mes poches. Fin du souvenir.
[Extrait d'un autre truc en cours...]
 

Comme un viol en douceur


[Merci aux editions Lunatique pour cette belle réalisation]
 


Jeudi 27 septembre 2012

Un cadeau

Ils disent, la vie c’est un cadeau. La vie on te l’a donnée.
Et tu te sens un peu obligé de remercier, même si tu sais pas trop quoi en foutre de cette chose-là. La vie. C’est posé là, emballé dans ta peau, vaguement encombrant. Il n’y a pas de mode d’emploi. Peut-être bien qu’il faut des piles, du courant, de l’essence, de l’alcool, une manivelle pour remonter le mécanisme et puis on se met à avancer tout droit, tout raide comme un petit soldat. Je n’y comprends rien.
Ils disent, la vie c’est un cadeau. La vie on te l’a donnée.
Et c’est un peu comme s’ils t’avaient refourgué un truc foireux, une montre qui tictaque mais n’indique pas l’heure. À quoi ça sert ce bruit ?
Ils disent, c’est la musique du cœur.
Je n’y comprends rien.
 

Well, I'm a fucking idiot (sometimes)


[Photo Marlene T.]
 

Borbotruc

Ce jeudi, la belle petite revue Borborygmes organise au MOTif (Paris 19) un "borbotruc à l'intention des bibliothèques"

Le pianiste Bertrand Ravalard dirigera la partie musicale de la soirée et les comédiens Guillaume Cesbert, Muriel Chamak et Michela Orio donneront pour ce Borbotruc au MOTif, leurs interprétations des textes suivants :

Sans titre / Borborygmes n° 19 – Mathieu Germe
On verra par la suite / Borborygmes n° 8 – Michela Orio
99 notes préparatoires aux premiers outrages / Borborygmes n° 19 – Frédéric Forte
Une raison valable / Borborygmes n° 13 – Julien Derôme
L’enfant des bois / Borborygmes n° 21 – Thomas Vinau
Futile / Borborygmes n° 21 – Marlène Tissot
Migraine Céphalée / Borborygmes n° 18 – Alban Orsini
Nulle part ailleurs que sur terre / Borborygmes n° 21 – Stéphane Dauvillé
Vous pouvez disparaître / Borborygmes n° 7 – Stéphane Delavet

Une belle soirée en perspective !
Et je ne suis pas peu fière d'y savoir mon Futile joliment lu...
 


Mercredi 26 septembre 2012

Tuer les mouches

Papa regardait les gens comme il regardait les mouches qu’il s’apprêtait à tuer. Sans doute, certaines personnes l’agaçaient autant que ces foutus insectes. Alors, il avait cette noirceur au fond des yeux et sa respiration lentement sifflante et son dos tout raide. Ça lui donnait l’air appliqué du chasseur qui ne veut surtout pas manquer sa cible.

Papa regardait les gens comme ça. Ce pouvait être un voisin sur le seuil de la boulangerie. Ou n’importe qui d’autre, à n’importe quel endroit. Quelqu’un qui parlait de trucs qui fâchent, quelqu’un qui parlait trop tout simplement, quelqu’un qui faisait chier, quoi. Alors papa se contentait d’afficher un silence aussi désagréable que possible. Il restait immobile et froid jusqu’à ce que l’autre fasse une pause. Et, comme on n’attrape pas une personne dans sa main pour la broyer, il s’en débarrassait en l’écrasant sous le poids de son mépris.

Papa regardait les mouches qu’il s’apprêtait à tuer, comme ça. Il les suivait des yeux le temps qu’il fallait. Il étudiait leur parcours, jaugeait leur rapidité. Il ne bougeait pas. Puis soudain son bras fendait l’air avec la rapidité d’un ressort qu’on libère. Il ratait rarement son coup. Au creux de sa main, il écoutait la bestiole affolée vrombir quelques instants avant de serrer le poing. Ensuite, il essuyait sa paume contre son pantalon avec un petit air satisfait.

Parfois le soir, je pensais aux restes de mouche morte étalés sur le pantalon de papa et dans sa main. Je trouvais ça écœurant. De la chair de mouche écrabouillée dans la main que papa baladait partout sur moi. Ça me dégoûtait et j’y pensais, j’y pensais aussi fort que possible pour oublier un peu ce que papa faisait. Je me concentrais sur la mouche crevée. Il n’y avait plus que la mouche crevée. Et ça me dégoûtait tellement que j'oubliais presque papa. Presque.
["Les voix", roman en cours de tricotage]


I'm dying to die


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 25 septembre 2012

Plusieurs jours
 

Marée haute.
Marée basse.
Je regarde cette vaste étendue d'eau aller et venir à intervalles réguliers. C'est comme s'il y avait plusieurs jours à l'intérieur du jour. Comme si le temps ralentissait. [Extrait...]


Dunes


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 24 septembre 2012

J'emmerde les post-it

Note pour plus tard:
il n'y aura peut-être pas
de plus tard


Le ciel dans une flaque


[Photo Marlene T.]
 


Samedi 22 septembre 2012

Deux mères

La vie ne devait pas être facile tous les jours pour maman et, parfois, c’était comme si elle m’explosait sa frustration et son désespoir au visage. Dans ces moments-là, quoi que je dise ou fasse, elle devenait quelqu'un d'autre. Une femme brisée et enragée, prête à tout pour prouver qu'il y avait au moins une chose dans sa vie qu'elle savait dominer. Alors elle cognait dur, sacrément dur bordel ! À me foutre le nez en sang, m’exploser la lèvre, laisser des traces bleues sur mes joues, mes épaules, mes jambes.

Quand l’instit’ me demandait ce qu’il m’était arrivé, je racontais que j’étais tombé, ou bien que je m’étais bagarré avec un autre môme. Personne n’a jamais rien soupçonné. Faut dire, maman souriait si joliment à la sortie de l’école, elle bavardait avec les autres mères et m’ébouriffait les cheveux en me traitant gaiement de petit diable. Tout le monde savait que chez nous il n'y avait pas de père. Tout le monde trouvait maman très courageuse, très digne.

Moi, j’avais l’impression d’avoir deux mères. Celle du dehors et celle du dedans, lorsque notre porte était fermée et que plus personne ne pouvait nous voir. L’une d’elles, probablement, m’aimait sincèrement. J’ignore laquelle. ["Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Kids are all right


[Photo Marlene T.]
 


Jeudi 20 septembre 2012

La gueule du serpent

Je monte dans le train. Sans grand enthousiasme. Vaguement inquiet.

Aussi étrange que cela puisse paraître, je n’ai jamais voyagé à bord de ces engins. Quand j’étais môme, pour les vacances, maman et moi on grimpait dans la vieille bagnole de tonton et on filait vers des paysages différents. Il y avait du ciel et de la mer et des tas de gens qui semblaient sourire sans arrêt. Comme si l’été rendait tout plus facile, comme si le soleil faisait fleurir la joie.

Puis un beau jour, tata s’est barrée avec les cousines. Et tonton a fini par foutre le camp d'ici, lui aussi. Maman disait que c’était aussi bien ainsi, qu’elle en avait ras-le-bol de le voir chialer sans arrêt. Alors, on n’est plus jamais partis nulle part, elle et moi. Les vacances, c'était juste un trou de soleil un peu plus large entre les nuages.

Je monte dans le train et j’ai l’impression d’être un rongeur fonçant de son plein gré dans la gueule d’un serpent. Je ressortirai par son trou du cul, à l’autre bout du pays, pour aller voir maman. Ça fait combien d’années ? J’ai pas compté, mais elle n’a pas dû s’en priver...
["Les voix", roman en cours de tricotage]


Read my feet (l'aventure continue)
[Pour la première partie de l'album, c'est ici que ça se passe]


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 19 septembre 2012

Les petites exigences

Je n'attends rien des autres
j'aimerais qu'ils en fassent autant
à mon égard


Vivant !


[Valence septembre 2012, Photo Marlene T.]
 


Mardi 18 septembre 2012

Careful what you dream...


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 17 septembre 2012

Le reflet

Parfois je fais ça, je me regarde dans le miroir. Je plante mes yeux profond dans le reflet de mes yeux. Je me jauge, je me juge, je me poignarde l’âme. Je me regarde en train de me regarder, assez longtemps pour plus rien ressentir. Pour ne plus rien voir d’autre qu’un inconnu. Pour prendre de la distance. Pour m’oublier.
Je me regarde dans le miroir et je disparais.
["Les voix", roman en cours de tricotage]
 


BSC News

Une chouette chronique sur Mailles à l'envers
dans le dernier BSC news à lire en page 140


 


Samedi 15 septembre 2012

Ce qui nous ressemble

Extrait d'un petit texte typographique à lire dans le mag' L'Ampoule, téléchargeable ici, avec un sommaire chaud comme un été indien !

[...]


[...]



Arachnophilie (18)



[Photo Marlene T.]
 


Vendredi 14 septembre 2012

La chute

Ça fait cet effet-là, parfois
tu tombes
et tu penses qu’il suffira de se relever
que ce n’est pas très compliqué finalement
et puis
tu appuies sur tes bras
sur tes jambes
tu pousses et
en te redressant
tu sens ce léger vertige
le déséquilibre
l’absence de matière
le vide
le rien
alors tu comprends
que tu n’as pas encore fini de tomber
que c’est une chute longue
et lente
et tout est sombre en dessous
tout est loin
mais tu n’as pas vraiment peur
tu te demandes simplement
combien de temps encore avant
l’atterrissage
avant la douleur - peut-être - du solide à nouveau
tu te demandes aussi
si tu auras la force
de refaire tout ce chemin à l’envers
revenir à la surface
à la lumière
à l’ordinaire


Blue morning


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 12 septembre 2012

Le dieu-chien

Les hommes ne veulent pas d’un dieu tout puissant, ils veulent un dieu docile, un dieu qui rapplique dare-dare dès qu’on l’appelle, comme un clébard, et puis qui obéit, assis-couché-va-chercher-donne-la-patte. Un dieu-chien qui deviendrait complètement cinglé avec des humains-maîtres par wagons ordonnant fais ceci, empêche cela. Tout un tas de connards exigeants et prêts à lui coller une muselière s’il lui venait l’idée de montrer les dents. Alors si un dieu existe quelque part, ça te surprend qu’il préfère rester planqué ?
["Les voix", roman en cours de tricotage]


Arachnophilie (17)


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 11 septembre 2012

J'emmerde les conflits

L'un contre l'autre
ne signifie pas nécessairement
qu'il y a antagonisme
 

Etoile


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 10 septembre 2012

J'emmerde les apparences trompeuses

Rester en vie
ce genre de petites choses
qui ressemblent à une évidence
 

Hope & dream


[Photos Marlene T.]
 


Samedi 8 septembre 2012

Faire rire les gens

Le rouge qui monte aux joues
comme une giclée de sang impossible à nettoyer
assassin, assassin !
le timide est un tueur
d'émotions
de sentiments
de tout ce qui peut exciter le coeur
et provoquer ces souillures
ces éjaculations sanguines qui vinassent la face
et font rire les gens

 

"Pour passer inaperçu, j'ai pris la couleur des murs"

Je me souviens de chacun de vos mots. Je me souviens comment vous me les avez plantés dans le corps. [...] Quand vous parliez, je scrutais votre bouche, effaré que vous recouriez à cet instrument de torture avec tant de désinvolture. [in Blast II de Manu Larcenet]


 


Vendredi 7 septembre 2012

Devenir l’automne

N’oublie pas de tomber
de temps en temps
ne serait-ce que pour le plaisir
de constater que tu as la force
de te relever


Show me the light


[Valence septembre 2012, Photo Marlene T.]
 


Jeudi 6 septembre 2012

Le désordre

Qu’est-ce que j’ai fait, qu’est-ce que j’ai fait ? se demandait Franck quand il était môme, quand maman hurlait et cognait et exigeait des réponses qu’il n’arrivait pas à trouver parce que c’était la tempête et le désordre et tout était en pièce dans sa tête. Alors il tentait de construire des phrases avec les morceaux brisés. Il faisait des puzzles et il les étalait là jusqu’à trouver une image qui calmerait maman.

Ensuite, il fallait ranger, ranger ses idées, remettre les choses en ordre dans sa tête comme on retendrait un lit, comme on poserait des jouets sur une étagère, et c’était pas facile avec tout ce foutoir. A chaque fois, il avait l’impression que des morceaux manquaient, que le vide enflait. Tout était bancal et tordu. Mais ça tenait debout. Il ficelait tout ce qui restait comme il pouvait en attendant le prochain ouragan maternel.
["Les voix", roman en cours de tricotage]

 

Le voyageur change ses yeux, le touriste ses billets !
[Blast, Manu Larcenet, ed. Dargaud]


 


Mercredi 5 septembre 2012

J’emmerde les voyages cathodiques

Voyager aussi vite
que les images sur
les écrans de télévision


Take my brain away


[Berlin, Photo Marlene T.]
 


Mardi 4 septembre 2012

Le brasier

Au début il y avait le silence. Et puis le feu s’est mis à ronfler, crépiter, siffler. Les volets fondaient et les murs commençaient de craquer. Ensuite seulement, il y a eu les cris, mais ils n’ont pas duré très longtemps. Dan observait, planqué dans les fourrés à quelques centaines de mètres. Il souriait large et blanc, comme s’il avait mâché un troupeau d’étoiles. Il se sentait puissant, il se sentait Dieu, il était un sauveur. Mary n’aurait plus rien à craindre dorénavant.
Le brasier est devenu gigantesque, comme un soleil qui se serait écrasé-là par erreur, au beau milieu de la nuit. Quelques lumières se sont allumées dans les maisons voisines, des curieux, derrière leur fenêtre, qui auraient, pour une fois, quelque chose de pas banal à raconter à la boulangère demain matin. Dans le lointain, une sirène de pompier annonçait sa venue. Mais il ne restait probablement plus personne à sauver.
["Les voix", roman en cours de tricotage]


Arachnophilie (16)


[Valence juin 2012, photo Marlene T.]
 


Lundi 3 septembre 2012

Le goût de la pluie

Voler la chaleur de ta peau
pour remplacer l'été disparu
j'imagine que la pluie
aurait un meilleur goût
si je la buvais dans ta bouche
 

It's time to dive (19)


[Paris juin 2012, photo Marlene T.]
 


Dimanche 2 septembre

J'emmerde l'équitation

On ne galope pas très loin
en  étant à  cheval
sur ses principes
 

Where shall we go now ?


[Berlin, Photo Marlene T.]
 


Samedi 1er septembre

Have you seen the light ?

Quelques images et un peu de poésie pour l'édito de septembre sur FPDV où la lumière sera... le thème du mois !
 

Clic


[Valence, juin 2011, Photo Marlene T.]
 


Vendredi 31 août 2012

« Ça n’arrive qu’aux vivants »

Après que Mary m’ait raconté son histoire de poupée je me suis senti drôle et vide. Pas tout à fait vide mais plutôt comme si on avait remplacé mon sang par de la bourre, celle qu’on fourre à l’intérieur des poupées de chiffon pour leur donner un semblant de forme humaine. Je me sentais mort dedans, à me demander quelle force pouvait habiter Mary pour qu’elle ait survécu à tout ça.

Et puis j’ai repensé à maman que j’avais si longtemps et si bien déguisée en monstre dans mon imagination. Les souvenirs, soudain, se délitaient. La douleur, la peur, la honte, ça n’arrive qu’aux vivants. J’étais vivant. Alors que Mary s’était fait dévorer le cœur et l’âme par son père sans que personne ne remarque rien, sans personne pour la défendre.

Alors peut-être bien, ouais sans doute, qu’il méritait de clamser, ce salopard de paternel. Et le type, ce type dont parlait Mary, devait contenir une sacrée dose de rage doublé d’un amour gigantesque pour décider, comme ça, d’aller crever le vieux, avec juste ses bras transformés en baguettes magiques. Un type avec assez de forces dans le cœur pour terrasser le monstre et rendre à Mary sa liberté. Pour faire d’elle une princesse.
["Les voix", roman en cours de tricotage]


It's time to dive (18)


[Babel, Photo Marlene T.]
 


Jeudi 30 aout 2012

J'emmerde les mines de plomb

l'imagination
c'est les crayons de couleur
dans la trousse du quotidien


It's time to dive (17)


[Lemon-submarine, Photo Marlene T.]
 


Lundi 27 août 2012

La poupée

La première fois que papa est venu dans ma chambre, dans mon lit, dans ma peau, avec ses gros doigts, je n’ai pas compris. J’ai compris que ce n’était pas normal parce que ça faisait mal. J’ai compris aussi qu’il fallait se taire. Ne pas crier, ne pas pleurer. Garder tout ça secret. Mais je n’ai pas compris le sens de son geste.

Jusqu’ici, à chaque fois que maman ou papa faisait quelque chose, c’était pour une bonne raison. C’était utile. Comme passer l’aspirateur, répondre au téléphone, faire des commissions, aller au travail, réparer la machine à laver. Alors j’ai essayé de comprendre. Je me disais que peut-être papa cherchait quelque chose caché dans mon ventre. Un secret ou un trésor.

Par curiosité, j’ai planté des ciseaux dans le ventre de ma poupée. Il n’y avait rien de particulier, juste de la ouate blanche et soyeuse qui s’effilochait. Je me disais que peut-être dans moi c’était pareil, doux et cotonneux, et que c’était pour ça que papa voulait y toucher. Parce que sûrement, quand on grandit, on n’a plus cette douceur duveteuse et rassurante à l’intérieur de soi et ça rend triste.

Je ne voulais pas que papa soit triste. Alors j’ai décidé que s’il revenait avec ses doigts, je lui prêterai ma poupée, avec son ventre troué aussi doux que le mien. Et comme ça, il me ficherait la paix.
["Les voix", roman en cours de tricotage]
 


Dimanche 26 août 2012

L'humeur du jour

C'est quand plus rien ne semble possible
que tout devient envisageable


 


Samedi 25 août 2012

J'emmerde les cures de jouvence

Vieillir
c'est voyager
dans le temps


Beds are burning


[Photo Marlene T.]
 


Jeudi 23 août 2012

J'emmerde les fins de moi difficiles

Les débuts n'étaient déjà pas commodes
alors est-ce qu'on pourrait, s'il-vous-plait
me laisser finir en paix ?
 

It's time to dive (16)


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 22 août 2012

Revue Diptyque

Le n°3 de la revue Diptyque est chez l'imprimeur. Au sommaire :
Couverture : Raphaële Colombi
Dossier sur Anne-Lise Blanchard avec une introduction de Gérard Paris, d’Alain Wexler et d’I. Raviolo,
Nouvelles, récits, proses
de Sylvie Durbec, Marianne Brunschwig, Roland Ladrière, Michel Brosseau, Chris Simon, Sabine Huynh, Cathy Garcia,
Contributions artistiques de Anne d’Huart, Pierre Gaudu, Valérie Buffetaud, Marlène Tissot, Antoine Josse, Chantal de Meyer
Notes critiques et lectures par Philippe Leuckx, Angèle Paoli, Sabine Huynh.
Anthologie poétique “Entre Deux”, avec Déborah Heissler, André Rougier, Eric Dubois, Marlène Tissot, Armand Dupuy, Sylvie Saliceti, Fabrice Farre, Philippe Leukcx, Sabine Huynh, Roselyne Sibille, Arnaud Delcorte, Lucie Pasquiou, Yannick Torlini, Daniel Leduc, France Burghel-Rey, Hafsa Saifi, Mathieu Baumier, François Teyssandier, Roland Dauxois, Laurent Campagnolle, Jean-Marie Sapet, Angèle Paoli, Luc Baba, Sylvie Fabre, Marc Menu.
Une approche de l’entre-deux chez Kafka par Pascal Gibourg
Chantier de poème par France Burghel-Rey
* Pour commander le numéro, 13 euros en librairie ou de la main à la main, 13 euros en expédition (frais de port compris), 25 euros en abonnement de deux numéros : revuediptyque@yahoo.fr, sujet : abonnement ou co
mmande.
 

J'emmerde le champ lexical de l'obéissance

Interdictions - règles - ordre - limites
et tout ce qui trace des frontières invisibles
qui enferment l'imagination


It's time to dive (15)


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 21 août 2012

J'emmerde les espoirs longue distance

On souhaite des choses avec les yeux tournés vers le ciel
comme si tout ce qui se trouvait à hauteur de poussière
ne méritait rien de mieux que le mépris de nos semelles
 

Il y a presque 10 ans
 

Chronique d'une manif contre la guerre en Irak, février 2003. Un petit fanzine photos home-made dispo sur la plateforme DIY-Zines

 


Lundi 20 août 2012

Les premiers rayons

Mary débarque au cimetière juste avant les premiers rayons du soleil. Le ciel prend déjà cette couleur laiteuse qui annonce l'arrivée jour. Mary dit qu’elle ne veut pas rester seule. Elle dit que c’est à cause de ce type et Franck hoche la tête, même s'il n'y comprend pas grand chose. Il n'est plus qu'à quelques miettes de terminer sa nuit. Ensuite, ils iront préparer du café. Il ne pose pas de questions. Mary parlera, il le sait. Pour l'instant, elle tremble, comme si son corps pleurait des vibrations, des larmes solides que ses yeux n’auraient pas la force d’écluser. Bientôt, dans le silence, elle pourra lentement s’apaiser.

En arrivant à l’appart’, Franck prépare le filtre et la mouture et Mary très vite s’endort sur le sofa, enroulée dans une couverture, comme un insecte dans son cocon de soie. Alors Franck se sert un café et s'assoit là, pas très loin, comme pour la veiller, un peu inquiet et aussi un peu étonné de ressentir cette inquiétude douce. Il n’ose pas sortir les bières ni les biscottes. Il gobe un cachet vite fait pour juguler l’angoisse. Il se dit, c’est pas le moment de jouer au con, pour une fois qu’il peut être utile à quelqu’un. Pour une fois qu’il se sent presque fort.
["Les voix", roman en cours de tricotage]


It's time to dive (14)


[Photo Marlene T.]
 


Dimanche 19 août 2012

J'emmerde la séduction

Vouloir plaire
Prendre les yeux des autres
pour des miroirs
 

It's time to dive (13)


[Photo Marlene T.]
 


Samedi 18 août 2012

J'emmerde les prophéties

Et s'il s'agissait de préserver
ce qu'on a sous la mains
avant de songer à refaire le monde ?



[Photo Marlene T.]
 


Jeudi 16 août 2012

J'emmerde les combats ordinaires

La violence est
le meilleur déguisement
de la faiblesse
 

Rouge sang et ciel d'acier


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 15 août 2012

J'emmerde les dérèglements climatiques

Avis de sècheresse sur la région du coeur
l'aridité est sur le point de s'étendre
à tout le territoire des émotions
 

Holidays


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 14 août 2012

J'emmerde les gabarits

Celui qui pisse le plus loin
n'a pas forcément la plus grande
et réciproquement
 

S'arrimer au temps, jusqu'à en perdre la tête


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 13 août 2012

J'emmerde les transitions matinales

Quelques regrets dissous dans le café
un discret surcroît d'amertume
fondu au noir
 

Les bonnes résolutions


[Photo Marlene T.]
 


Dimanche 12 août 2012

J'emmerde le tapage

Certains bonheurs
claironnent leur victoire
un peu moins fort que d'autres
 

You are an illusion


[Photo Marlene T.]
 


Samedi 11 août 2012

Les chips

C’était bien, les dimanches matin. Presque comme si papa n’existait plus. Il s’en allait au café du coin pour rejoindre ses potes et c’était, pour moi, un peu de paix et de silence. Puis il rentrait, pas très loin avant midi, avec son air goguenard et une odeur de bière et tabac brun. Il s’installait devant la télé. Maman lui apportait un sac de chips et une bouteille de rouge qu’il lapait directement au goulot. Il s’enfonçait lentement dans le sofa en regardant une émission de foot. Les chips craquaient dans sa bouche entre les cris de victoire et de défaite. Des tas de chips. Et certaines tombaient entre les coussins tandis que le tapis, sous la petite table vitrée, absorbait les bavures de vin. Papa oubliait maman et le repas qui cuisait. Papa m’oubliait et j’aurais aimé que la vie ne soit faite que de dimanches matin.

L’après midi, parfois, lorsqu’il faisait beau temps, nous allions nous promener au bord du canal. Maman sortait une vieille couverture et un gâteau raté qu’il fallait manger quand même, pendant que papa ronflait. Le temps passait, un peu trop vite et maman tricotait et je ramassais quelques fleurs, puis le soleil tombait déjà. Nous devions rentrer, reprendre place entre les murs étriqués. Je tentais de marcher le plus lentement possible le long du canal. Nous croisions des familles qui disaient bonjour en souriant. Nous disions bonjour, en souriant aussi. C’était ce qu’il fallait faire. Il n'y avait rien d'autre, vraiment rien d'autre à faire pour se sortir de là, pour enrayer la machine.

Puis le soir venait et, dans les dernières lueurs du dimanche, tout s’accélérait. Papa était partout. Sa voix, son odeur, ses regards qui glissaient sur moi. Maman préparait un souper froid et nous dînions devant la télévision en regardant une vieille série américaine avec des rires enregistrés qui camouflaient nos silences. Elle tenait particulièrement à ce genre de rituels, maman. Comme s’ils lui donnaient l’illusion que nous étions une famille ordinaire. Et moi, je fixais l’écran jusqu'à faire presque disparaitre tout le reste autour. Mais sur les coussins du sofa, les chips oubliées de papa me griffaient les cuisses. Bientôt, ce seraient les mains égarées de papa, ce seraient d’autres blessures, moins visibles et pourtant, plus profondes. ["Les voix", roman en cours de tricotage]


Arachnophilie 15


[Photo Marlene T.]
 


Vendredi 10 août 2012

J'emmerde les nuits qui ne mènent nulle part

Hier était un paysage différent d'aujourd'hui
demain est encore vierge de nos pas, territoire inexploré
On raconte que les frontières se planquent à la racine des rêves
 

Traverser la nuit sur la pointe des pieds


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 7 août 2012

J'emmerde le conformisme

La vérité des uns
ne doit pas nécessairement
devenir celle des autres
 

Dieu-Dollar


[Berlin, Photo Marlene T.]
 


Lundi 6 août 2012

J’emmerde les quêtes absurdes

Aller chercher
son temps perdu
au bureau des objets trouvés
 

Forever


[Berlin, Photo Marlene T.]
 

Forever too


 


Dimanche 5 août 2012

Des Borborygmes et une Traction Brabant
 

Traction-brabant n°47 vient de paraître. Au sommaire du poézine de Patrice Maltaverne :
Pierre Anselmet, Régis Belloeil, Marlène Tissot, Morgan Riet, Pierre Vella, Michel Talon, Jean-Michel Hatton, Christophe Durand-Le Menn, Jean-Baptiste Pedini, Jacques Ceaux, Xavier Le Floch, Christophe Petit, Marc Bonetto, Laura Vazquez, Jacques Lucchesi, Mu LM, Thomas Vinau, Jacques Cauda, Sebastien Cochelin, Delphine Gest, Roque Dalton, Alain Minighetti, Christophe Levis, Olivier Millot, Jean-Marc Thévenin, Didier Trumeau, Salvatore Sanfilippo, Jean-Jacques Nuel, Bernard Deglet et Patrice himself !

Borborygmes 21 arrive avec au sommaire :

Stéphane Dauvillé: Nulle part ailleurs... chapitre 2
Robin Czarniak: 2 poèmes
Myrto Gondicas: Courbes chez le ramier
Emmanuel Steiner: Déchet humain
Thomas Vinau: L’enfant des bois
Junie Terrier: Passage
Caroline Cranskens: Il manque une lettre
Marlène Tissot: 4 poèmes
Yoni Afrigan: Terre parlée
Patrick Aveline. Rectangle
IMAGES Muriel Chamak. Garage Roger

 


Être libre


[Photo Marlene T.]


Vendredi 3 août 2012

Superfétatoire
 

Les inquiétudes sont un peu comme la philosophie : des questions sans réponses auxquelles on accorde sans doute trop d'importance.


Life can be easy


[Photo Marlene T.]
 


Mercredi 1er août 2012

Posséder

Les choses qu’on tient fermement
étranglées au bout d’une laisse
sont souvent celles
qui s’échappent en premier
 

Oiseau de nuit


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 31 juillet 2012

Guillotine-sky

C’est un de ces jours où
le ciel a des troubles de la personnalité
se hisse loin et haut, rigide et gris
comme une tôle d’acier
aiguisée
suspendue
au dessus de la nuque de nos vies


I don't know why


[Photo Marlene T.]
 


Lundi 30 juillet 2012

J'emmerde les longs fleuves tranquilles

On aimerait que quelque chose se passe
bien qu'on fasse en sorte
que rien n'arrive
 

No lies


[Photo Marlene T.]
 


Samedi 28 juillet 2012

Nettoyer (Suite)

J’ai ouvert la porte lentement et je l’ai vue là. Accoudée sur son balai à franges. Elle m’a regardé de la tête aux pieds avec un mélange de mépris et de dégoût. Aucun de nous ne bougeait. Je ne portais qu’une serviette sur les hanches et mes cheveux mouillés faisaient un petit ruisseau froid le long de mon dos. Maman s’est approchée, ses yeux plantés dans les miens. À cette époque, elle mesurait encore quelques centimètres de plus que moi. « Alors, tu t’es bien amusé ? » elle a demandé en grimaçant un sourire mauvais. Elle a lâché le balai et, par réflexe j’ai levé la main au-dessus de mon visage. Elle a stoppé son geste et m’a attrapé le poignet, soulevant mon bras encore plus haut. « C’est depuis que tu as des poils là-dessous ? C’est depuis que tu as des poils un peu partout que tu fais toutes ces cochonneries ? » elle a grogné. « Tu crois que les poils font de toi un homme ? Tu crois que je vais te laisser te transformer en monstre sans rien faire, sans rien dire ? »

Elle a relâché mon bras. Nous nous sommes regardés en silence. Elle attendait que je baisse les yeux, que je pleure, que je m’excuse. J’y arrivais de moins en moins. Je crois que je n’avais plus envie. Alors elle m’a collé une mandale avec sa main gantée de caoutchouc rose. Ma tempe a heurté le montant de la porte. Quelques étoiles ont dansé devant mes yeux puis le paysage est redevenu le même. Je suis resté là. Maman a soupiré. Elle a attrapé son balai à frange. Tout à l’heure nous aurons une petite discussion, elle a dit en s’éloignant. Et je savais qu’une fois de plus elle me parlerait de sexe sans prononcer le mot. Elle multiplierait les sous-entendus, les accusations, les menaces. Elle parlerait de l’enfer, encore. Et j’avais beau feindre l’indifférence, j’avais beau ricaner intérieurement, c’était toujours pareil, à chaque érection la nausée me prenait et les sueurs froides et la terreur. Chaque fois que mes mains glissaient au bas de mon ventre, chaque fois que je ne pouvais résister, je pleurais en jouissant et je demandais pardon. Mais ça ne suffisait pas.

Maman flairait toujours. Elle flairait l’odeur sur les mouchoirs dans ma poubelle, sur mes slips et mes pyjamas. Dans la pénombre ouateuse de ma chambre le matin. Elle flairait le foutre, maman et elle m’attrapait par la nuque et me traînait jusqu’à la cuisine. Elle me collait le front contre la table en hurlant. Elle empoignait les cheveux sur ma nuque et cognait plusieurs fois de suite mon front, mon nez, ma joue, contre la toile cirée. Elle cognait et je ne résistais pas. Elle disait qu’elle saurait faire sortir le diable de mon corps et je supposais qu’elle devait avoir raison.
["Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Les gros yeux


[Photo Marlene T.]
 


Vendredi 27 juillet 2012

Nettoyer

C’était les samedis matin et l’odeur âcre de la poudre Cif me griffait les narines. Maman enfilait sa vieille blouse à fleurs et récurait frénétiquement chaque recoin de l’appartement. Si elle avait pu me nettoyer, l’intérieur, l’extérieur, avec autant d’ardeur, sûre qu’elle n’aurait pas hésité une seconde.

C’était les samedis matin, je m’en souviens parce que les autres jours, maman travaillait de longues journées pour pouvoir me nourrir, me vêtir, me loger, m’éduquer. Elle n’avait pas la vie facile, je le sais bien. Elle travaillait beaucoup et pendant ce temps-là, la crasse s’accumulait. Maman la regardait se déposer d’un œil mauvais. De la poussière, des traces de doigts, de la saleté, partout. Sur le sol et les meubles. Sous le lit, sur l’émail de la baignoire, sur ma peau et dans mon âme. J’étais en perdition. Aucun Cif, aucun Monsieur Propre ne parviendraient à me sauver. Maman frottait, astiquait, épongeait, et jamais, jamais, je ne deviendrais lisse et pur comme elle le souhaitait. Pas même les samedis matin.

Je profitais parfois de sa frénésie ménagère pour m’enfermer à la salle de bain, seul. Juste pouvoir me laver sans la douche froide de son regard. Un matin, elle m’a surpris. J’ai tourné le robinet et j’ai su qu’elle était là. Il y avait trop de silence entre les murs. Je la devinais, guettant au travers de la porte. Mes petits coups en douce, comme elle disait en me traitant d’ordure. Sûr qu’elle m’attendait, prisonnière des deux tours de verrou que j’avais mis entre nous.

Mes jambes ont commencé de trembler. C’est pas vraiment que j’avais peur d’elle. Je grandissais et je savais bien qu’elle ne pouvait pas me faire mal au point de me tuer. Mais le malaise me vrillait le ventre. L’attente du premier cri, du premier coup. La métamorphose de maman, la peau de monstre qu’elle enfilait quand son impuissance à me modeler la rendait ivre de rage. Alors je faisais le dos rond. Je disais oui maman suffisamment de fois, je racontais tout, et surtout les mensonges qu’elle prenait pour mes vérités. Alors elle se calmait. Elle se calmait, me cajolait et puis elle recommençait. C’était ainsi depuis toujours et je me demandais si ça finirait par s'arrêter un jour. ["Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Arachnophilie (14)


[Photo Marlene T.]
 


Jeudi 26 juillet 2012

J’emmerde la loi de la pesanteur

La chute est-elle
aussi libre
qu’elle le prétend ?


Arachnophilie (13)


[Valence juillet 2012, photo Marlene T.]
 


Mercredi 25 juillet 2012

Chevalier

Il dit qu’il s’appelle Dan.
Il dit des tas de choses et je n’écoute pas trop parce que sa voix, sa voix si douce et chaude, envoie cavaler mes pensées dans des paysages mystérieux.
Je l’ai rencontré un jour de pluie au ciel violet. Il a débarqué dans ma vie avec son allure de personnage de film. Le genre de héros dont on pressent qu’il connaît la formule magique pour faire naître les drames. Et les drames parfois ont quelque chose de superbe, délicieux. Comme un soupir l’instant d’avant l’extase et puis ensuite, le calme revient et se dépose, aussi soyeux qu'un drap propre sur une peau assoiffée de sommeil.

Il a dit, je vais tuer ton père !
C’était un matin gris, lit froissé, mes paupières soudées et mes tempes qui palpitaient douloureusement. Je me souvenais vaguement de quelques verres de vin dans la soirée. Il y en avait probablement eu trop pour que je ne puisse me rappeler. L’alcool, c’est dangereux, ça ouvre les vannes du cœur, ça pousse à la confidence et moi, je ne veux pas parler. Pourtant...

Il a dit, je blague pas, je vais tuer ton père, c’est tout ce qu’il mérite ce porc ! Il a caressé ma joue en racontant que j’avais pleuré comme une enfant jusque tard dans la nuit. Des sanglots d'aveux douloureux. Foutue ivresse ! Et lui, il croyait quoi ? Qu’avec sa rage enfilée comme un costume de chevalier il allait pouvoir transpercer les démons à la pointe de sa dague ? Qu’il suffisait d’un coup d’éclat pour rafistoler ma vie ? Peut-être, peut-être après tout... ["Les voix", roman en cours de tricotage]
 

You know what ?


[Photo Marlene T.]
 


Mardi 24 juillet 2012

J’emmerde la réussite sociale

Gravir les échelons
n’est pas le meilleur moyen
de prendre de la hauteur
 

Arachnophilie (12)


[Photo Marlene T.]


Summertime

Le Blog de la ville de Paris [Paris à l'air livres] recommande "Maille à l'envers", un tricot pas comme les autres pour ajouter encore un peu de chaleur à l'été, parce que la plage avec une écharpe de mots, c'est vachement plus chouette qu'en maillot m'as-tu-vu, isn't it ?

Et pour les récalcitrants et les nudistes, voir par ici 10 bonnes raisons de ne pas lire "Mailles à l'envers".

Pendant ce temps là, je retourne jouer avec les tissages de mes amies à huit pattes...
 


Lundi 23 juillet 2012

J'emmerde la fausse pudeur

Parler de soi c'est
une manière comme une autre
de se déshabiller


Arachnophilie (11)


[Juillet 2012, photo Marlene T.]
 


Samedi 21 juillet 2012

Rambo

Je prends la bagnole et je vais me planquer. Dans la campagne. Pour être seule. Besoin de me cacher comme ça, souvent. Pour rien. Pour tout. Pour allumer une clope et penser. Laisser tout ça sortir de moi, comme une chasse d’eau qu’on tire histoire d’évacuer la merde.
Juste être seule et mes mains tremblent un peu. Je roule quelques brins de tabac dans une feuille OCB et puis je picole aussi. Je sais bien que je vais devoir rentrer à un moment ou un autre et je serai ivre alors le chemin me semblera différent. Je me dirai que c’est tellement facile tout ça. Il suffirait d’appuyer sur l’accélérateur et s’encastrer dans un pylône pour que tout soit terminé. Mais, je crois, j’ai la force d’attendre encore un peu. De voir venir. De cracher à la gueule des emmerdes et sucer les plaisirs. De bousculer le soleil pour déplacer les zones d’ombre. De faire un peu confiance au destin et à ce genre de conneries. Peut-être, ouais, peut-être bien je suis un peu lâche.
Et ça me désole, j’aime pas ce que je vois quand je me regarde en face. Parfois je voudrais être forte comme Rambo, botter le cul des salauds et gueuler Adrienne, je t’aime. Ouais, je sais - même si je suis ivre - c’est pas Rambo, c’est Rocky qu’est in love with Adrienne. Mais je m’en fous et je n'ai pas de muscles, ma voix, elle fait du bruit surtout à l’intérieur de ma tête et toi, c’est quoi ton nom putain ? T’es trop nombreux. Je t’aime. Je t’aime tous... ["Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Emptiness


[Valence juin 2012, photo Marlene T.]
 


Vendredi 20 juillet 2012

J'emmerde les dates de péremption

Il y a toujours du bon à prendre
dans tout ce qu'on abandonne
un peu trop facilement
[Extrait de "J'emmerde la poésie"]


Archives


[Valence juillet 2012, photo Marlene T.]
 


Jeudi 19 juillet 2012

J’emmerde l’esprit de compétition

Chercher à être meilleur que l’autre
c’est soigner ses complexes
avec des placebos
[Extrait de "J'emmerde la poésie"]


Arachnophilie (10)


[Valence juillet 2012, photo Marlene T.]
 


Mercredi 18 juillet 2012

Je t’aime petite

Je t’aime petite, avait dit papa un soir. Il avait encore les mains partout sur elle et l’odeur de son foutre sur les draps. Et il s’est mis à chialer. Les soubresauts lourds de son corps posé sur elle, les sanglots, la morve grasse. Mary s’était dit qu’elle aurait pu profiter de cet instant de faiblesse pour tuer papa. Elle s’est imaginé un petit couteau planqué sous l’oreiller. Elle s’est imaginée dépliant la lame et l’enfonçant lentement dans le gros ventre de papa et ses couinements de porc et son sang noir partout sur les draps. Elle s’est imaginé le regarder cracher ses dernières gouttes de vie. Elle s’est imaginé le faire pour de vrai. Le tuer. LE TUER ! Mais avant, il faudrait qu’elle sache ou planter le couteau pour ne pas rater son coup. Viser le cœur, peut-être. Mais papa n’avait pas de cœur ! Pourtant, il avait dit « Je t’aime petite » et Mary avait décidé que la seule solution c’était de le tuer.
Je t’aime petite, avait dit papa et il faudrait que beaucoup d’autres hommes aiment Mary, qu’ils l’aiment immensément, doucement, purement pour qu’elle puisse un jour oublier ces mots là. Leur redonner un sens acceptable.
["Les voix", roman en cours de tricotage]


Arachnophilie (9)


[Valence juillet 2012, photo Marlene T.]
 


Mardi 17 juillet 2012

Solution de facilité

On trouve toujours
quelqu'un d'autre à haïr
plus que soi

 

Arachnophilie (8)



[Valence juillet 2012, photo Marlene T.]
 


Lundi 16 juillet 2012

La forme

Peut être que les choses ne sont jamais
comme elles devraient être
ou qu'on passe trop de temps
à leur imaginer une forme
sans leur laisser le temps de la prendre


Epingler les détails


[Photo Marlene T.]
 


Samedi 14 juillet 2012

Immortel

Longtemps, j’ai cru que papa était immortel. J’ai si souvent rêvé que je le tuais, et je me voyais faire tous ces gestes violents et purifiants. Ça ne me faisait même pas peur, même pas honte. J’achevais l’histoire de la seule manière possible. Je tuais papa mais il était toujours là. Immortel.
Aujourd’hui, on me dit qu’il est crevé, que tout est fini. Mais je ne peux même pas voir son corps pour en avoir la certitude. Papa est immortel. Je ne crois pas les paroles qui se voudraient rassurantes. Il faut que je le voie.
On me dit que c’est pas joli joli. Qu’il ne reste que quelques morceaux carbonisés. Et ça pourrait aussi bien être un autre que lui ça ne ferait pas de différences. Moi je veux des preuves. Mais ils disent qu’ils ne feront pas d’analyses, que maman était présente, qu’elle a tout vu et entendu les cris aussi. J’aurais voulu entendre les cris de papa et sa souffrance et puis le silence juste après. Le silence, enfin. ["Les voix", roman en cours de tricotage]
 

Arachnophilie (7)


[Valence juillet 2012, photo Marlene T.]
 


Vendredi 13 juillet 2012

Intimacy

Il est plus aisé
de surprendre les autres
que soi-même
 

Arachnophilie (6)


[Valence juillet 2012, photo Marlene T.]
 


Jeudi 12 juillet 2012

La course aux étoiles et aux brins d'herbe

Certains remuent ciel et terre
pour que d'autres cessent
d'être dans la lune


It's time to dive (12)


[Valence juin 2012, Photo Marlene T.]
 


mercredi 11 juillet 2012

Les secrets

Des broutilles, pas grand-chose, et pourtant, toujours, des drames. La mauvaise note en dictée, des billes volées, les croutes sur les genoux, les tresses de Pamela que Franck dessine le soir avant d’aller dormir. Tout est prétexte à la crise et maman hurle et cogne. Maman arrache les cheveux de Franck comme si avec ce geste elle pouvait faire sortir tous les secrets qu’il enferme dans sa tête. Maman veut voir les pensées et le coeur à nu, elle écorche, elle dépèce. Elle veut que tout lui soit dévoilé dans le moindre détail. Pourtant, les secrets, tout le monde en a besoin. C’est un peu une manière de respirer, avoir des secrets. On ne peut pas livrer toujours et entièrement se qui se passe en nous. Ce serait indécent. Mais maman ne comprends pas et Franck n’est qu’un môme. Il fait de son mieux pour obéir. Parfois il ne sait plus quoi dire, il ne sait plus quoi taire. Les choses se mélangent, se brouillent dans sa tête. Il oublie qui il est, qui il est réellement. Il est maman. Il n’ose plus penser. Peut-être que maman peut tout entendre ce qui se passe à l’intérieur de lui, même ce qui ne fait pas de bruit. Alors il récite des passages de livre avant de s’endormir, il parle le moins possible, il compte tout, tout le temps, ses doigts, ses pas, les nouilles dans son assiette. Et même la nuit, il a peur de rêver trop fort. Il a peur toujours, il se dit parfois que lorsqu’il sera mort, sûrement, maman sera toujours là, à chercher, à fouiller dans son âme.
["Les voix", roman en cours de tricotage]

 

Laura


[Flogging Molly]
 


Mardi 10 juillet 2012

Vacances

Une école abandonnée
c’est un peu comme une école
en vacances pour toujours.
De la poussière
des jeux oubliés
des cahiers alignés dans une vieille armoire.
Et les murs qui distillent en sourdine
le souvenir du rire des enfants
[Pour FPDV Thème Vacances]


Ecole Jules Renard


[Valence juin 2012, photo Marlene T.]
 


Lundi 9 juillet 2012

Quelqu’un qui me ressemble

Parfois je ne me reconnais pas
je fais des choses qui ne sont pas ce que je suis
qui ne correspondent pas à
ce que je voudrais être
Alors je ne sais plus trop si c’est moi que je trompe ou le monde
si je ne suis pas tout simplement enfermée à l’intérieur de
quelqu’un qui me ressemble beaucoup
 

It's time to dive (11)


[Valence juin 2012, Photo Marlene T.]
 


Vendredi 6 juillet 2012

Fleur
 

Qu’est-ce qui te prouve que je suis femme et non une fleur ? Arrache, continue d’arracher un à un mes pétales, il ne restera bientôt que le coeur. C’est bien ce que tu veux, n’est-ce pas ? Mettre mon coeur à nu et découvrir ce qu’il cache. Alors arrache. Je suis une fleur. Ça ne souffre pas une fleur, tout le monde le sait bien...


Killing Joke


[You'll never get to me]
 


Jeudi 5 juillet 2012

Une manière

Etre bien dans l'ombre
se faire une place
nulle part et partout à la fois
invisible, silencieux
pendant que d'autres s'agitent dans la lumière
espérant peut-être y trouver une manière
d'exister mieux
d'exister plus
 

No need to hurry


[Valence juin 2012, photo Marlene T.]
 


Mercredi 4 juillet 2012

Tout simplement

Des envies pures et
des images diaphanes pour envelopper l’instant
dans un papier cristal
besoin de rien d’autre que
ta voix tout près de ma bouche
parfois les mots
parfois juste la musique des mots, ta voix
et même le silence
écouter les étoiles danser au fond de tes yeux
et le chant des frôlements qu’on évite par pudeur
savoir que rien n’arrivera et que
c’est encore mieux
ainsi
 

Arachnophilie (5)


[Valence juin 2012, photo Marlene T.]
 


Mardi 3 juillet 2012

Courir

Les choses se passent vite, terriblement vite dans ma tête. Et même parfois, elles ne se passent que dans ma tête. Ça commence souvent au pied d’un détail. Une fleur de réalité. Et puis tout se met à cavaler. Je cours à l’intérieur de ma tête. Je cours avec des mots et des images. Je me raconte la suite du détail et parfois je me perds en chemin, je ne sais plus revenir au début, au détail, à la réalité.

Dans le vrai autour, rien n’a bougé et, probablement, mon corps est immobile aussi, mais pourtant je cours dans ma tête à travers les paysages, les étoiles, le vent, les fleurs, le sang et l’amour. L’amour qui peut être fou sans rendre fou. Le sang mais pas de blessure ou alors des blessures tendres comme un fruit trop mûr dans lequel on mordrait pour le soulager.

Parfois, je ne veux plus sortir de ma tête et revenir dans mon corps, dans ce récipient de peau qui craint le froid, le chaud, la douleur, les caresses. C’est encombrant un corps. Ça ne sait pas se soustraire aux regards, un corps. Alors que dans ma tête, je suis libre et la folie là-bas n’est pas une maladie. Je dessine les paysages à la couleur de mes humeurs. Et puis je cours. Je voudrais courir tout le temps. Et même après que mon corps sera mort, dans ma tête je crois, je pourrais courir encore.
 

Inside


[Valence juin 2012, photo Marlene T.]
 


Lundi 2 juillet 2012

Fragile things

Quelque chose comme de l'honnêteté
rester soi, même dans le pire de soi
Ne pas prétendre
Se contrefoutre du regard de l'autre
tous les autres
Laisser les morts dedans s’appliquer à être
toujours plus beau dehors
toujours plus vide sous la peau
Faire de la fragilité une force qui ploie mais ne se brise pas
transformer les tremblements en musique
faire briller la pénombre


On n'autopsie jamais que la chair


[Valence, Photo Marlene T.]
 


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