Marlène TISSOT est venue au monde inopinément. A
cherché un bon bout de temps avant de découvrir qu'il n'y avait pas de mode d'emploi.
Sait dorénavant que c'est normal si elle n'y comprend rien à rien. Raconte des histoires depuis qu'elle a dix-ans-et-demi et
capture des images depuis qu'elle a eu de quoi s'acheter un appareil. Ne croit en rien, surtout pas en elle, mais
sait mettre un pied devant l'autre et se brosser les dents. Ecrira un jour l'odyssée du joueur de loto sur
fond de crise monétaire (en trois mille vers) mais préfère pour l'instant se consacrer à des
sujets un peu moins osés.
PS
: J'ai aussi un petit oiseau bleu, pas du genre qui palpite dans la cage
thoracique, mais du genre que je nourris assez peu, du genre qui fait un peu
ce qu'il veut, il n'est pas dans une cage et les fils à la patte, c'est pas mon truc... N'empêche, j'ai un
petit oiseau bleu.
Je veux que tu manges mon sourire
Que tu le mordes
Pour le rendre encore plus grand
Comme une blessure joyeuse
On pourrait même pisser ensemble sous les étoiles
Dans le sens du vent ou pas
Ça ne changerait rien au son des violons
Ni à la grande rotation du monde
Valser, c’est marrant
Tout envoyer valser, l’est davantage
Mes pensées hochent la tête
Comme les chiens en plastique
Qu’on fichait sur la plage arrière
Des bagnoles de mon enfance
Aucun paysage ne sait être
Plus vaste que nos espoirs
Mais ils sont plus faciles à admirer
A photographier
A partager
L’espoir, ça se froisse au fond d’une poche
Comme une vieille liste de commissions
Qu’on ne prend pas la peine de relire
Y a tellement de choses qu’on oublie
Surtout les plus belles
Rarement les pires
T’expliques ça comment, toi ?
Et la lutte finale, c’est quoi, exactement ?
Un bain de bouche au mousseux pour célébrer
La fin d’année ?
Faudrait parfois juste un regard qui dit :
Viens !
Un sourire qui mange un autre sourire
Par gourmandise, pas par férocité
Un truc genre délicat et animal à la fois
Un truc qui se fout des panneaux de signalisation
Et de la météo et des informations
Le précieux est rarement brillant
Et moins bruyant que le chant des oiseaux
Qu’on oublie d’écouter
Aller viens
Ferme ta gueule
Mange la mienne
Ça sera toujours un peu
De gaspillage de mots en moins
C’est la foire aux bons mots
La course au sourire ultrabrite
Fuite en avant et gueule de bois
Le burlesque coché sur le calendrier et
Les obligations sociables annuelles
T’en fais pas
T’es insalubre
T’as des problèmes d’humilité
C’est pas ton costume qui est trop large
C’est toi qui tente de te faire tout petit
Histoire de rentrer dans le moule
A quoi ça sert
D’aimer le papier
Plus que
Les feuilles des arbres ?
De toute manière, tout finit par tomber
Même les moments ne savent pas
Etre éternels
Y a que les souvenirs qui nous font croire
Et ils mentent
Comme tout le monde
Le bruit du robinet qui goutte
Tu vois
C’est comme une présence rassurante
Pourquoi tu crois que je ne le répare pas ?
On s’accroche à ce qu’on peut
A ce qui fuit
De toute manière, y a que ça de vrai
La fuite
Et même si on ne s’échappe
Que dans l’absence de mouvement
Parfois je me dis
Qu’il n’y a que les bruits
Qui courent
Et j’essaie de les imiter
Même la pénombre à ses zones d’ombre
Un peu plus discrètes, un peu plus effrayantes
Que la réalité
On en a plein la tête
Je voudrais les vomir
Avant d’aller dormir
Les vomir comme un trop plein de piquette
Une poupée, quand on l’allonge
Elle ferme les paupières
C’est automatique
Moi aussi, j’ai été une poupée
Mais maintenant, j’ai les yeux rouillés
Ils restent ouverts tout le temps
Bien sûr, il y a les incontournables
La météo, la mort, les statistiques
Bien sûr, il y a toujours
De quoi occuper
Les yeux qui ne veulent pas se fermer
Bien sûr, tout ne rouille pas
Mais ça finit par se friper
Comme un vieux drap
Ça pue comme un dessous de bras
C’est pas très beau la vie
Même si c’est magnifique
Pleurer, je laisse ça aux professionnels
Ceux qui monnaient les larmes
Ceux qui tuent le sens
Rien n’a de sens quand ça cherche
A alpaguer la foule
Quand ça renifle les chaussettes de l’archiduchesse
En se marrant avec grâce
Pour faire classieux sur grand écran
La beauté du massacre dépend du costume
Et du paysage
Moi, je coupe la tête des arbres déjà morts
Pour chauffer mes vieux murs
On se fait du bien comme on veut
Enfin, surtout comme on peut
Chacun sa longitude
Chacun sa lassitude
Nous sommes
Les figurants de longue haleine
D’un film au scénario bâclé
Dont le nom n’apparait
Même pas
Au générique
La bêtise a toujours de l’avance sur nous
Elle nous tient par le bout du nez
Parfois, les choses vont trop vite
Suivre le mouvement, tu sais
C’est pas inné
T’as enfilé tes beaux yeux
Ceux du dimanche avec le lundi
On est mal boutonné
C’est par timidité
Qu’on ne fait qu’effleurer
Le bonheur
Qu’on n’ose pas le prendre par la main
L’inviter
Faut toujours négocier avec la matière
Pourquoi tu crois que j’exerce
Mes talents de cuisinière ?
On se trouve des excuses
C’est facile
Mais l’exiguë d’une histoire
Ne détermine pas la beauté de la fin
Ni la hauteur des rebondissements
Possibles
A force de fermer sa gueule, on a des varices plein les mots
L’anévrisme verbal, tu sais, il lui faut juste
Une page blanche pour s’épancher
Aller viens, on écrit
On raconte n’importe quoi
On raconte toutes ces heures qu’on passe
Le front contre la fenêtre à redessiner le paysage
Je sais, les regards finissent noyés dans le caniveau
Alors on zappe
Film maussade, documentaire, télé réalité
Et la publicité qui vient achever le boulot de sape
On n’est plus que les mortels du commun
Des clowns tristes qui n’amusent personne
Et ne font même pas pleurer
A quoi ça sert, ce cirque ?
J’en viendrais presque à comprendre ceux qui affirment :
Y a que le cul dans la vie Mais est-ce qu’on touche des indemnités pour perte de sensualité ? Je voudrais parfois me sentir enfin libre et pure
Ça ne fonctionne pas
Il y a les cadavres sous le lit
En forme de souvenirs
Je me laisse faire
Tu dis viens
J’obéis
Docile comme un animal bien dressé
Penchée contre la machine à laver Indesit en gros plan
Mon front qui butte sur les lettres en relief
Tandis que tu t’agrippes à ma peau
Je me crispe, patiente pourtant
Ou lâche, va savoir
Je compte
Je compte les coups et les secondes
J’écoute ton souffle
Aussi court que les jupes que je ne porte pas
Je sens que tu sens que je ne suis pas vraiment là
Tout ça ne joue pas en ma faveur, je me dis
Puis je me demande
Tout ça quoi ? Et quelle faveur, au juste ?
Est-ce que ne pas savoir se laisser enculer sereinement
Est un réel problème, de nos jours ?
La seule chose que je n’ai pas embrassée
C’est une bouche de métro
Je n’aime pas leur méthode d’intimidation
On ne montre pas son âme comme on montre son cul
Pourtant, la vulgarité et les gorges profondes
M’ont toujours fascinée
Même si j’ai pas envie qu’on pénètre ma matière grise
Surtout pas par derrière
Y a quelque chose de mesquin dans le silence soumis
Et on le meuble comme on peut
A coup de colères rentrées qu’on dépose sur les étagères
Avec un bon cadre, ça peut faire l’affaire
On prétend qu’on construit
Qu’on se construit
Mais on ne fait sans doute que déposer nos angoisses
C’est pas le décor qui compte
C’est la paresse et la poussière
C’est les étoiles qu’on cache derrière les volets clos
Les nuits tombent et les jours se ramassent à la pelle
Les pannes se multiplient
Les sévices après-vente et les morceaux qu’on recolle
Reste le choix de craquer pour de bon
Ou décider de savourer
La volupté d’une tasse de solitude bien infusée
On a le choix
On a toujours le choix
De mesurer l’usure du monde face à la sienne
Parfois, je voudrais n’exister que sur instagram
En belles images qui ne me ressemblent pas
Inaccessible
Intouchable
Assez floue pour que ma disparition passe inaperçue
J’ai l’amour propre un peu trop sale
Et on est quoi, à part de la viande, dis ?
J’en ai marre de ne pas savoir à quelle sauce on va me manger
Puis parfois, comme tout le monde, j’ai faim
Parfois, je mords
Bourreau et victime à la fois
Question de timing
Les urgences se suivent et ne se ressemblent pas
Mais faut faire vite
Toujours
08:37, l’horodateur me guette
Pas le moment de me prendre un PV
Je remonte ma culotte Indesit gravé sur mon front
La tête pleine de vide
Faut faire vite
Faire le poids
Faire le point (à la ligne)
Faire la pluie (pas le beau temps)
Le fatalisme, ça se travaille
Ça se cuisine aux petits oignons
Et t'as raison
C’est plus facile que la recette
A fabriquer les légendes
On crève la dalle en silence
On meurt
D’envie de vivre, mais
On ignore comment faire
On se contente de prendre son temps pour mourir
On gobe des pilules de charges sociales
On se tartine les envies de braquage au beurre rance
En silence
Et quand on n’a rien de mieux à foutre
On se console en pensant que
L’ennui c’est toujours mieux que les ennuis
Moi aussi, j’ai toujours eu un faible pour le singulier
La norme m’exaspère, même si son confort est indéniable
Sur le cinémascope du ciel, parfois
Même les étoiles décident de filer
Il m’arrive fortuitement de songer à les imiter
Et comme tout le monde
On ne rêve que de futur et d’ailleurs
On regarde à l’horizon
Les yeux mouillés d’espoir à la con
Je crois qu’on manque parfois de créativité
Ça sert à rien de feuilleter des catalogues de vies idéales
La réalité est une fiction comme une autre
Suffit d’utiliser l’imagination comme exhausteur de goût
Mais c’est dans l’air du temps, il faut croire
Ou bien c’est depuis toujours, je sais pas
C’est comme ça
On est content de pas être heureux
On est heureux de pas être contents
La cruauté du besoin et la tyrannie de l’envie
Ces petites guerres intestines qui nous constipent les rêves
On sous-estime l’ironie du sort et l’humour du néant
On rit de se voir si las en ce miroir
On meurt d’envie de vivre
Et moi j’aime pas mourir quand ça prend si longtemps
Je préfère pisser sur le ciel
Inventer des naufrages plus terre à terre
Il parait que même les arbres savent pleurer
Moi, j’ai oublié comment faire
J’embrasse avec les yeux ouverts
Et pendant ce temps, le pain d’épice prospère
Toujours les même qui gagnent qui perdent
On ne change pas de camp si facilement
Parfois je voudrais avoir la force de secourir les issues
Prendre l’air du temps dans mes bras
Lécher son ossature fragile
Le rassurer
Mais je fais rien, comme tout le monde
Je fais rien !
C’est quoi, au juste, la passivité ?
Une forme tolérable de lâcheté ?
C’est quoi, l’audace, exactement ?
Et qu’est-ce qui nous retient ?
Pourquoi faut toujours qu’on se plaigne des saisons
Et du premier qui nous prend pour un con ?
A quelle heure on découvre si les reflets nous mentent ?
Faudrait que j’apprenne à M’ADAPTER, il parait
Mais j’y arrive pas
Je traverse les doutes et les insomnies
Comme un passage piéton
Sans regarder ni d’un côté ni de l’autre
Il pourrait bien surgir un camion fou en provenance du passé
Ou un über chargé de promesses du futur
J’ignore lequel possède d’assez bon freins pour m’éviter
Faut pas négliger l’art du je m’en foutisme
Le matin, on se lève par habitude
On croise le regard du miroir et il fronce les sourcils
C’est tout
Voilà la seule histoire qu’il a à nous raconter
Pour le reste, nous sommes priés de bien vouloir
Arrêter de faire chier le monde avec nos envies de liberté
Nous sommes priés de regarder ailleurs
Ne pas oublier que ça pourrait être pire, bien pire
Alors on dit oui-merci, comme des cons
On est heureux d’être plus contents que certains
On est contents d’être plus heureux que d’autres
Je dis oui-merci, comme tout le monde
Parce que moi aussi, je meurs d’envie de vivre
Même si j’aime pas mourir quand ça prend si longtemps
[Version résumée du texte lu au salon "Les voix mortes" à
Clermont en octobre et disponible en version Fanzine pour 5€ port
compris]
J’ai oublié pourquoi
L’instant était parfait
Peut-être ne l’était-il pas
Je me rappelle ne pas avoir
Osé te dire que c’est beau
Quand tes mains tremblent
Et que toutes les histoires devraient
Commencer dans un train de nuit
Dont on ignore la destination
De toute manière, on navigue mal
Quand la route est trop large
Et tous ces gens, bras levés
Qui fouillent le ventre du ciel
A la recherche de réponses
Ils sont aussi cons que
Toi et moi
Parfois on devrait juste
Se réjouir d’avance
De ce qui n’arrivera pas
Même si on le souhaite très fort
On devrait apprendre à compter
Les barreaux des chaises
Qu’on a sous le cul
Et se réjouir de ne pas s’y laisser
Emprisonner
Je ne me rappelle pas pourquoi
L’instant était parfait
Mais je me souviens
De ta main
Qui tentait de planquer
Ses tremblements
Et de mon envie de la tenir
Et les mains qui se tiennent
Tu sais
Ça ne peut rien provoquer
De catastrophique
Sauf si ça pilote
Un train de nuit
Peut-être
Il y a des gens
Qui n’existent pas complètement
C’est pas leur faute
C’est juste qu’on leur a appris trop tôt
A ne pas exister en entier
Même leurs sourires
S’étirent en miniature
Même leurs mots
Evitent d’être trop gros
Même quand ils pissent
Ils évitent de faire du bruit, d’éclabousser
Et c’est pour ça qu’ils ne se jettent pas à l’eau
Parce qu’on leur a appris que c’est mal
D’éclabousser
De faire des vagues
Alors ils restent là
Comme le passager d’un bus
Qui ne saurait pas à quel arrêt descendre
Comme une poupée oubliée au grenier
Il lui manque un œil, à la poupée
Mais on ne l’a pas jetée
Parce qu’on s’est dit qu’elle pourrait servir
Il y a des gens, c’est pareil
Ils ne se jettent pas d’un pont
Parce qu’ils se disent qu’un jour
Ils pourront servir
Ils attendent leur tour
Bien sagement
En cachant avec une frange
L’œil qui leur manque
C’est pour ça qu’ils ne voient pas très bien
Où tout ça va les mener
Et ça ne les mène nulle part
D’exister comme ça
Comme une plante en pot
Qui attend d’être arrosée
Qui attend de crever
Sans faire de bruit
Il y a des gens, ils ne sont pas perdus
Ils ont juste oublié
Où ils s’étaient rangés
Ils existent au ralenti
Respirent en sourdine
Bien pliés au fond d’un tiroir
En attendant de servir
Servir à quoi ?
Ils n’en savent rien
Et ils ne prennent pas le risque
De se poser la question
Certains matins sont pleins
d’un tout petit peu trop de rien
et on regarde cet étrange demain
punaisé là-haut à côté de la lune
sans avoir l'envie de décrocher
ni l’un ni l’autre
Une
fois - Plus tard - Pour toujours
C'est promis - Promis!
Les mots sont maladroits
Ils tombent, s'écorchent les genoux
Tu n'es ni oui, ni mon
Pas de clé
Pas de propriété
Ni de chasse gardée
On peut très bien décider
De boutonner dimanche avec lundi
Choisir quelle goutte de pluie
Tombera en premier
Regarder les trains se faire prendre
Une fois - Plus tard - Pour toujours
Tu montes chéri?
On va voir du pays
Dans le relief des draps bousculés
Lâcher prise
(électrique)
Eviter le court-circuit, si possible
Propagande, mon amour !
Mais dis-moi, les sentiments
Ca se mange comment?
Cuits ou crus ?
Faut pas écouter ce que disent
Les gens et la radio
Il y a des moments où les mains
parlent mieux
Je veux caresser ton corps comme un arbre
Immense, tendu vers le ciel
Tout continue de pousser, tu sais
Jusqu'à la mort
Le ciel a perdu son stylo bleu
Il rature le paysage en rouge
Et corrige les nuages
Les oiseaux tombent
Tout fout le camp
Mais le soleil continue
De pousser hors sol
Gavé d’engrais chimique
Et de pollution
Tous les évènements sont possibles
Tu sais, et les espérer
N’y change rien
Parfois, je voudrais secourir les issues
Prendre l’air dans mes bras
Cajoler son ossature fragile
Quels que soient les souvenirs
Qu’on amasse
Et la corpulence du passé
Qui nous hante
On reste nus
Sous ce ciel sans stylo
Qui ne parvient plus
A nous dessiner et
Se contente d’observer
Nos croquis imprécis
Continuer de se déplacer
Avec une maladresse
Touchante
Elle ressemble à quoi
La parole d’avant les mots
D’avant les règles ?
L’esprit frappeur
Me décroche un crochet du droit
Je ne pense plus donc je ne suis plus
Finalement, c’est facile de disparaitre
Dans un monde où les gens voyagent
De plus en plus souvent/vite/loin/virtuellement
Ça veut dire quoi, exister, dans ce monde-là ?
Elles ressemblent à quoi
Les questions d’avant la ponctuation ?
Il suffirait peut-être
D’égorger le mutisme
Dépecer la bienséance
Disloquer la nuit
Avaler le jour
Boire à la source de l’improbable
Faire les choses à moitié, c’est quoi ?
Un peu, beaucoup, passionnément
Pas du tout ?
J’hésite
Un pas en avant, un autre en arrière
Me reviennent en mémoire ces paroles
« Si tu avances quand je recule
Comment veux-tu que je t’encule ? »
Oui, je sais, c’est ridicule
Faudrait couper tout ce qui dépasse
Et en faire un bouquet
De toute manière tout finit par faner
J’ai des hectares de brousse brulée
Sur le territoire de ma peau
Et des paysages glaciaires aussi
Des planètes en orbite
Qui ne tournent pas très rond
Des cavernes inaccessibles
Tout expliquer, je ne peux pas
Alors j’avoue des bribes ici
Je murmure des secrets là
Je me disperse en mots
Auprès des uns
Des autres
Jamais entière
Ce qui ne signifie pas
Jamais sincère
Juste en puzzle
Trop de pièces perdues
Une image impossible
A reconstituer
Une poignée de superbes petites tragédies
Cueille, cueille encore
Coupe tout ce qui dépasse et fais-en un bouquet
La mélancolie fermente mal
Je la bois comme un mauvais vin
Transformer ma tête en toupie
Tourne, tourne encore
Jusqu’à ce que le miroir
Me dessine
Un portrait illisible
A
découvrir en ligne, le dossier 2017/2018 du Prix des Découvreurs
(clique sur l'image)
Si tu es prof, ou si tu as des amis profs susceptibles d'être
intéressés, fais passer le mot !
Saupoudrer des étoiles dans la soupe
Boire le ciel à la paille
Tout me transperce quand je reste immobile
Entre état de grâce et cœur de glace
La mécanique de l’escalier qui monte, qui monte, qui monte
Chercher la petite bête
La chimie neuronale et les distances de sécurité
L’analyse clinique des sentiments
Me laisse le goût du sans dans la bouche
Dans le doute je finis par détricoter les guirlandes
Et me paumer dans les labyrinthes
Mais inutile de crier, crier
Je suis imprononçable
Même sur le sable
Un
jour, j'ai pas dormi de la nuit
Mais pas oublié pour autant
De cocher la case
Les conditions générales de viande
Queue leu leu de trous du cul
Et coloscopie du bande-mou
Le trou de la sécu affiché
A un stade avancé de dilatation
Un
homme m'a dit
La sodomie, c'est comme la mort :
Inéluctable !
Serais-je donc immortelle ?
Un
jour, j'ai pas dormi de la nuit
J'épilais le ciel
Pour l'assortir à ma calvitie verbale
J'ai les mots qui tombent
Et de profondes lagunes lexicales
J'océan à marée haute
La plage de l'imaginaire poétique
J'invente des histoires pour éviter d'en faire
On
travaille à l'émanci-passion
A l'amour sans attaches
Faut de la patience pour rapiécer les corps troués
Et repriser les peaux élimées
La
mélancolie, tu sais
Ca ne se boit pas d'un trait
Ca se déguste lentement
Faut pas confondre douceur et ivresse
Je soulève je coin du jour
Avant que la paupière du matin ne se s'ouvre
J'attends le dessin du soleil sur le mur
Et le profil des montagnes
Accoudée à la fenêtre de la cuisine
Cul nu dans l'odeur de café
Ces instants nourris de peu et de tout
Ce gigantesque et ennivrant ordinaire
On peut faire une histoire de certains détails
On peut faire un détail de certaines histoires
Le réel n'est que pâte à modeler
Ceci est un mot d’excuse
Une lettre d’absence à moi-même
J’ai déserté avant l’implosion
Non, la peur n’est pas un motif valable
Tu as raison
Mais je mens comme je resquille
En toute discrétion
Et seulement pour survivre
Genre illuminée en voie d’extinction
J’investis à long terme dans l’absence
J’imite le peintre, le sculpteur, le poète
Tremper les doigts dans la crasse et
En faire un motif esthétiquement incompréhensible
L’encre de l’introspection peut-il être sympathique ?
On se laisse convaincre trop facilement
Les gens ne sont pas toujours décevants
La joie sans gêne et l’étincelle des astres
Les conseils qu’on reçoit comme une gifle
Parfois, on se rassure comme on peut
Je me dis : On ne pourra pas tomber plus haut
Et la perpétuité restera éternellement une notion abstraite
Je suis fermée
Toute fermée
Chaque interstice
Sauf les yeux
Et la pensée
Fermés, la bouche
Le coeur
La peau
Je suis verrouillée
Inaccessible
Sauf si t’arrives à
Contourner l’obstacle
A transpercer la peau
Sans me blesser
A me faire gouter
Au chair à chair
Sans le corps à corps
Sans le gout du sang
Une femme élégamment voilée
Drapée de tissus des chevilles aux poignets
Chargée de deux sacs de commissions
Sur le trottoir d’un quartier bourgeois du presque centre-ville
Nos regards se rencontrent, se nouent délicatement
Je lui souris
Elle me sourit
« Bonjour », elle murmure timidement
S’imagine sans doute que je vis ici
(si elle savait…)
J’aimerais pouvoir imaginer qu’elle y vit
Si les choses étaient différentes
Dans notre putain de pays
Nous nous croisons au ralenti
Quarante-deux degrés annoncés
Et l’asphalte qui fond sur la chaussée
Nous ne nous recroiserons sans doute jamais
Mais j’aime la saveur de ces quelques instants
Le lien instinctif
Presque animal
Ce je ne sais quoi qui nous fait communier
Au-delà des mots, des lieux, des dieux
La mélancolie
Tombée à terre sans bruit
Me trébuche
Je me prends par la main
Tendrement
Me remets sur pieds
On se rassure comme on peut
La folie me caresse
Le gout vert de
Sa sciure encore fraiche
Colle à ma peau
Chacun scande la candeur
A sa manière
Toutes les paroles sont adressées
Mais à qui ?
Même un mot peut rougir
Je ne suis pas la seule
Parfois je barbouille la figure
Des nuits blanches
A coup de sourires
Quand les douleurs s’exclament
Avec un peu trop de véhémence
Je préfère
Quitter le train
Au dernier arrêt avant le cri
Les
oiseaux meurent facilement en moi
Quand la fenêtre de la chambre est fermée
Il me faut
De l'air de rien
Surtout
Au moment de basculer vers demain
Il me faut
Des rêves à la coquille bleutée
Prêts à éclore
Sur une plage de peau pas encore explorée
Ne bouge pas
On est bien là
L'un contre l'autre
Immobiles
Un peu fragiles
Comme deux caries
Dans la grande gueule de l'univers
Le Prix des Découvreurs est un prix de poésie décerné chaque
année par un jury constitué de plusieurs centaines de lycéens —
et depuis 2007 de collégiens de troisième — de différents
établissements volontaires de l’ensemble des académies de
France.
Il est officiellement inscrit au Bulletin officiel de
l’Éducation nationale (BOEN) du 27 août 2009 au titre des
actions éducatives « contribuant aux acquis des élèves en lien
avec les programmes d’enseignement ».
Fondé en 1997 par la ville de Boulogne-sur-Mer sur la
proposition de Georges Guillain, poète et collaborateur de la
"Quinzaine littéraire".
Nous
n'avons plus l'âge depuis longtemps
Nous sommes des papillons dans un jardin abandonné
A butiner ce qui ne se consomme pas
Le coeur comme une baudruche prête à claquer
Enflé de sentiments pas encore inventés
S'il te plait, déchire moi l'ourlet des peurs
J'ai le pantalon trop court pour oser le baisser
J'appréhende l'après rasoir et le trop lisse
Vas-y coupe, mon chou, tout ce qui ne dépasse pas
C'est l'heure de la grande glissage, même si
Depuis longtemps nous n'avons plus l'âge
Le
voilà entre mes mains. Oui, c'est important : il faut le toucher, le
caresser. Sentir le rugueux de la couverture fabriquée avec amour par la
merveilleuse Sarah
Fisthole. Tourner les pages, y plonger, s'y noyer. Les images y
sont envoutantes, les mots tranchants, brillants. Je te le dis tout net,
le numéro 6 du
Gonzine est, comme les précédents, un incontournable. Il n'y en
aura pas pour tout le monde, alors fonce !
Lorsqu’elle avance le soir
pieds nus dans l’herbe sèche
et que les criquets s’écartent
sur son passage
lorsque le soleil
tire sa révérence
et que le ciel allume
ses premières étoiles
elle a l’impression
un peu vague
que tout est en ordre
et que même sa présence
n’est pas tout à fait
une erreur
M’assoir
Croiser
Les jambes
Très fort, bien fermées jusqu’en haut des cuisses
Serrer
Les bras
Autour de moi
Planquer les seins, raturer les battements du cœur
Courber le dos
Enrober la peur
Baisser les yeux
Les planter dans l’arrondi vulgaire des genoux
Attendre que l’inconfort s’estompe
Ma nudité est une connasse
Elle m’étouffe
Me suffoque
M’empêche de
Laisser à l’air libre
Cette peau qui m’habille si mal
Aix-en-Provence, dans le magnifique jardin de l'atelier de Cézanne. Sur
une table, à l'ombre des vieux arbres, des pages griffonnées, annotées.
Anna Jackson, poétesse Néozélandaise me montre les traductions
de mes textes sur lesquels elle a travaillé avec
Geneviève Chevallier, professeur à l'université de Nice. Simon
Edmonds, le compagnon d'Anna, sourit, patient, capture quelques images
de l'instant. Nous discutons le choix des mots, les doubles sens
parfois, la sonorité. Un moment riche doublé d'une belle rencontre. Un
recueil bilingue est prévu chez un éditeur de Wellington. Le soleil
sourit, nos sourires brillent. Nous montons au jardin des peintres
saluer la Sainte-Victoire, admirer sa puissance délicate sous les rayons
qui commencent à décliner.
Plus tard, dans le train, je lis
Thicket, d'Anna. C'est exactement la poésie que j'aime. L'envie
de la traduire à mon tour. Nous en avons parlé cet après-midi.
L'aventure ne fait sans doute que commencer.
Ce
qu'il y a devant n'est qu'illusion
la seule réalité qui existe se planque
dans l'instant
celui
qu'on peine à saisir
peut-être que la vie n'est qu'un leurre
dans ses douceurs plus que dans
ses douleurs
Voilà, juste avant de quitter Laval il y a quelques jours (pour
mieux y revenir), on m'a fait la surprise de ce
prix Livresse ! Un gigantesque merci au lycéens, à leur
professeure Nadège Bernier, à mon éditrice Pascale Goze.
D'autant plus grand que cette nouvelle - "Le poids du monde" -
ne fait pas rêver, même si elle me tient à coeur. Notamment
parce que c'est une histoire tragiquement ordinaire, du genre
qui habituellement n'obtient rien de plus que l'espace d'un encart à la page faits-divers
des quotidiens. Je suis heureuse qu'elle poursuive son chemin
mine de rien!
Une phrase, dans la lettre que les lycéens m'ont écrite, m'a
particulièrement émue : "[...]C'est cette histoire d'amour sincère
qui rend le dénouement insupportable et nous incite à changer
notre regard sur les exclus de la société de consommation". Je
ne me sentirai jamais la carrure pour endosser l'étiquette
d'auteur engagé, je ne cherche consciemment pas à faire changer
les regards, j'ai simplement envie d'émouvoir avec des sujets
qui me touchent, me perturbent, m'interrogent. Alors si j'y
arrive un peu, c'est tout simplement merveilleux !
Info un peu en
dernière minute (la faute au temps qu'est pas foutu de se caler sur mon
rythme) : mardi 16 mai à 20 heures, je ferai une lecture "Sauvage(s)"
avec d'autres chouettes auteures à Lyon au Lavoir Public (et ça tombe
bien, je n'ai plus grand chose de propre à me mettre)
Dernière semaine de résidence ici. Dernier
atelier ce matin. A l’hôpital de jour de Laval. Ce point final
qu’on pose de traviole à cause de l’émotion. Et c’est aussi ce
qui nous rend humain, bordel ! Ce qui fait qu’on ne se perd pas
de vue les uns les autres. Une rugosité douce à laquelle on
adhère. Un rocher sur lequel on dérape et qui laisse des traces
douces sur la peau du coeur. Je me souviens (ou me rappelle ?
Rachel m’a demandé à la première séance la différence entre se
souvenir et se rappeler) je me souviens et me rappelle
tous les prénoms, tous les visages, tous les mots
écrits-dits-partagés. Les intimes, les peurs et les forces
insoupçonnées. Tout ce que nous avons partagé. Je me souviens
que je suis vivante et qu’on peut se faire du bien les uns aux
autres. Je laisse les guerres et l'indifférence à ceux qui
manquent d’imagination.
Le
soleil brille.
Je joue la décontraction en fourrant les mains dans les poches
en-dessous de mes yeux.
Et toi, tu l'as ton ticket pour les lendemains qui chantent ?
La fabrique à nuages se tient tranquille aujourd'hui.
C'est l'humeur du lundi qui se serait pris pour un dimanche.
Une fois de plus – combien de fois par jour ?
– je m’accoude à la rambarde de la fenêtre, celle qui
bringuebale un peu, qui pourrait bien lâcher, va savoir, et je
tomberais tête la première, comme un oeuf éclaté sur le pavé. Je
n’ai pas peur. Ou alors juste un peu. La vue va me manquer. J’ai
fait des photos, mais ce n’est pas pareil. Il manque les bruits,
les odeurs, la tiédeur du rayon de soleil qui vient en biais me
caresser le front. Une pie a fait son nid dans la cheminée de
l’immeuble voisin, celui au-dessus de la pizzeria. Je me
souviens avoir rêvé d’oiseaux, cette nuit. Avoir rêvé d’Oscar
aussi. Enfin, pas vraiment de lui, il y avait juste son nom
étiqueté sur le siège à côté du mien dans le train et je
supposais qu’il pouvait arriver d’un instant à l’autre. La pie
s’envole. Elle a peut-être des petits, s’en va chercher de quoi
les nourrir, reviendra bientôt le bec plein. Un type en vélo
prend le virage en épingle, s’arrête en bas de la côte, descend
de selle et remet ses couilles en place d’un geste lent et
grossier avant de grimper à pied le Roquet du Palais. On est
dimanche et la rue est pleine de vie. Ça va, ça vient, chacun à
son rythme. Je ne bouge pas, j’éponge les instants jusqu’à en
être gorgée. J’espère que rien ni personne ne viendra m’essorer.
En revanche, m’étreindre, pourquoi pas.
Mariage pluvieux, mariage heureux, il parait. Je leur souhaite !
Sur le parvis de la mairie de Laval, une jeune femme enrobée de
blanc tournoie sous le gris des nuages. La pluie s'interrompt
quelques minutes, juste le temps d'une vague d'applaudissements
joyeux. Sous l'abribus, cinq vieilles dames alignées, front
collé à la vitre, observent la scène avec des yeux d'enfants.
J'aurais aimé pouvoir les photographier. Garder une preuve de
leur petite joie tendre, de la douceur de leurs sourires. Je
n'ai pu que les envelopper dans le voile de ma mémoire aussi
délicatement que possible pour tenter de les redessiner avec des
mots. Regarde comme elles sont belles !
Fenêtre de la grande pièce ouverte quelques minutes, comme tous
les soirs avant d'aller dormir. Pour écouter dans le silence de
la ville endormie le bruit de la Mayenne qui se répercute sur
les murs du château et me fait croire à la proximité de la mer.
Ce soir, c'est la pluie qui l'emporte. Une histoire d'eau,
encore, malgré tout. Une pluie lourde, lente, patiente. Du genre
qui rince avec tendresse la pierre et les humeurs.
Puisque le roman est terminé - même si je ne cesse d'y revenir,
trifouiller les phrases, chercher une fluidité que je ne
trouverai jamais parfaite - je m'en retourne en territoire de
poésie avant la fin, très proche, de la résidence. Le recueil
"Insomnies" qui est complet mais imparfait. Cessera-t-il de
l'être ? Et puis, bordel, c'est quoi, la perfection? Simplement
l'envie de lui donner une allure meilleure. L'aboutir et
l'accoucher dans une forme viable. Le déposer dans les bras d'un
éditeur bienveillant - ou pas.
Ce matin, à Nantes, j'ai
rencontré des lycéens. Il y a eu cette question : avais-je
d'autres projets, maintenant le roman terminé ? Oui, toujours !
Des tonnes. Je produis plus que je ne propose. Beaucoup plus.
J'écris pour respirer. Mes pattes de mouches, ma ligne de
(sur)vie. C'est juste parfois difficile de sortir tout ce fatras
de mes tiroirs. Les peurs, les incertitudes, le doute de soi. Ca fait aussi
partie de l'écriture, le jour on l'on choisit de se laisser lire
(et il m'a fallu bien du temps).
Il pleut toujours. La Mayenne court toujours. Le bruit de l'eau
momentanément couvert par les chants d'une bande de jeunes
joyeusement éméchés qui remonte la rue. Leur petit bonheur
éthylique s'envole jusque ma fenêtre. Je flaire, j'écoute,
j'éponge. On n'en a jamais trop, du bonheur. Jamais ! Parait
qu'il ne nourrit pas le poète. Moi, je me nourris de tout. Je ne
dois pas être poète et finalement, et je m'en fous. J'ai
l'épiderme qui supporte mal les étiquettes.
Nantes. Pas eu le temps de visiter la ville, mais je reviendrai.
Probablement écouter le Midi-Minuit. De belles rencontres. La
joie de retrouver Sophie G. Lucas, l'émotion pendant sa
présentation. Le plaisir de mettre un visage sur des voix
virtuelles échangées depuis plus de dix ans. En guise clin
d'oeil à Jany, j'ai photographié les pieds de Magali et Sophie
avec mon téléphone (rien de mieux sous la main) mais ne parviens
pas à les transférer sur l'ordi, foutue technologie.
J'appréhendais la lecture des textes de Brautigan. Finalement,
je pense ne pas m'en être si mal sortie (parait-il). En tout
cas, j'y ai pris du plaisir. Le plaisir du partage.
Demain, je t'emmène à Nantes. La météo
n'annonce pas de pluie en amour, tout devrait bien se passer. A
moins que la pelouse décide de se venger. Mais ne t'en fais pas,
on lui collera le privé de Babylone aux trousses. Et si ça
tourne mal, on ira pêcher des truites et balancer des sombreros.
Oui, je l’ai déjà
dit, écrit, rabâché : je suis lente. Du genre à manquer de répartie. A
trouver une réponse valable trois jours après qu’on m’a posé la
question. Je repense à une table ronde qui a eu lieu samedi au festival
du premier roman ici, à Laval. C’était riche, instructif. Très sérieux.
Et, comme une nouille, j’ai raconté quelques conneries. Pourquoi ? Pas
seulement pour faire marrer les gens, mais parce que souvent, je ne me
sens pas à la hauteur, sans doute. A la hauteur de quoi, au juste ? Je
réalise, en léger différé, que ce n’est même pas ça. J’ai une certaine
conscience de qui je suis. Mais également de qui sont les autres. Et une
chose me tient particulièrement à cœur : ne jamais oublier que nous ne
sommes tous que des humains (qui font pipi et caca, oui, je sais, ça ne
se dit pas autour d’une table ronde littéraire, mais après tout,
pourquoi pas ?). J’ai conscience, et je comprends – vaguement – les
politiques culturelles. J’ai conscience de ce que peut apporter un
artiste. Mais, bordel, les cases, les étiquettes, les images et les
jugements de valeur me font royalement chier ! Je déteste tout autant le
mépris envers certaines professions (on ferait quoi, sans les éboueurs,
hein ?) que la glorification d’autres (les médecins qui se prennent pour
des demi-dieux, ça m’irrite franchement l’épiderme). Tout ça pour dire
quoi ? Juste ce que je n’ai pas réussi à exprimer samedi : je refuse
d’être autre chose qu’un humain. On a tous des choses à partager, à
apprendre les uns des autres. Nous sommes minuscules et gigantesques. La
vie me semble trop courte pour se prendre au sérieux, même si c’est une
chose terriblement sérieuse, même si certains sujets sont cruciaux. Et
je suis bien contente que certains se donnent du mal en politique
(qu’elle soit culturelle ou humaniste), mais je pense que si on savait
simplement un peu mieux, et surtout avec plus de simplicité, s’aimer et
se respecter les uns les autres, sans trop se prendre au sérieux, on se
faciliterait ces quelques années d’existence qu’on doit tous traverser.
[ps: jours précédents à venir mais ce n'est encore qu'à
l'état de brouillon-très-brouillon dans mon carnet]
Les fleurs bleues en bas de l'immeuble ne
cessent de s'épanouire. Me prend parfois l'envie de m'envoler
depuis la fenêtre jusqu'à leurs bras. Evidemment, je manquerais
mon coup, les branches du buisson m'écorcheraient, et je ne sais
pas voler. Je ne suis pas un oiseau. Encore moins de mauvais
augure.
Au
détour d'un clic vers un article, le gentil VRP du World Wide Web cogne
à ma porte virtuelle.
Il me propose aimablement ceci à côté d'une montre que je ne pourrai
jamais m'offrir :
Est-ce à dire que c'en est fini de moi, que mon heure est venue ?
Ou au contraire que l'instant est mien, qu'il est temps de le savourer ?
Dans le doute, tu l'auras deviné, je savoure. Tout.
Jusqu'au au plus petit grain de poussière de joie.
Hier, j'ai croisé
l'existence de Naima dans le train. Une fille hors norme et fabuleuse.
Ce matin, j'ai écrit avec des patients et des soignants de l'hôpital de
jour. Ce soir, j'ai bu un verre de vin avec des gens d'ici, on a ri,
c'était bon. Voilà comment quelques mots à peine peuvent enfermer,
minimiser, une charge émotionnelle extrêmement intense. On oublie
souvent la puissance des mots. La puissance du silence, aussi. La beauté
de l'écriture, c'est qu'elle contient les deux à la fois. Le dire
et le taire. Je disais récemment en atelier que l'écriture me
semblait être un des médias créatifs les plus puissants. Parce qu'il
peut dire et ne pas dire. Montrer ou simplement suggérer. Parce qu'on
peut y faire appel à tous les sens (y compris l'odorat). Tu vas penser
que je défends mon truc. Mais non, en fait : j'y crois réellement ! Les
mots, on n'a pas toujours idée de la force qu'ils possèdent (tant
mieux, tant pis, tout dépend de la manière dont on s'en sert)
Retour à Laval. Sous
un superbe ciel bleu, comme les fois précédentes. Le temps va se gâter,
il parait. Peu importe, tant qu'il m'accueille avec cette bienveillance.
Semaine très chargée en prévision. Quelques messages de bienvenue en
Mayenne sur mon tel. Ca m'enfle le coeur. Délicieusement et
douloureusement. Parce que je sais que c'est la der. Les trois dernières
semaines ici. J'arrive à peine et je pense déjà à la fin. Le futur est
un enfoiré, autant que le passé. Je veux être amie intime avec le
présent. On a du mal à s'apprivoiser, je crois.
Presque nuit. Une chauve-souris tourne en cercle de plus en plus étroits
autour
de la fenêtre de ma salle de bain sous les toits. Est-ce qu'elle tente
de m'apprivoiser ? Qui a peur de quoi ? Peut-être que je déteste qu'on
me pose des questions parce que je m'en pose trop à moi-même. Le soir
est beau de cette beauté qui ne cherche pas à en foutre plein la vue. Je
le prends dans mes bras.
"Écrivez ce que vous désirez écrire, c'est
tout ce qui importe, et nul ne peut prévoir si cela importera
pendant des siècles ou pendant des jours. Mais sacrifier un
cheveu de la tête de votre vision, une nuance de sa couleur, par
déférence envers quelque maître d'école tenant une coupe
d'argent à la main ou envers quelque professeur armé d'un mètre,
c'est commettre la plus abjecte des trahisons." [Un
lieu à soi de Virginia Woolf]
Est-ce que ça laisse des traces, un poète? Si
oui, quel genre? Des empreintes de pas sur le sable,
effacées par la prochaine marée? A quoi ça sert, les traces? ça
raconte quoi, un fossile de mots? C'est minuscule et
gigantesque, comme le reste, la vie. Tout dépend du point de
vue. Bref, demain, je serai à L'Isle-sur-Sorgue (qui planque
dans ses ruelles une partie de mon adolescence, le lycée Benoit,
le bar du lycée, les parties de belotte et de baby-foot) et j'y
lirai des extraits de "Lame de fond". C'est un beau festival, et
je suis heureuse, émue, d'y participer.
Un
jour, j'ai pas dormi de la nuit
Assise - debout - couchée
Obéir à un silence parfois trop autoritaire
Faut éviter de me donner des ordres, tu sais
Ca aiguise le double tranchant de ma docilité
J'ai un
aller simple, comme tout le monde
Je prends le transport en commun des mortels
Une peine perdue, dix de retrouvées
Un
jour, j'ai pas dormi de la nuit
La lune s'était collé une étoile en forme de grain de beauté
Pas une raison pour frimer
Moi aussi j'ai un grain
Moi aussi je suis pleine, de temps en temps
Parfois, je meurs d'envie de vivre
Il y a des paradoxes plus doux que d'autres
Je crois que je cours à ma perte de vue
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Pas débordé de la case, non plus
La diagonale du lit en diagonale du fou
Parfois, la réponse est dans la question
(bien planquée)
On cherche pas trop, non plus, c’est risqué
Imagine, si par malheur on parvenait à être heureux
Faudrait arrêter de vouloir pleuvoir par-dessus les nuages
De tenter d’escalader plus haut que le ciel
Il est où, le toit du monde ?
C’est quoi, la vie ?
Qu’est-ce qu’on peut se poser comme questions
Un jour, j’ai pas dormi de la nuit
Je jouais à être le grain de poussière qui refuse de se poser
Qui danse dans les bras infatigables du courant d’air
Est-ce le mouvement qui compte ?
Ou la loi de la gravité de la situation ?
Mathématiquement parlant, même les angles meurent
Et j’ai parfois la présence d’esprit aux abonnés absents
Je ne suis sûre de rien, mais prête à tout
La réalité augmentée distord les sens ordinaires
Et sans ciel, vers quoi lever les yeux ?
J’ai la sagesse mathématique, plus ou moins l’infini
De toute manière, on habite tous en banlieue de la barbarie
C'est pas une blague
non plus, juste une simple vérité douce : Surgères, c'était bon et beau.
Le lycée, la bibliothèque, des personnes lumineuses (et un gand lit de
princesse - sans petit pois). Voilà. C'était court, aussi, alors je
reviendrai parce que j'ai le sentiment long, plus long qu'une torsade
ADN. Un immense merci à Brigitte, Edith et Tatiana. A Cendrine et Marie.
A Angélique Condominas que j'ai été heureuse de rencontrer en vrai. A
toutes les personnes présentes et à l'écoute. Et à bientôt!
Après-midi train en
direction de Surgères ou je rencontrerai des lycéens demain matin, puis
une lecture en soirée à la
médiathèque. Comme toujours,je sais que mes mains vont trembler.
Parfois, j'en ai honte, je m'engueule en pensées. D'autres fois, je me
dis que ce n'est pas un drame, qu'on me prendra comme je suis (timide,
donc).
On m'a annoncé que des lycéens s'étaient enregistrés lisant mes poèmes
et que ce serait diffusé en lieu et place des sonneries d'interclasse du
lycée pendant deux semaines (classe ! j'en suis toute émue), je découvre
que Catherine de la Librairie des Thés à lu quelques "J'emmerde..." sur
l'antenne d'Hélène FM et que ces micro poèmes sont décris comme "un
spray antidépresseur". J'ai une chambre de princesse dans une auberge,
avec porte-fenêtre donnant directement sur un superbe jardin. Pour tout
un tas de raisons valables, je pourrais affirmer que ma vie est à chier
en ce moment et depuis quelque temps, mais je suis irrécupérablement du
côté de ceux qui voient le verre à moitié plein. Là, j'ai quatres
oreillers pour moi toute seule dans un lit king size à baldaquin, alors,
je te le dis, ne baisse jamais les bras. Les merdes, on s'en débarasse
(au pire, c'est bio-dégradable), mais les surprises, il s'en trouve
toujours une pour te cueillir au moment où tu t'y attends le moins !
Bref, si t'es dans la région, viens à Surgères demain (en plus, la
bibliothèque est dans le parc du chateau, c'est beau et j'y ai croisé un
chat en quête d'affection)
Ils sont arrivés at home en mon absence : un
beau bouquet de poésie, mini par la taille, grand par le
contenu. Je suis heureuse qu'Angélique m'ai proposé de
participer à l'aventure Poids Plume. Une initiative à découvrir
pour ceux qui ne connaissent pas ! (vas-y
clique) Du pur partage, c'est beau. C'est précieux.
Y a des trucs, comme
ça, qui rendent heureux, immensément.
On m'a annoncé il y a peu que "Lame
de fond", paru en mars dernier aux ed. La boucherie
littéraire, faisait partie de la sélection du
Prix
des Découveurs. Ayant lu et adoré une bonne partie des autres titres de
la sélection, je me dis que mon recueil n'a que peu de chances d'être finaliste (pardon à l'éditeur).
Mais ce qui me réjouis dans l'aventure, c'est que les lecteurs sont des
lycéens, et je sais que je vais pouvoir les rencontrer, échanger avec eux. Et ce ne sera pas la première fois, je le
fais régulièrement depuis un bout de temps. En tout cas assez longtemps
pour savoir qu'ils sont beaucoup plus sensibles à la poésie qu'on ne
l'imagine. Et ces rencontres sont pour moi des moments de partage
intenses et merveilleux. Alors, bon sang, des initiatives comme "Le prix
des découvreurs", je les salue avec mon coeur, pas avec mon front! Parce
que c'est pas une question de courbettes, c'est juste de l'amour pur, et
j'ai pas envie que ça devienne une dénrée rare!
Rétrospective en images (mais je ne te montre que la
partie visible de l'iceberg)
Pour le reste, les gens, mes humeurs, les petits gestes et les
grandes idées, tu en trouveras des traces dans ce que j'ai écrit ces
derniers jours. Faut pas tout dévoiler, non plus. Ce serait
indécent. Et si tu es curieux, saches que ces images représentent
le tout petit périmètre dans lequel je vis ici. Oui, c'est
magnifique! Même si le ciel n'est pas toujours bleu. Les gens
du coin, je crois, ont un soleil dans les yeux et dans le coeur.
C'est
délicieux!
Samedi 25 mars 2017
Journal aléatoire #62
Quand j’ouvre les fenêtres de l’appartement côté château, dans
la grande pièce au parquet qui grince, j’entends la course de la
Mayenne comme si elle était là. Le roulis de la petite cascade
sur le barrage. Son chant qui se réverbère sur le vieux mur de
pierres. Je ne vois pas l’eau, je la devine. Je la sais. Elle me
parle. Me rassure, me bouscule gentiment.
Voilà. Ça sent la fin. Ça a des gueules de dernière ligne droite
(et j’ai toujours eu une préférences pour les virages imprévus).
Demain je m’en vais pour ne revenir qu’une dernière fois ici.
C’est ce que je me dis, c’est ce qui est prévu. Mais qui sait,
après tout ? L’avenir est une matière molle. Je me suis surprise
à regarder les annonces immobilières, l’autre jour. Une
bibliothécaire m’a dit la semaine dernière « La Mayenne, on y
vient par hasard et on y reste par amour ». J’ai pensé, oui! C’est exactement ça !
Vendredi 24 mars 2017
Journal aléatoire #61
Enfin pu aller visiter le musée d’art naïf cette semaine.
Pénétrer le ventre du château qui veille sur moi chaque jour que je
passe ici. Dans la salle d’honneur, découvrir l’exposition
temporaire consacrée à Albert Lefranc. Entrer dans son univers
avec une facilité déconcertante. Peut-être à cause des couleurs,
de la géométrie, de ses images de la Bretagne, de la Mayenne. Ou
peut-être par l’intermédiaire de ce lien avec certaines photos
d’André Kertesz, photographe que j’adore. Avant de sortir de la
salle, je lève le nez et découvre un plafond superbe et
surprenant. La longue voute entièrement faite de bois me donne
l’impression d’être sous la coque d’un bateau retourné. Je reste
là, à observer un moment. Moi, toute petite dans le ventre d’un
bateau lui même lové dans le ventre du château. « Tout va bien, madame ?
» M’a gentiment demandé la gardienne de l’expo. J’ai rougi. Ça
faisait quelques mois que ce n’était pas arrivé. J’ai pensé que
les joues des poupées russes étaient souvent peintes de cette
couleur. Un détail idiot et rassurant. Est-ce que je suis la
toute petite poupée dans le ventre des autres ? Celle qui ne
s’ouvre pas ? Ou est-ce qu’il s’en cache d’autres à l’intérieur
de moi ? D’autres histoires à découvrir, à écouter ? Oui, je
crois. Je les sens, je les entends.
Ce soir, une jeune femme passe sous mes fenêtres. Un carton de
pizza dans une main, son téléphone dans l’autre, le pouce
textotant agilement. Un message d’amour ? Puis le carton
bascule, elle tente de le retenir. Trop tard. Il s’étale sur le
pavé, à l’envers, forcément, avec sans doute le fromage encore
chaud qui colle salement au couvercle. Un beau gâchis, foutue
Murphy et sa loi à la con ! Pour la peine, j’irai boire une pinte à sa santé
tout à l'heure avec les copains, et je lui demanderai d’arrêter d’enquiquiner les
gens.
Jeudi 23 mars 2013
Journal aléatoire #60
La journée arrive au virage de sa dernière heure et je regarde
les vingt-quatre qui ont précédé. Hier soir, dernière séance
d’atelier d’écriture à la bibliothèque Albert Legendre de Laval.
Une petite joie exubérante dans le partage des écrits, les
progrès évidents des participants aux trois séances. Un condensé
d’émotions de toutes les couleurs, puis la promesse de se revoir
pendant le festival, fin avril.
Redescendre la ville, Grande rue, rue du Val de Mayenne. Puis
quelques verres partagés avec Fred après son entrainement de
hand (grâce à lui, je m’entraine au levé de coude, parait que je
montre un certain talent dans la discipline, pas de quoi
fanfaronner : la victoire n’aurait rien de glorieux). Et enfin
remettre le nez dans les papiers, relire, m’endormir aux
premières lueurs du jour, me pointer pas très fraiche à la
crêperie. Déjeuner avec Sophie, Carole, Brigitte et Fred.
Après-midi serein à Sainte Suzanne, soirée au Jaja Divin qui
sera fermé définitivement lorsque je reviendrai.
Finalement, résumer, c’est facile avec les mots. Pourtant, j’ai
ces vingt-quatre heures qui débordent largement de la page, qui
me pèsent sur le coeur, lourdes et délicieuses comme un édredon
de grand-mère.
Mercredi 22 mars 2017
Journal aléatoire #59
Il y a des mains que je
peine à lâcher. Celle de mon roman, en particulier. Oui, il est
terminé. Non, il n’avance pas encore tout seul. C’est pas en lui
que je n’ai pas confiance, mais en moi. Lui ai-je tout donné ?
Ce genre de tout qu’on ne donne qu’à ses enfants ?
J’attends le retour de quelques lecteurs-pilotes, avec la
trouille au ventre. L’impression d’accoucher plusieurs fois. La
répétition des douleurs, l’épuisement, relire encore, polir la
langue à coup de caresses rugueuses, et cette saloperie
d’à-quoi-bon qui se fout de ma gueule, me rit au nez. Dans
Lame de fond, j’écrivais « Tout n’est que commencement ».
Prise à mon propre piège, j’aimerais parfois que les choses
cessent enfin, sans le souhaiter vraiment. Je ne suis plus à
une contradiction près.
Une question me revient.
Celle posée samedi matin, à Craon. Est-ce que la souffrance
pousse à écrire, à créer (quelle que soit la forme de
création) ? Une question que je vois/lis/entends souvent. Une
question qu’il m’est arrivé de me poser sans trouver de réponse.
Tenir ce journal (aléatoire, parce que l’obligation n’est pas mon amie) m’y
ramène ce soir. Ici, ça va, pourrais-je dire en forme de
clin d’oeil à Thomas Vinau (un de mes auteurs vivants préféré).
Pourtant, j’écris. Certes, je continue de triturer le roman,
mais j’écris aussi sur des petits riens comme sait si bien le
faire Thomas. Des joies à la taille d’une poussière. Des grains
de peu qui forment discrètement un grand tout. A la
réflexion, et avec quelques jours de retard, j’aurais pu
répondre à cette question qu’on m’a posé : l’écriture et le
reste, ce qui nous pousse, vient sans doute de plus loin qu’une
éventuelle douleur. D’un lieu qui n’existe pas, d’un endroit en
soi vierge de tout et où l'on oserait enfin laisser pousser les
herbes, bonnes ou mauvaises.
Déjeuner improvisé avec
Luc, mécène du prix du deuxième roman organisé par Lecture en
Tête. Cette première impression que nous ne sommes pas du même
monde, lui et moi. Puis écouter, partager. Observer - ou tenter d’apercevoir
- la
vie à travers ses mots, son regard. Découvrir qu’en fin de
compte nous sommes tous constitués des mêmes matériaux et que
les étiquettes ne nous empêchent pas de rester tous humains, si
on s’en donne la peine.
Mardi 21 mars 2017
Journal aléatoire #58
Un grand ciel bleu me salue ce matin au
travers du velux. Habiter sous les toits, en pleine ville : des
nouveautés auxquelles je me suis habituée avec une joie et une
facilité déconcertantes. Promenade sur les bords de la Mayenne
aux heures fraîches du jour. Respirer l’ici, regarder le
maintenant. Ecouter, flairer.
Avant de bifurquer rue Alfred Jary pour rentrer, je m’accoude
aux quais. Le bruit de la petite cascade sur le barrage, comme des vagues en
mode repeat. J’aimerais vivre au bord de l’eau. De préférence au
bord de la mer. Je le sens, depuis toujours. Pas de raison
valable, pas d’explications mathématiques. C’est un fait.
Dans le rouleau d’eau qui cavale, quelques bouteilles en
plastique et un ballon blanc qui tourne, s’éloigne, s’enfonce,
revient. Combien de fois sous mes yeux ? Je perds le compte et
la notion du temps. Paisiblement hypnotisée.
Tout va bien, je me dis. Ça tourne en boucle, ça aussi. Ce tout
va bien. Comme pour me convaincre.
Le jour s’étire, m’offre en après-midi une ballade impromptue
avec Michel et Dolly dans les jardins de la Perrine.
Combien de
temps ? Puis un verre en terrasse. Combien de temps ? C’est
souvent comme ça : on se fie au nombre de tours des aiguilles
sur le cadran, à l’inclinaison du soleil. On compte, on
rationalise. Je suis la première à le faire. La première à le
regretter aussi. La vie comme un putain de problème d'algèbre!
J’envisage parfois de rouiller les aiguilles et
tordre le cou de cet enfoiré de soleil. Au lieu de ça, comme
tout le monde, je laisse filer sans rien dire. J’enregistre
l’instant, me le rediffuse en projection privée. Parfois, je
déforme l’image, je réinvente, je réécris. C’est rien, les mots.
C’est tout aussi. Une certaine forme de liberté, comme l’eau qui
coule : toujours pareille, jamais la même.
Lundi 20 mars 2017
Journal aléatoire #57
Dernière séance de l’atelier Fanzine à
Loiron. Officiellement 20h-22h, mais suite à un cafouillage et
une séance passée à la trappe, on
s’est donné rdv à 19h, histoire d’avoir le temps de terminer
l’objet. Histoire aussi de partager quelques douceurs. Des
saveurs en lien avec la thématique de l’atelier, hein, faut pas
croire ! Il y a même une galette des rois, plus savoureuse en
mars qu’en janvier. Je repars à presque minuit, des goûts, des
livres et des prénoms plein la tête. Est-ce qu’ils savent, tous
ces gens que je rencontre, qu’ils feront désormais partie de ma
vie ? A quoi bon ? Ça ne changera pas la leur. Je rentre avec le
bouquet que Marie-Claude m’a offert. Jonquilles et quelques
branches de forsythia je crois. Bouquet couleur soleil. Un
morceau de son jardin, dans ma lumière d’ici. C’est con de
s’émouvoir si facilement, tu me diras. Je te répondrai, non je
ne crois pas. Ça peut être handicapant, parfois, et merveilleux
d’autres fois. L’équilibre se rétablit sans l’aide de personne,
avec celle de tout le monde. A notre insu, souvent.
Dimanche 19 mars 2017
Journal aléatoire #56
C'est pas l'humeur du dimanche (ça sert à
rien d'en parler, toi aussi tu connais) mais juste quelques
infos en vrac, des revues, des lectures prévues, encore des
prétextes pour partager un moment : Une participation à la très chouette
Revue L'Ampoule(l'exercice jouissif du cadavre exquis) et
un passage poétique à Surgères
très bientôt (c'est le printemps, il
parait!), puis au festival Trace de
poètes mi-avril à L'Isle sur Sorgue (mes années lycée). Des
détails complémentaires à venir bientôt, mais là, faut pas m'en
vouloir, j'ai mis la manette sur position ralenti. En plus, il
fait doux au-dessus de la Mayenne.
Samedi 18 mars 2017
Journal aléatoire #55
Café littéraire à Craon ce
matin. Le plaisir de retrouver (une partie de) la joyeuse troupe des
participants à l’atelier d’écriture que j’y ai animé. Petite
bouffée de bonheur. Faut pas croire, je reçois au moins autant
que je donne. C’est ce qui m’anime, quand j’anime : l’idée de
partage.
Déjeuner partagé avec Myrtille qui m'accompagnait ce matin. Un
plat de pâtes improvisé et pas mal de mots avant l'heure de son
train. L'encourager dans ce qu'elle fait, pas par politesse ni
hypocrisie, mais pour cette vibration qui l'habite en beauté et
qu'elle ne doit pas laisser mourir à cause du doute.
Une belle journée, puis là, ce soir, tout se casse la gueule.
C’est con, ça enfle, ça bouffe l’espace vital. Ça me grouille
en dedans comme un cafard à mille pattes. C’est gros, parfois,
les insectes. Surtout le cafard. Le bourdon, au moins, ça
s’envole. Là non. Ça cavale, ça poisse grave. J’ai la nostalgie
par anticipation. Ce n’est pas le chez-moi qui me manque. Je
sais que je vais le retrouver. C’est l’ici que je regrette déjà
alors que j’y suis encore. Oui, c’est stupide. Je tente de me
raisonner, ça ne marche pas. Il n’y a que le bruit des pas de la
bestiole qui résonnent. J’attends un coup de fil, un signe, un
hameçon à mordre. Ça ne vient pas. Alors j’écris. Finalement,
c’est aussi bien. Je suis là pour ça, après tout. C’est un truc
qui s’apprend à la longue : voir le bon côté des choses.
Vendredi 17 mars 2017
Journal aléatoire #54
Saint Patrick. Je pense aux
amis Irlandais par chez moi, à Valence. Le Penny Kenny. Je suis
un peu avec eux par messagerie interposée. Je suis beaucoup ici
aussi. A l’O’Regans, forcément. Pour le resplendissant sourire
d’Emily et pour la Red Murphy. Quelques potes du cru et quelques
rencontres imprévues. Une Nantaise amoureuse de l’Irlande avec
laquelle je parle musique et voyages. Deux messieurs dont l’un
serait un tueur régional promettant de ne me faire aucun mal.
L’autre, plus réservé, profite de l’absence de son compère pour
me raconter un peu sa famille, son père pianiste, ses frères et
soeurs devenus musiciens. Lui, il ne joue d’aucun instrument, il
préfère écouter. J’aime sa timidité exubérante. Il sort deux CD
de sa poche intérieur, me les conseille. Il sourit doucement.
Jean-Pierre, il s’appelle.
Quel que soit le lieu ou le moment, les gens me parlent.
Souvent. Facilement. J’ai fini par le remarquer. J’ignore
pourquoi. On me demande si je me sers de tout ce qu’on me
raconte dans les histoires que j’écris. Non, je ne le fais pas.
Ce serait "de la triche". En revanche, tous ces mots, toutes ces
confidences, me nourrissent l’imaginaire. Et me rappellent aussi
que même si j’en hais certains, j’aime décidément l’humain.
Jeudi 16 mars 2017
Journal aléatoire #53
Sophie me propose un
piquenique ce midi dans les jardins de la Perrine. Je suis
forcée de décliner. Le grand ciel bleu me nargue. C’est ainsi.
J’en parlais lundi en atelier d’écriture : il faut apprendre à
apprivoiser la frustration. S’en faire une ennemie douce.
Dans l’après-midi, Carole passe prendre un café. On parle de
musique (son CD sort bientôt), d’écrits, de danse. Sa
difficulté à s’exprimer intimement avec les mots dits, mon
incapacité à gérer les mouvements de mon corps. Le ciel est doux,
la fenêtre est grande ouverte, le moment est paisible et
puissant à la fois. J’ai les pensées qui, comme souvent, me
parasitent la spontanéité. J’écris, mais moi non plus, je ne
sais pas trop dire. Carole est belle de cette beauté que les
mots peinent à exprimer. Elle le sait sans le savoir et cette
inconscience la rend plus superbe encore.
Décidément, j’aime les gens. Oui, je me répète. Mais il y a des
choses qui doivent être énoncées d’une manière ou d’une autre,
surtout si elles ne sont pas dites. Plus tard, je rejoins Fred,
juste après le concours de bouchons au Jaja Divin qui ferme
bientôt. Dommage pour Laval. Le vin est délicieux. Le moment tout autant.
Discussions du soir à refaire le monde qui continue sa course
sans nous écouter. C’est pas plus mal. On parle pour ne rien
dire parfois, mais surtout pas pour ne rien faire.
Mercredi 15 mars 2017
Journal aléatoire #52
Atelier à la bibliothèque
Albert Legendre à Laval. Cette petite joie du groupe qui s’est
noué dès la première séance. Attendre les retardataires en
bavardant. A la même heure, un atelier philo dans une autre
salle de la bibliothèque. L’animateur bouquine. Son air serein,
ses boucles d’oreilles, son allure de rock star. Il est prof.
J’aime ce rappel permanent à ne surtout pas se fier aux
apparences. Ce soir encore, le partage est doux et vivifiant.
Siroter le plaisir d'écriture des participants en me disant que
le langage et les mots sont une foutue belle invention humaine.
Une des rares, peut-être.
Mardi 14 mars 2017
Journal aléatoire #51
Ces journées à ne rien
faire d’autre que transformer les petits vides en vastes
plénitudes. Observer, retranscrire, modeler, transformer. Est-ce
qu’on invente réellement quoi que ce soit, quand on écrit ? Je
l’ignore. Tout n’est que vie. Il y a des écritures qui sonnent
creux, comme trop savamment fabriquées. J’aimerais que la mienne
résonne comme un ventre bien nourri, tendu et tendre à la fois.
Alors je mords la chair de l’ordinaire quotidien. Les
meilleurs morceaux sont souvent planqués dans les détails.
Lundi 13 mars 2017
Journal aléatoire #50
Atelier Fanzine à Loiron.
L’objet prend forme. Le plaisir de savoir qu’il résultera de ces
séances un objet concret et pas seulement des mots envolés.
C’est con, le concret, mais parfois ça rassure. On fabrique. On
ne fabrique pas plus qu’un pet d’étoile filante et, à notre
échelle, ça semble énorme. Même l’importance de la relativité
semble relative. Et c’est ce qui donne toute sa valeur aux
détails, finalement.
Dimanche 12 mars 2017
Journal aléatoire #49
Une semaine, déjà!
Alternence de jours avec et de jours sans soleil.
Le mien de soleil, celui qui me brille à l'intérieur, n'est pas
toujours fidèle au poste, non plus. C'est ainsi. Je cache
parfois ma météo intérieure sous un sourire bien dessiné.
Le bouquet que maman m’a offert s’épanouit lentement devant la
fenêtre. Beaucoup de gens appréhendent les dimanches. Certains
de mes personnages fictifs les détestent. Moi pas. L’absence de
repères déroute, je le sais. Mais elle ne devrait pas paralyser.
Je perds un peu pied dans la course du temps, égarée entre
réalité et fiction qui s’enlacent jusqu’à m’en faire perdre de
vue le corps de l’une et celui de l’autre. Le dimanche, tout est
permis. Est-ce cette liberté à la fois totale et temporaire qui
inquiète, qui déroute ? Est-ce que les questions ont toutes
besoin de réponse ?
Samedi 11 mars 2017
Journal aléatoire #48
Il était question d’enfance, ce matin.
Enfin, pas exactement, mais on s’est tous un peu rappelé les
lecteurs que nous étions enfants. Café littéraire à Port
Brillet, autour d'une table de croissants en forme de sourires. Chacun a pris la parole, plus ou
moins, selon sa timidité. C’était doux et riche.
Il est question de soleil
cet après-midi. Terrasse et ciel bleu. Une parenthèse de ralenti
dans la course du temps. Un nuage de pigeons s’envole du toit
voisin. L’intérieur argenté de leurs ailes brille au-dessus du
château. Je les observe. Mon roman est terminé. En attente de
quelques regards extérieurs m’aidant à dénicher ce qui peut
encore clocher. Je savoure la petite paix fébrile de cet
interlude.
Vendredi 10 mars 2017
Journal aléatoire #47
Ce sont les vitraux que je
repère en premier. Arrivée à Montaudin pour un café littéraire
ce soir. Tout le village semble éteint, sauf la petite
médiathèque au pied de l’église dont un grand vitrail est
éclairé de l’intérieur. Le calme ambiant annonce une soirée en
clair obscure. Très peu de présents pour la soirée, mais la
taille a-t-elle la moindre importance ? Je n’y crois pas. Et
tant pis si… Trois ou trente personnes ne changent rien à ce
que je vais raconter.
Retour à Laval, pas loin
avant minuit (la route est longue, surtout de nuit). Quelques
rues à remonter avant de retrouver l’appartement. Je croise deux
jeunes types visiblement éméchés et sur le point de se battre.
En me voyant arriver, l’un dit à l’autre : Arrête de gueuler, on
va faire peur à la dame ! Je leur souris, sans presser le pas,
sans m’inquiéter. Mon calme semble les apaiser. On échange
quelques mots. Ils allument une cigarette, me souhaitent une
bonne soirée, s’en vont bras dessus bras dessous, la bagarre
oublié. Je me dis, on néglige souvent le bien que l’on peut
faire sans vraiment rien faire. Avec juste un peu de douceur.
Jeudi 9 mars 2017
Journal aléatoire #46
Le plaisir indicible de retrouver Perrine.
L’envie immense de faire découvrir son talent d’auteure,
partager mon plaisir à la lire. Le plaisir encore plus grand de
constater que le charme opère sans effort, sans avoir à brandir
le canon de paillettes. Le public est conquis (comment ne pas
l’être?)
La résidence, ici, ce n’est pas qu’écrire ou parler d’écriture,
c’est aussi, surtout un immense moment de partage. C’est avant
tout de l’humain. Une curiosité de tous les instants. Des
rencontres simples et vraies. Un détail après l’autre me fait
apprécier toujours un peu plus ces trois mois que j’aurai passé
à Laval avec
Lecture en tête.
Mercredi 8 mars 2017
Journal aléatoire #45
C’est soir de foot à la télé, il parait.
C’est aussi soir d’atelier d’écriture à la bibliothèque de
Laval. Pour le nombre de buts marqués, j’en sais rien, mais pour
le score au plaisir (parfois sportif) remporté, c’est tout vu :
Ecriture à Laval 1 – Footeux de canapé 0. Oui, je manque sans
doute d’objectivité, mais on n’est pas chez les journalistes,
que je sache ! Certains tapent dans un ballon, moi je m’amuse à
nourrir des envies d’écrire, à les regarder s’épanouir. C’est
beau comme un jardin au printemps, toutes ces mains qui grattent
le papier, tous ces rires, ces partages, ces mots qui se
libèrent. Une sacrée victoire sur la grisaille et les alertes
météo !
Mardi 7 mars 2017
Journal aléatoire #44
Ici, ça va. La météo en poupées russes. La
pluie dans les nuages dans le bleu du ciel. En alternance. Dans
le désordre. Les parapluies qui s’ouvrent, se ferment ou se
retournent dans une rafale. Le château ne bouge pas. Je l’imite
un peu, même si je n’ai ni sa taille, ni sa force. On aurait dit
que je réécrivais la fable de La Fontaine. On aurait dit que ce
serait "l’auteur qui veut se faire aussi solide que le château".
On aurait dit que je ferais mieux de m’abstenir, parce que c’est
une histoire qui finit mal. Et puis, un château, c’est bien
beau, bien grand, mais moi, je ne suis pas faite de pierres.
Lundi 6 mars 2017
Journal aléatoire #43
Un grand pan de ciel bleu, comme une
parenthèse, m’accueille à Laval. Comme les fois précédentes. Je
photographie la vue, juste pour garder une trace, une preuve.
Avant dernière session de résidence, déjà. Je me sens bien ici.
Ecrire, principalement. Je fais peu d’autres choses en dehors
des ateliers et interventions prévues. Par choix. Ma plénitude
se reconstruit dans la solitude, dans les voix faites de mots
sur papier. Je ne cherche pas à compliquer les choses, au
contraire. Elles savent l’être sans mon aide. Une parenthèse, ça
se savoure, ça se respire, ça inspire. La respiration, dans
l’immobile, prend une autre ampleur. Je mesure le souffle. Je
reprends le mien.
Je ne sais pas quoi prononcer d’autre que le silence, j’attends juste
qu’il sorte de la pièce, retourne dans son bureau avec son alcool et son
fatras de nourriture, qu’il retourne se saouler, se gaver à en déborder
de sa peau, de cette vie dont il cherche constamment les limites pour
n’avoir jamais gouté celles de la douleur vraie, gros, maigre, gros,
maigre, sont les seules frontières qu’il connaisse, ivre, sobre, ivre,
sobre, également, et son malheur virtuel, et ses souffrances fictives me
font marrer, me font mal aussi, parce que je sais que s’il était
confronté à du réel, celui qui cisaille, tranche les entrailles, il
choisirait probablement de crever avant le coup de grâce, juste pour
s’épargner quelques minutes de douleur.
Et il revient, la bouteille est vide ? l’assiette est vide ? il me
regarde avec son air de je-sais-tout, son air
d’oublie-pas-que-je-suis-le-chef, alors que, bordel, il n’est pas plus
grand qu’un mouchoir d’humain plié en quatre, un morceau de vie plein de
morve, et que je te chiale ma peine, mais la quelle, bordel ? vas donc
te moucher, on en parlera demain !
Dimanche 12 février 2017
L'humeur du dimanche : facile !
Samedi 11 février 2017
Ainsi soit-il
Pour une lecture (tu
vas te donner en spectacle ! – non, je ne me donne pas, j’offre
autre chose, enfin j’espère, mais peu importe), on me demande de "faire
un effort vestimentaire". Soit. Je comprends les mots. Effort.
Vestimentaire. Bien. Ainsi soit-il. J’ai toujours eu une tendance docile
sur les bords. Du coup, je remballe le duo jean + sweater ordinaire mais
confortable et fouille dans les abandonnés de mes filles. Un genre de
robe-pull, un petit blouson chopé aux soldes d’il y a cinq ans, une
paire de collants encore potable et mes bonnes vieilles chaussures (il y
a des choses avec lesquelles on ne plaisante pas). Voilà. Mon reflet ne
me ressemble plus, mais je suis prête à me donner en spectacle.
Et peu importe, puisque ce n’est plus moi. Ce ne sera qu’un jeu dans
lequel il s’agira prétendre se donner et être honnête alors que
l'exigence de départ est biaisée. Il semblerait qu’en fin de compte ce
soit ça l’important dans ce monde. Ne pas donner de soi, mais donner un
soi, même ou surtout s’il est fictif. Il semblerait que quel que soit le
paysage, seules les apparences aient de la valeur. Bien. Je resterai,
tendance docile sur les bords, jusqu’à ce qu’un des moi un peu
plus couillu que les autres se dégoupille la grenade pour m’envoyer voir
ailleurs si j’y suis. Ainsi soit-il.
Mardi 7 février 2017
Mot
barré #58
Lundi 6 février 2017
J'emmerde la ponctuation [new]
Quel
est le point commun
entre un point final et
un point de départ ?
Dimanche 5 février 2017
Journal aléatoire #42
Petite rétrospective en
images du quotidien. Non, les deux semaines passées ne se résument pas à ça. Oui, on y
retrouve l'atmosphère, celle qui me guide patiemment dans la
dernière ligne droite du roman.
On se retrouve sur ce canal à partir du 6 mars ! Et, d'ici là,
malgré les aléas, si le quotidien le veut bien, quelques
nouveautés.
Samedi 4 février 2017
Journal aléatoire #41
La faute à ma myopie - on trouve
toujours un coupable docile - j'ai dit bonjour sans savoir à qui
sur le parking de l'Intermarché de Laval. C'est seulement en
arrivant sur la petite esplanade devant les Cafés Etienne que ça
m'est revenu. Le gars aux lunettes noires qui venait de me
saluer travaille ici. On s'y était croisé lors d'un de mes
précédents passages. En creusant un peu, je pourrais même me
rappeler son prénom. Mais ma mémoire et moi, on est en mauvais
termes, surtout celle à long terme. Enfin, ça, c'est une autre
histoire. Oui, je suis pleine d'histoires, et ce n'est pas ce
qui m'empêche d'en inventer d'autres - je ne vais pas me laisser
dicter une conduite par un bout de matière grise, non plus!
Toujours est-il que j'ai fini par me souvenir de ce jeune homme,
sa présence à la fois chaleureuse et discrète. On se recroisera
en mars, au même endroit, quand je reviendrai pour la prochaine
soirée littéraire prévue avec Perinne le Querrec. Et je lui
demanderai peut-être de m'excuser pour mon absence, ma trogne
ahurie et mon "bonjour" un peu creux de ce 4 février, derrière
Intermarché. Enfin, si j'ose - ça aussi, c'est une autre
histoire.
Vendredi 3 février 2017
Journal aléatoire #40
Mathématiquement parlant, est-ce qu'il existe
une ligne quelque part séparant le vrai du faux? Oui, je sais,
je cherche la petite bête. Il n'empêche, je m'interroge.
D'autant que, toujours mathématiquement parlant, je sais très
bien que tout est relatif (enfoiré d'Einstein). Et, je l'ai même
écrit quelque part : la vérité des uns n'est pas forcément celle
des autres. Alors, partant de ce postulat, on fait comment pour
marcher droit? Oui, je sais aussi, je (me) pose sans doute trop de
questions. Mais c'est quand je n'en poserai plus, qu'il faudra
éventuellement s'inquiéter. D'ici là, je compte bien continuer
de creuser dans le terreau gras de la vie pour dénicher quelques
racines de réponses. Y semer aussi des graines d'espoir en
espérant qu'il en germera de l'utile ou du beau. Les deux à la
fois, pourquoi pas - on est encore autorisé à rêver, que je
sache!
Jeudi 2 février 2017
Journal aléatoire #39
C’est parfois à des détails qu’on remarque
l’éloignement géographique. A des choses, somme toute, anodines.
Ici, les gens ont des parapluies différents. De grands
parapluies-cannes qui seraient incapables d’affronter le
Mistral. Oui, il a plu ces jours-ci. Parfois de la vraie pluie,
parfois ce crachin Breton que j’aime et qui te fait arriver
devant des lycéens avec le visage brumisé qu’on connait dans le
sud en été, quand la chaleur nous pousse vers la bombe d’eau
minérale pour un oui pour un non.
La nuit est tombée sur une journée que je n’ai pas vu passer.
J’étais en vadrouille quelque part dans le virtuel de mon roman.
Un bref retour à la réalité avec Sophie, au moment du café, puis
j’ai replongé. Tout l’après-midi, sans prendre le temps de
m’attarder sur le gris. Une brève pause de nouveau en soirée,
quand l’estomac rappelle à l’ordre. M’étirer, regarder par la
fenêtre – toujours cet émerveillement de la vie en centre-ville.
Un gars, malgré la pluie, s’obstine à monter-descendre-remonter
la pente. Le Roquet du Palais. Il piétine un peu en bas, au
moment du demi-tour. Son K-Way jaune qui gobe la lumière des
lampadaires. Sa raideur aux épaules qui me rappelle les postures
de Luc. Ce petit côté engoncé malgré lui. Sur son visage absent,
mangé par la capuche, je colle le visage de cet ami. Je
l’observe un moment tenir tête à la pente, encore et encore. Un
jour, peut-être, raconterai-je à Luc les exploits de ce faux lui
dans les rues de Laval.
Mercredi 1er février 2017
Journal aléatoire #38
"Et tu m'effleures avec juste tes mots"
Je lis les textes qu'une jeune fille timide m'a glissé ce matin
à la fin d'une rencontre. C'est beau jusque dans les fissures
d'une l'honnêteté qu'on apprend trop facilement à perdre. Les
imperfections en miroir de la vérité. Non, il n'y a pas
qu'une vérité. En tout cas, je me refuse à le croire. La vérité,
tout comme la réalité, est aussi multiple que nous. Le nous
sommes me semble préférable au je suis.
On dit souvent que l'écriture est un geste solitaire. Soi face à
soi. Je n'y crois pas non plus. L'autre sera toujours une clé de
voûte. Celle qui empêche l'édifice de s'écrouler. J'aime l'autre
et je le hais parfois, mais je n'y suis jamais indifférente. En
flânant dans les rues, j'observe, je dévore, je gobe l'autre,
tous les autres. J'y plonge les yeux sans toujours comprendre,
sans non plus forcément savoir ce que j'espère y dénicher. Rien,
peut-être.
Est-ce soi qu'on cherche à retrouver dans le regard de l'autre
ou est-ce l'autre qu'on tente de déchiffrer au travers de son
propre regard ? Et cette questions a-t-elle la moindre
importance ? L'un dans l'autre, si la réponse signe l'arrêt de
mort d'une question, alors je préfère m'abstenir. Temps qu'il y
a de l'interrogation, il y a de l'espoir.
Mardi 31 janvier 2017
Journal aléatoire #37
Une sophrologue, deux poétesses et un professeur sont dans un
café pour parler de Brautigan. La réalité tombe à l'eau. Que
reste-t-il ? Un petit moment simple et beau. Certes, ça ne s'est
pas passé comme prévu. C'est vrai, les choses échappent souvent
aux prévisions. Mais, si c'est - parfois - pour le pire, c'est
aussi ce qui permet aux bonnes surprises de pousser un cri de
joie en sortant des entrailles de l'ordinaire. Et il serait bien
ingrat de notre part de nous en plaindre.
Lundi 30 janvier 2017
Journal aléatoire #36
Un chat en céramique entre les dents, voilà comment j'ai
commencé la soirée. En mordant sur une fève. La galette me
désigne reine. Est-ce un hasard si elle était fourrée aux
pommes? Après un verre de jus (de pommes également - c'est un
signe, aurait dit maman), j'embarque à bord de mon char
direction la campagne Mayennaise pour un atelier d'écriture. Les
chevaux fiscaux sont dociles. Brouillard oblige, j'y vais molo
sur l'accélérateur. A défaut d'être véritablement reine, c'est
encore moi qui tiens les rênes, avec les orteils du pied droit.
Dimanche 29 janvier 2017
Journal aléatoire #35
Parler de poésie (mais pas que) un dimanche après-midi à la
médiathèque de Laval pendant que le pluie tombe discrètement,
comme avec l'air de s'excuser. Rire, philosopher, s'extasier,
partager. Non, la fin du week-end ne file pas forcément le
bourdon, au contraire !
Rentrer presque quand la nuit tombe (tiens, il ne pleut plus!)
me remettre au boulot. Je dis "boulot", parce que là, c'en est.
Certes, le roman est terminé. Et pourtant non, il ne l'est pas.
Les murs, le toit, les portes et les fenêtres sont posés, mais il
faut encore faire les plâtres, les enduits, la peinture. Il faut tout
reprendre, lisser, traquer les incohérences d'information, de
ton, de registre de langue, améliorer le style ou, en tout cas
essayer. S'atteler à tout ça en luttant contre le monstre qui
débarque dans ta tête et demande : t'es sûre que cette histoire
va intéresser quelqu'un? Non, on n'est jamais certain. Mais il
est trop tard pour baisser les bras maintenant.
Et à part ça, ce soir, ce sera soupe en brique réchauffée à la
casserole. Je sais, c'est pas toujours excitant, les dessous de
la littérature contemporaine. Un peu comme les culottes en
coton. Mais, bordel, qu'est-ce que c'est confortable. Et puis le
glamour, ça va bien cinq minutes. La poudre aux yeux et dans les
narines, c'est pas ce qui sauvera le monde. Tu me diras, les
livres et les culottes non plus. Mais se glisser au lit, cul nu,
avec un bon bouquin, c'est déjà un peu prendre la direction du
bonheur, non?
Samedi 28 janvier 2017
Journal aléatoire #34
Il parait que les premières fois sont toujours un peu
douloureuses. Aujourd'hui, j'ai été membre de jury littéraire
pour la première fois et, je confirme, ça fait mal. Est-ce
jouissif ? Oui, aussi, bien entendu. Et pour être honnête, le
plaisir, je l'ai pris avant. En solitaire. Pendant la lecture
des cinq romans en compétition. Cinq fois du bonheur avec des
livres, tu penses bien que j'allais pas refuser le privilège!
Mais j'avais pas réfléchis qu'après faut se transformer en juge,
et sincèrement, je pensais que ce serait plus doux. Non, je ne
joue pas les vierges effarouchées. Critiquer, classer, éliminer,
c'est pas franchement mon truc, c'est tout. Il n'empêche que ce
fut une expérience enrichissante, que j'y ai appris beaucoup,
que j'ai retrouvé quelques personnes chères à mon coeur et
rencontré d'autres qui méritent le détour. Et si tu te demandes
de quoi je suis en train de causer, vas voir par
ICI.
Vendredi 27 janvier 2017
Journal aléatoire #33
Ce matin, je me suis réveillée avec le bruit
de la pluie sur les Vélux. J'ai remonté un peu la couverture et
décidé de retourner la situation : en renversant ma chambre sous les toits, elle devenait une douillette
coque de bateau. En fermant les yeux, je pouvais même sentir le
roulis de la houle. Lorsque je les ai rouverts, le ciel s'était
vêtu de bleu. Moment parfait pour me lever. La coque de bateau
est redevenue toit, je pouvais marcher sur le plancher sans
tanguer. J'ai fait chauffer un peu d'eau pour le thé. Pendant
qu'il infusait, la pluie s'est remise à tomber. Plus tard, le
soleil est venu glisser ses doigts entre les nuages. Plus tard
encore, le ciel a enfilé un manteau gris. J'attends la suite des
humeurs du jour. Peut-être que ce soir il empêchera la nuit de
tomber, va savoir!
Jeudi 26 janvier 2017
Journal aléatoire #32
J'essaie. Oui, vraiment, j'essaie. D'esquiver
un peu moins. D'aller un peu plus vers. J'ai une bonne excuse,
cela dit : je ne suis pas ici pour m'amuser, papoter autour d'un
café ou d'un verre de vin, m'essayer à la danse africaine (ah,
diable ! si au moins il pouvait prendre possession de mon corps
de temps en temps, celui-là!). Non, je suis ici pour écrire.
Alors j'écris. Beaucoup. J'esquive beaucoup aussi. "Faudrait
savoir ce que tu veux!" je me dis. Puis je me rétorque
"J'arriverais peut-être à le savoir si tu me laissais penser en
paix". Je me ris au nez.
Mercredi 25 janvier 2017
Journal aléatoire #31
Rencontre, aujourd'hui, avec des étudiants à l'UCO de Laval. Un
moment simple et beau comme je les aime. Les timidités qui se
bousculent, mais n'empêchent pas - jamais - la sincérité. Les
questions qu'on me pose et qui me font m'en poser d'autres. De
jeunes futurs libraires ou bibliothécaires, leurs yeux brillants
d'amour des livres. Mes réponses probablement trop naïves
parfois. Leurs rires lorsque je balance une connerie histoire de
faire diversion, ne pas montrer à quel point je doute, à chaque
instant. Ils me l'ont demandé eux aussi : à quel moment ai-je
commencé à me sentir "écrivain"? Je leur ai dit la vérité. Et ça
ne me gêne pas de me lever le matin en me sentant moi, juste
moi, toujours la même. A quoi ressemble un costume d'écrivain?
Quelle sensation laisse-t-il sur la peau? Je l'ignore. Tout ce
que je sais, c'est que j'écris. J'écris comme je respire. Et dès
que j'en suis empêchée, j'étouffe, je meurs un peu.
Mardi 24 janvier 2017
Journal aléatoire #30
Les petits couacs, les aléas, les imprévus. Parfois, ça ne veut
pas, ça change d'adresse, ça tombe à l'eau, ça fait tourner de
nuit sur les routes de campagne d'une région que je ne connais
pas encore comme ma poche - je ne connais d'ailleurs pas
parfaitement ma poche - ça fait monter puis redescendre puis
remonter encore le Roquet du Palais, ça fait des rencontres
imprévues, un déca, un verre de vin avec une inconnue, le vous
qui devient tu, des choses toutes simples. C'est un cycle
qui nous échappe: on
invente des histoires, il nous en arrive. Je sais être un
personnage docile. La vie m'écrit. Chacun son tour.
Lundi 23 janvier 2017
Journal aléatoire #29
Une pensée m'est venue ce soir : Je suis de
plus en plus à l'ouest.
Et j'ai souri. Non, ma tête n'est pas perdue - enfin, pas pour
tout le monde. Il n'est question ici que de géographie. Laval,
Nantes, Surgères, Vitré et d'autres lieux situés du côté ouest du pays
vont m'accueillir cette année. Maman aurait probablement dit
"C'est un signe". Je m'en serais amusée.
Voilà. Laval me reçoit pour une troisième session de résidence. Le soleil est
au rendez-vous, comme un sourire qui se moquerait des saisons.
Pourquoi compliquer les choses simples ? Je suis à l'ouest, et
après ?
Jeudi 19 janvier 2017
Ceci, cela
Oui, je sais, le temps passe.
Et toi ? Et moi, je suis passée où ?
On va dire que je suis en voyage dans la partie immergée de
l'iceberg. Ce truc invisible dix fois plus grand que le visible.
Probable que je sois un peu perdue. La faute à tout et rien. Si
c'est caché, c'est pas pour rien. Sans ce morceau-là, l'iceberg
ne flotterait pas.
Je flotte.
Je nage.
Je tente de garder la tête hors de l'eau.
Et puis quoi ?
On s'en fout, après tout!
L'important, c'est ce qui bouge à côté.
Ce qui vibre, ce qui vit, ce qui nous maintient là.
Alors je vais te parler d'une chouette revue dont j'apprécie la
politique éditoriale et le contenu.
Ca s'appelle les
Cahiers Polymères et l'édito du dernier numéro est
ICI.
Vas-y, jette un oeil, tu ne risques rien !
Mercredi 4 janvier 2017
Exosquelette
Je creuse
loin
profond
dans les décombres d'une vie
qui m'échappe de plus en plus
mais
je ne cherche pas à lui echapper
simplement
je creuse
loin
profond
à coup de pioche
dans ma croute terrestre
jusqu'à la moelle tendre des os
ma peau, je la connais assez
je m'y sens mal
tandis que l'os est solide
même brisé, il se répare
si on lui en laisse le temps
Mardi 3 janvier 2017
Il
parait
Il
parait qu'il s'est passé quelque-chose
qu'on a quitté une année pour entrer dans la suivante
ce serait comme passer d'une pièce à l'autre
du salon à la chambre, ou vice versa
sauf que je n'ai pas vu de porte
rien entendu grincer
sauf que le décor n'a pas changé d'un pouce
il parait qu'on ne peut pas retapisser une nouvelle année
c'est pas ça qui me fait peur
de toute manière, je n'ai jamais aimé les murs